La constitutionnalisation des affluents africains du Royaume du Maroc Le principe et ses mécanismes

Vendredi 15 Mars 2013

Que le Royaume du Maroc se soit toujours revendiqué de sa profondeur africaine, c’est là une évidence qui ne requiert point de commentaires. Il n’est que d’évoquer la fameuse allégorie de l’arbre, intuitivement affirmée par le Roi Hassan au lendemain de la Marche verte, pour en mesurer la portée et le sens : « Le Maroc est un arbre dont les racines plongent en Afrique et qui respire par ses feuilles en Europe ».

À la vérité, la constitutionnalisation de la dimension africaine comme affluent structurant de l’identité marocaine a valeur de consécration normative d’une conviction qui a toujours inspiré la doctrine diplomatique du Royaume. Pour preuve, l’Afrique a constamment figuré en bonne position dans les préambules de toutes les constitutions du Royaume de l’indépendance à nos jours. Pour ne citer que celle de 1996, le constituant a jugé impératif de maintenir l’alinéa, dont la rédaction remonte à la Constitution de 1962, selon lequel : « État africain, il [le Royaume du Maroc] s’assigne comme l’un de ses objectifs la réalisation de l’unité africaine ». Pour preuve aussi, le cercle des solidarités régionales tissées par la diplomatie marocaine a toujours intégré les pays amis d’Afrique subsaharienne, dont ceux d’Afrique de l’Ouest.

Le principe de l’attachement du Royaume à ses affluents africains étant annoncé, le préambule constitutionnel de 2011 fait mention de nombreux mécanismes devant donner corps à cet engagement. Ainsi en est-il de la majeure partie des alinéas du préambule insistant tous sur la « ferme volonté » du Royaume du Maroc de :

- « raffermir les liens de fraternité, de coopération, de solidarité et de partenariat constructif avec les autres États, et d’œuvrer pour le progrès commun » ;

- « renforcer les liens de fraternité et de solidarité avec les peuples frères » ;

- « consolider les relations de coopération et de solidarité avec les peuples et les pays d’Afrique, notamment les pays du Sahel et du Sahara » ;

- « renforcer la coopération Sud-sud ».

Ces engagements trouvent aussi un écho puissant dans la qualité des principes auxquels le Royaume a solennellement souscrit et qui cadrent parfaitement avec l’esprit des relations maroco-africaines. Il s’agit notamment de l’attachement au socle universel des droits de l’Homme, de la continuité des « liens de fraternité, de coopération, de solidarité et de partenariat constructif avec les autres États », du combat de toutes les formes de discriminations ou de la promotion du droit humanitaire. Mais davantage qu’un simple indice d’attachement à ses affluents afro-sahariens, cette constitutionnalisation en dit long sur les projections d’avenir de la diplomatie marocaine. Intégrer cet affluent dans le corpus constitutionnel du Royaume, c’est en réalité en faire une priorité au plus haut degré de l’agenda national en matière de politique étrangère. Considérée sous ce prisme, la visite officielle qui sera initiée le vendredi 15 mars 2013 par le Souverain marocain dans trois pays d’Afrique, le Sénégal, la Côte d'Ivoire et le Gabon, donne certainement un avant-goût de cette vision rénovée.

Abderrahim El Maslouhi
Professeur à la faculté de droit de Rabat-Agdal

Abderrahim El Maslouhi