La violence dans le milieu scolaire, un indicateur de la régression du rôle éducatif de la famille et de l'école

Jeudi 9 Novembre 2017

Rabat - Nul ne peut contester que la violence dans le milieu scolaire, qui a pris ces derniers jours une ampleur de plus en plus inquiétante, constitue un indicateur de la régression du rôle éducatif de la famille et de l’école.


La violence dans le milieu scolaire, un indicateur de la régression du rôle éducatif de la famille et de l'école

La violence au sein des établissements scolaires, notamment contre le corps enseignant, reste un comportement abject, rejeté sur les plans éducatif, éthique, psychique et social, par la société marocaine dans toutes ses composantes (administration, syndicats et acteurs sociaux) qui appelle à la nécessité de faire face à cette violence notamment à travers l’amélioration de l’efficacité des mesures entreprises sur le terrain, et le rétablissement du rôle éducatif de la famille et de l’école.

Dans ce sens, le directeur de l’académie régionale de l’éducation et de la formation régionale (AREF) Rabat-Salé Kenitra, Mohamed Aderdour a affirmé que la violence dans le milieu scolaire ne peut être dissociée du phénomène de la violence qui a envahi plusieurs espaces publics, ce qui dénote, selon lui, que l’école, en tant qu’institution sociale, n’est plus en mesure d’accompagner les changements socio-économiques et culturels que connait la société.

Dans un entretien accordé à la MAP, M. Aderdour a indiqué que l’école ne peut être isolée de la société ni des changements et des évolutions socio-culturelles et éthiques, faisant remarquer que la violence et les comportements au sein de l’école ne peuvent être généralisés à l’ensemble du système éducatif.

Le rôle de l’école, a-t-il assuré, consiste essentiellement dans le traitement de ces agissements à travers la coopération entre la famille, les autorités et tous les acteurs concernés ainsi que les médias, précisant que le ministère de tutelle dispose d’un dispositif documentaire et d'un cadre réglementaire important en matière de lutte contre les comportements déviants, tels que la toxicomanie, le vandalisme, la dégradation des biens publics ou la fraude aux examens.

Il a ajouté que le ministère a toujours opté pour des solutions appropriées pour améliorer le système éducatif selon une approche participative notamment à travers le renforcement du rôle des associations des parents d’élèves, la promotion des liens de communication avec elles et la programmation d’activités sportives et de divertissement.

L’école n’est pas seulement un lieu d’acquisition du savoir, mais aussi un espace d’éducation, d’où la nécessité d’élargir le cercle des activités parallèles pour lutter contre la violence,a-t-il dit, faisant remarquer que le stress des examens pourrait être l'un des facteurs poussant certains élèves à verser dans la violence.

M. Aderdour a estimé que la dignité du corps enseignant est au dessus de toute autre considération et que l’ouverture sur les élèves et leur encouragement à intégrer les activités à même de leur permettre de mettre en valeur leurs compétences, reste la véritable arme pour une école de transmission des véritables valeurs. Il a affirmé, à cet égard, que la réforme du système pédagogique nécessite une évaluation régulière des objectifs tracés, considérant que tous les programmes et stratégies lancés dans ce sens restent en fin de compte de simples propositions et non pas des solutions définitives à tous les problèmes de l'enseignement.

De son côté, le secrétaire général de la Fédération autonome de l'enseignement relevant de l'Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM), Youssef Allakouch, a expliqué la détérioration de la situation dans plusieurs établissements scolaires par les résultats des politiques gouvernementales adoptées dans ce domaine et la propagation de clichés et de stéréotypes sur l'école publique, qui ont conduit à une relation "tendue et conflictuelle" entre l'élève et l'école.

Aujourd'hui, l'école n'arrive pas à corriger les comportements des élèves pour une intégration totale au sein de la société, a-t-il regretté, notant que la rue a eu une influence négative sur les comportements des élèves et a contribué à la dégradation de la situation au sein des établissements publics.

La lutte contre la violence scolaire requiert la conjugaison des efforts de l'ensemble des acteurs concernés, a-t-il relevé, expliquant que la régression du rôle de l’enseignant et de la famille, qui ne remplissent pas leur devoir et n'assument pas leur responsabilité, figure parmi les causes directes de la propagation de ce phénomène. Selon ce syndicaliste, l'adoption de lois coercitives ne peut, à elle seule, éradiquer ce phénomène, faisant savoir qu'elle doit être accompagnée d'une ferme volonté pour redonner à l'école sa valeur et son rôle d'antan.

Pour sa part, le sociologue Abderrahim El Atri, professeur à l'université Mohamed Ben Abdellah de Fès, a indiqué que les derniers événements survenus dans plusieurs établissements scolaires publics ne peuvent être dissociés du cadre des changements sociaux et culturels. "Ils renseignent sur une grave détérioration de l’image et de la place de l’école et de l’enseignant", a-t-il expliqué.

"En abandonnant son rôle de formation de générations fortes et immunisées contre la violence, l’école a détruit ce que nous avons construit", a-t-il déploré.

Du coup, les jeunes vivent une situation de perdition et de désorientation aux niveaux pédagogique et social, a-t-il dit, relevant que la violence au sein de l’école ne doit pas être considérée comme "un acte isolé", mais plutôt comme "un avertissement et un indicateur essentiel qui nous interpellent à revoir les bases du système pédagogique et à engager une réflexion sur la relation entre l'élève et l'école".


MAP - Abdellah Mchanna