Les relations maroco-sénégalaises à l’aune de la visite royale du 15 mars 2013

Lundi 18 Mars 2013

La visite du Roi Mohammed VI au Sénégal, dans le cadre d’une tournée africaine ayant débuté le 15 mars 2013, met en relief le caractère particulier des relations du Maroc avec ce pays. Il s’agit de la cinquième visite du Roi depuis le début de son règne en 1999 au pays de la Teranga, après celles effectuées en mai 2001, en juin 2004, en mars 2005 et en novembre 2006. 

Les différents déplacements du Souverain au Sénégal ont permis de consolider et de développer  les relations entre les deux pays dans les domaines politique, économique et socioculturel.

Sur le plan politique, les deux pays sont engagés dans un processus de dialogue et de concertation permanent portant sur des questions bilatérales, régionales et continentales et matérialisé par les fréquentes visites des responsables gouvernementaux et en particulier ceux en charge des affaires étrangères. Dans ce sens, il convient de souligner la position constante du Sénégal, maintes fois réitérée, concernant la question de l’unité territoriale du Maroc, à savoir l’engagement de Dakar à appuyer le Maroc « pour que le Sahara [marocain] demeure marocain ». Ainsi, lors de sa visite officielle au Sénégal entamée le 15 mars 2013, le Roi du Maroc s’est entretenu non seulement avec le président M. Macky Sall, avec le premier ministre sénégalais M. Abdoul Mbaye, mais également avec le président de l’Assemblée nationale sénégalaise, Monsieur Mustapha Niasse. Les deux derniers responsables politiques sénégalais avaient été reçus le 16 mars 2013 à « (…) la Résidence Royale à Dakar (…) ». Ces diverses rencontres témoignent de l’importance qu’accorde le Maroc et le Sénégal à cette visite officielle du Roi Mohammed VI.

Sur le plan économique et socioculturel, la coopération entre les deux pays, qui englobe plusieurs secteurs, ne cesse d’évoluer et cela en accord avec la volonté exprimée par le Roi Mohammed VI et l’ancien Président Abdoulaye Wade lors de leurs différentes rencontres depuis l’année 2000. L’accent était toujours mis sur la nécessité « d’adapter le cadre juridique de la coopération au nouveau contexte de la globalisation et son recentrage vers les secteurs prioritaires ».

Aussi, afin de faire de leurs relations un modèle de coopération Sud-Sud, le Maroc et le Sénégal mettent en œuvre plusieurs projets portant sur les transports, les infrastructures, l’agriculture, l’enseignement, les affaires islamiques ou encore la santé. En fait, la coopération entre les deux pays, qui fait l’objet de plusieurs accords et conventions, est multiforme et diversifiée, et permet de répondre aux besoins des autorités sénégalaises.

C’est ainsi qu’à l’occasion de la visite royale, deux accords de coopérations bilatérales ont été signés à Dakar entre des responsables marocains et sénégalais. Ces ententes portent sur les domaines des transports ainsi que ceux des mines, des hydrocarbures et des énergies renouvelables.

Il convient de noter que certaines actions de coopération doivent être mises en relief eu égard à leur impact social.

Il s’agit du financement par le Maroc des travaux d'aménagement d'un projet agricole pilote. Lequel s'inscrit dans le cadre du Plan Retour Vers l'Agriculture (REVA), lancé en août 2006 par le Sénégal dans le but de promouvoir le monde rural et de lutter contre l'émigration clandestine à travers l'encouragement des populations à s'adonner à l'agriculture. S'étendant sur une superficie de 100 hectares, ce projet est destiné à 3200  habitants de sept villages de la région de Pout, située à 60 km de Dakar, avec la création de 700 emplois directs et indirects.

Par ailleurs, l’assistance marocaine au Sénégal s’est matérialisée par un don de 8,8 millions de dirhams accordé par le biais de l'Agence marocaine de coopération internationale. Cette somme a permis l'acquisition d'équipements modernes au profit du Laboratoire de contrôle alimentaire dépendant du ministère du Commerce sénégalais en vue de l'amélioration de ses services et de sa mise en conformité avec les normes internationales.

De même, « dans le cadre de la contribution du Maroc à la prise en charge conséquente et de longue durée des enfants admis à l'hôpital d'enfants de Fann à Dakar »  un important lot de médicaments et d'équipements, soit 3,8 tonnes, d'une valeur de 3 millions de dirhams, a été remis à cet hôpital en vue de lui permettre de « soigner certaines pathologies comme le paludisme et les maladies cardio-vasculaires et pulmonaires ».

En outre, il convient de noter l’implication croissante du secteur privé dans la coopération entre le Maroc et le Sénégal avec notamment les contacts entre l’Association sénégalaise pour le développement de l’électrification rurale et la Fédération nationale de l’électricité et de l’électronique. Ajoutons à cela la construction de 10.000 logements au Sénégal par le « Groupe Chaabi », la création d’une banque maroco-sénégalaise d’affaires par la Banque marocaine du Commerce extérieur (BMCE Bank) et des partenaires sénégalais, l’implantation du groupe Attijariwafa bank ainsi que la création d’un Conseil des hommes d’affaires entre la Confédération générale des Entreprises marocaines (CGEM) et le Conseil national du patronat du Sénégal.

En ce qui concerne le volet religieux, il bénéficie d’un grand intérêt de la part des pouvoirs publics marocains. La politique adoptée dans ce domaine a été poursuivie et consolidée par le Roi Mohammed VI qui a rappelé que Feu Hassan II « accordait un immense intérêt, une attention soutenue et un soutien total aux confréries religieuses d’obédience soufie en général et à celle des Al Tijan en particulier, facilitant le développement de leur action par le soutien moral et matériel qu’il leur apportait». D’autant plus que  « les adeptes de la Tariqa Tijania sont restés fidèles aux liens étroits tissés avec les Rois du Maroc, notamment par la reconnaissance du statut de Commanderie des Croyants » qu’ils incarnent.

A cet effet, le Maroc contribue financièrement et matériellement à ce rayonnement par sa participation aux Journées culturelles islamiques dédiées annuellement au Saint vénéré Cheikh Ahmed Tidjani, à la construction ou à la rénovation de mosquées,  ainsi que par des dons.

En outre, le soutien aux confréries sénégalaises a été marqué par la décision du Maroc de rapatrier, en janvier 2009,  environ 2 500 pèlerins sénégalais bloqués en Arabie saoudite après l’accomplissement du « Hadj ».

Enfin, en vue de « faire face au phénomène de l'immigration clandestine, les deux pays ont décidé de renforcer la coopération entre leurs services de sécurité en matière de contrôle des frontières et d'échange d'informations et d'expériences dans les domaines de la lutte contre la traite des êtres humains, le blanchiment d'argent, le trafic illicite de stupéfiants, le terrorisme et la lutte contre la cybercriminalité». A cet égard, pour assurer l'exécution diligente de leurs engagements, Rabat et Dakar ont décidé de mettre en place un mécanisme de suivi de la coopération bilatérale, qui se réunira deux fois par an.

Abdelaziz Barre
Chercheur


Abdelaziz Barre