Les sanctions américaines contre Cuba en quatre points-clés

Mardi 5 Novembre 2019

La Havane - A l'horizon, l'élection présidentielle américaine de 2020 et d'ici là, une pluie de sanctions contre Cuba: voici quatre clés pour comprendre l'agressivité sans précédent de l'administration de Donald Trump contre l'île, gouvernée par le parti communiste.


"La campagne électorale aux Etats-Unis pourrait accentuer la confrontation avec notre pays, avec des mesures supplémentaires d'embargo", outre celui déjà en vigueur depuis 1962, soulignait récemment le chef de la diplomatie cubaine, Bruno Rodriguez, assurant que Cuba est préparée "pour affronter l'assaut" et "sûre de vaincre".

"Trump a remis les clés de la politique à l'égard de Cuba à Marco Rubio (fils d'immigrés cubains anti-castristes et sénateur républicain de Floride, ndlr), à ce secteur de Cubains exilés qui visent un changement de régime coûte que coûte", explique l'universitaire cubain Arturo Lopez-Levy, de l'université californienne Holy Names.

La Floride fait partie de ces "swing states", ces Etats indécis qui peuvent basculer à tout moment côté démocrate ou républicain et ont donc une importance capitale dans une élection présidentielle.

"Sans aucun doute, avant l'élection de 2020, viendront de nouvelles restrictions", selon Lopez-Levy, mais en cas de défaite de Trump, il faut s'attendre à un revirement car "le parti démocrate veut lui plus d'échanges avec Cuba".

Washington accuse Cuba de "réprimer son propre peuple", avec un système de parti unique, sans opposition légale, et de soutenir militairement le gouvernement de Nicolas Maduro au Venezuela, ce que nient les autorités cubaines, même si elles se disent solidaires de Caracas.

D'où une avalanche de sanctions: suspension à partir de décembre des vols directs à Cuba (hormis La Havane), interdiction aux bateaux de croisière américains d'y faire escale, restriction des visas américains...

Autre stratégie d'attaque: bloquer le transport de pétrole vénézuélien vers l'île, qui a souffert de graves pénuries de carburant, devant opérer avec 30% du niveau normal en septembre puis 60% en octobre.

Les Etats-Unis ont aussi limité à 1.000 dollars par trimestre les envois d'argent des Cubano-Américains vers leurs proches à Cuba.

Enfin, M. Trump a activé en mai le titre 3 de la loi Helms-Burton, qui permet de poursuivre devant des tribunaux américains des entreprises étrangères qui gèrent à Cuba des biens confisqués lors de la révolution de 1959.

Une vingtaine de plaintes ont déjà été déposées.

"L'administration Trump s'attendait à plus de plaintes", souligne John Kavulich, président du Conseil commercial et économique américano-cubain, mais le plus important, ce sont "les sociétés poursuivies", et non des moindres: American Airlines, Amazon, Société Générale...

Ce climat offensif a effrayé les banques internationales, dont la majorité s'abstiennent désormais de toute transaction avec Cuba, par crainte de sanctions.

Ces attaques depuis l'autre rive du détroit de Floride ne touchent pas vraiment le Palais de la Révolution - épicentre du pouvoir cubain -, mais plutôt la population.

Selon le ministère cubain des Affaires étrangères, depuis juin 2017, Donald Trump a appliqué 187 mesures "qui affectent des individus et entreprises cubains et cubano-américains".

"Ce n'est pas au Parti communiste qu'ils font du mal, c'est à des personnes qui peuvent même ne pas penser comme le gouvernement, ne pas être socialistes", observe Ricardo Alarcon, ex-ministre cubain des Affaires étrangères. "Cela leur complique le contact avec leur famille, l'accès à des biens et à des financements".

Pour Arturo Lopez-Levy, "ces mesures visent à augmenter la pression économique pour que le pays explose, mais personne ne peut imaginer que cela arrive sans faire de mal à la population".

Selon plusieurs experts consultés par l'AFP, de nouvelles sanctions sont à attendre, à mesure que s'approche l'échéance électorale.

Première possibilité: que Washington cible une fois de plus le secteur du tourisme, moteur de l'économie cubaine, en limitant les dépenses autorisées pour les Américains voyageant à Cuba ou en y interdisant l'utilisation des cartes de crédit Visa et Mastercard.

Autres hypothèses fréquemment citées: placer à nouveau Cuba sur la liste des pays soutenant le terrorisme ou réduire encore le montant des envois d'argent par les Cubano-Américains à leurs proches sur l'île.

Un dernier recours pourrait être de réduire les relations diplomatiques, l'ambassade américaine à La Havane redevenant alors une simple section d'intérêts.

AFP