La réforme de la Justice : Un indicateur pertinent de l’enracinement de la culture des droits de l’Homme au Maroc

Dimanche 3 Mars 2013

Toute démocratie a besoin d’institutions crédibles à même de faire preuve d’un esprit de réflexion et de création, susceptibles de surmonter les écueils et d’aider à enraciner les valeurs démocratiques de manière durable. De ce fait, une démocratie saine ne peut se satisfaire des simples cadres rigides de son fonctionnement, mais doit reposer sur une interaction constante entre les différentes institutions, de manière à optimiser le fonctionnement des rouages de l’Etat.

C’est dans ce cadre que l’on peut évaluer les rapports élaborés par le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH), concernant la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles relatives au pouvoir judiciaire. Ces rapports, qui ont été salués par le Roi du Maroc, constituent une contribution certaine à l’effort collectif de réforme. Ils sont des signaux univoques renseignant sur le processus de maturation en cours du système politique marocain.

Le processus de réforme de la justice est d’ailleurs un chantier structurant stratégique pour le Maroc. Il nécessite, de ce fait, un effort intellectuel et doctrinal conséquent, de manière à encadrer pertinemment les dispositions constitutionnelles en la matière. L’apport du CNDH trouve tout son intérêt dans le fait qu’il contribue à décongestionner le processus de dialogue sur la réforme de la justice des différents obstacles, en raison notamment de divergences de points de vue, mais également de tensions qui l’émaillent.

Il s’agit d’une véritable bouffée d’air qui permettra de relancer une discussion constructive sur des thèmes aussi cruciaux que l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’organisation de la justice constitutionnelle ou encore la réforme de la justice militaire.

Les recommandations contenues dans les rapports du CNDH ont pour cadre principal les différentes normes universelles en matière de démocratie et de droits de l’Homme, permettant ainsi d’arrimer le Maroc de manière définitive à la catégorie des Etats démocratiques avancés. Ces recommandations puisent également dans l’esprit et dans la lettre de la Constitution marocaine de 2011, considérée comme une pièce maîtresse de la consolidation de l’Etat de droit.

S’agissant d’une institution constitutionnelle intervenant dans le domaine des droits de l’homme, l’intervention du CNDH privilégie, dans le cadre de la réforme de la justice, la question de la protection des libertés. Elle aura également pour avantage de détacher un tel processus de tout enlisement relatif à des questions techniques. Enlisement qui s’effectuerait aux dépens des éléments de fond, à savoir notamment :

• L’émancipation et l’indépendance du pouvoir judiciaire comme axe essentiel de la séparation des pouvoirs, mais également de la consolidation de l’Etat de droit. L’organisation et le fonctionnement du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire sont autant de référentiels permettant l’effectivité de cette indépendance.
• La justice constitutionnelle est le point nodal, non seulement de la réforme de la justice, mais également de tout l’édifice démocratique. Les dispositions particulièrement innovantes contenues dans la Constitution de 2011, concernant notamment l’exception de constitutionnalité, permettront de renforcer le rôle de la Constitution comme garante suprême des droits des citoyens. Cette disposition est également révélatrice de la maturité du système judiciaire marocain, décidé à octroyer au citoyen une place centrale dans le fonctionnement des institutions.
• La justice militaire est une catégorie de juridictions qui trouve sa place dans tous les systèmes judiciaires du monde. Cependant, les sensibilités liées au domaine militaire et les perceptions médiatiques biaisées font que les procès militaires sont souvent décriés et font l’objet de critiques.

Enfin, on espère vivement que d’autres institutions suivent cet exemple en contribuant chacune selon ses compétences, à l’enrichissement et à la consolidation du processus en cours de la réforme de l’Etat.

Nawal Bernoussi
Politologue
Sous la direction du Centre d’Etudes Internationales

Nawal Bernoussi