Les étudiants en médecine et pharmacie boycottent l'examen malgré l'appel du gouvernement

Jeudi 30 Mai 2019

CONFLIT SOCIAL - Le bras de fer persiste. À dix jours des examens, le gouvernement tente à nouveau de convaincre les étudiants en médecine et pharmacie de reprendre le cours normal de leurs études. Hier, le ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Saaïd Amzazi, et le ministre de la Santé, Anass Doukkali, ont tenu une conférence de presse pour lancer un appel à ces étudiants grévistes depuis plus de deux mois. Les deux ministres leur assurent que le gouvernement compte bien poursuivre avec eux le dialogue et l’approfondir, mais après le passage des examens qui débutent le 10 juin.  

Dialogue contre reprise: la proposition ne suscite pas l’impact escompté auprès des concernés qui organisent, ce jeudi, une marche nationale du siège du ministère de la Santé vers le Parlement. Ils campent sur leur position, sans toutefois rejeter pas le dialogue. “Nous sommes pour. On nous a parlé, maintes fois, de dialogue ouvert, mais nous n’avons perçu aucune prémisse l’attestant concrètement”, déclare au HuffPost Maroc le président du Conseil des étudiants en pharmacie de Rabat, Yahya Rhaouti, étudiant en 3ème année pharmacie.

Ce qui bloque le dialogue est une crise de confiance envers le gouvernement, à en croire ces étudiants. Un projet d’accord leur avait été soumis par les deux départements le 14 mai, d’après la Commission nationale des étudiants en médecine au Maroc (CNEM). Soumis au vote auprès des étudiants des différentes facultés de médecine (Rabat, Casablanca, Marrakech, Agadir, Tanger, Fès et Oujda), ce projet d’accord a été refusé par une majorité écrasante, soit 91%, ajoute la même source.    

Crise de confiance

“On veut un compromis au contenu clair prenant compte de nos revendications et apportant surtout des garanties de leur mise en oeuvre”, précise Yahya Rhaouti, soulignant qu’”à ce jour, les promesses faites par le gouvernement ne représentent pas le gage d’un changement concret et pérenne”. Sans cette assurance que recherchent ces étudiants, ils ne passeront pas les examens. “Nous maintenons le boycott des examens à 100%. Nous sommes certains que personne ne les passera”, assure cet étudiant gréviste. Et de souligner que les manifestants se sont investis si dur qu’un retour à la case départ leur semble désormais impossible. “On ne peut pas se permettre de perdre ce temps précieux pour rien. Les étudiants en médecine de 3 à la 6ème année boycottent aussi les stages”, tient-t-il à rappeler. Les étudiants internes en 7ème année viennent de leur emboîter le pas cette semaine, en boycottant les stages hospitaliers dans les provinces et régions pour une durée de deux semaines, renouvelables, annonce encore la CNEM.  

Leur devise: “une année blanche vaut mieux qu’un avenir noir”. Dans leur dossier revendicatif, ils présentent un total de 16 demandes toutes visant, d’après eux, “l’amélioration de la qualité de la formation”. Les deux ministres, relayés par la MAP, ont déclaré avoir “positivement interagi avec 14 points”. Il s’agit de maintenir le statut juridique actuel du concours des médecins, des pharmaciens et des médecins dentaires internes et de permettre à ces étudiants de bénéficier du système d’assurance maladie obligatoire. 

Revendications

Sur l’augmentation du nombre de postes de travail réservés aux titulaires d’un doctorat en pharmacie ou en médecine dentaire, le gouvernement se montre également disposé à y donner une suite favorable. Il ne voit pas d’objection non plus à accorder une indemnité de fonction aux étudiants en pharmacie en 5ème et 6ème année de formation ainsi qu’aux étudiants en médecine dentaire en 6ème année.

Quant à l’ouverture d’accès aux examens d’internat et de résidanat aux étudiants du privé, ainsi que l’ajout récent d’une 6ème année au cycle d’études en médecine dentaire auxquels s’opposent les grévistes, le gouvernement demande plus de temps. Les deux ministres ont estimé que ces deux points n’avaient pas de caractère urgent et “seront activés dans deux ans”. Leur réserves, ils les lient au fait que le concours des médecins résidents “ne concerne pas les étudiants mais les médecins marocains ayant obtenu le diplôme de médecine, de pharmacie ou de médecine dentaire, y compris ceux qui ont obtenu des diplômes étrangers reconnus”.  Pour eux, il est donc “impossible d’interdire aux médecins marocains de passer le concours (de recrutement) s’ils répondent aux conditions requises, comme étant un droit constitutionnel inaliénable”.

Le décret relatif à l’organisation du concours des médecins, des pharmaciens et des médecins dentaires résidant sera, toutefois, révisé, promet le gouvernement. Il devra “garantir les droits et les acquis des étudiants des facultés de formation médicale publique quant à l’accès aux formations de spécialisation”. En attendant, le dialogue entre le ministère de la Santé et les représentants des grévistes devra se poursuivre sur ce point bien précis. Doukkali parle, ici, de la perspective de concevoir la réforme du troisième cycle dans un cadre consensuel alliant les représentants d’étudiants et ceux des professeurs chercheurs.

Autre engagement pris par ce ministre: l’augmentation du nombre de postes réservés au concours de résidanat, prenant compte, dans cela, la dimension régionale permettant aux régions de disposer de ressources humaines spécialisées.

Mais face au rejet par les grévistes de la 6ème année en médecine dentaire, les deux ministres sont unanimes pour préciser qu’au niveau international, la durée de formation pour décrocher ce diplôme est, en moyenne, de six ans. La réforme pédagogique en fait une nécessité, ont-ils estimé, mais cela ne veut pas dire que des changements peuvent être opérés. Pour cela, une révision de la formulation et de la mise en œuvre du contenu du cahier des normes pédagogiques nationales du diplôme du docteur de la médecine dentaire et le dossier descriptif régissant les stages de la sixième année sera programmée.

Pour le gouvernement, ce dernier n’a ménagé aucun effort pour répondre au mieux à ce dossier revendicatif. Il affirme, par contre, que le compromis avec les grévistes n’a pas été soumis aux assemblées générales de la CNEM. 



Source : https://www.huffpostmaghreb.com/entry/les-etudiant...

Leïla Hallaoui