L'incarcération de Zuma, évènement phare en Afrique du Sud en 2021

Samedi 18 Décembre 2021

Johannesburg - L’incarcération de l’ex-président sud-africain Jacob Zuma pour outrage à la justice et les rebondissements de cette affaire sur la scène politique nationale sont, sans conteste, certains des évènements phares ayant marqué l’année qui s’achève en Afrique du Sud.


Après un feuilleton judiciaire qui a retenu en haleine les Sud-africains pendant plusieurs mois, Zuma a finalement été condamné à 15 mois de prison ferme et incarcéré, le 8 juillet 2021, dans la prison Estcourt, dans l’Est du pays.

Il avait, cependant, quitté la prison, le 6 août dernier, pour «être placé sous observation médicale à l'hôpital», avant de bénéficier, en septembre, d’une libération conditionnelle qui a suscité une vive polémique dans la société.

En avril dernier, la Cour constitutionnelle avait examiné une requête déposée par la Commission anti-corruption réclamant de la prison pour l’ancien président pour son refus de témoigner devant elle. Zuma n'a pas respecté la décision de la plus haute juridiction du pays qui l'avait obligé à apporter son témoignage concernant les accusations de corruption portées contre lui.

L’ex-président devait comparaître devant la Haute Cour de Pietermaritzburg pour des accusations de corruption liées à un marché d'armes conclu en 1999 avec la société française d’armement Thales.

Il fait face actuellement à 16 chefs d'accusation de fraude, de corruption et de racket concernant un contrat d'achat d'avions de chasse, de patrouilleurs et de matériel militaire de 4,2 milliards d’euros. Le fabricant d'armes Thales a également été inculpé après des allégations de paiement d'un pot-de-vin de 4 millions de Rands (près de 235.000 euros) à Zuma.

Sa libération conditionnelle a provoqué une vive controverse entre gouvernement et classe politique. Alors que le Département des services correctionnels a justifié la libération de l’ancien président en invoquant des raisons médicales, plusieurs partis politiques et personnalités se sont insurgés contre cette décision qu’ils ont qualifiée de «décision politique».

«C'est déplorable et inacceptable que les Services correctionnels tournent en dérision notre système de libération conditionnelle», notent-ils, arguant qu’il est très clair que l’ex-président, qui a défié la justice du pays, a bénéficié d'un traitement de faveur depuis son incarcération en juillet dernier.

Dans ce contexte, la Fondation Helen Suzman, AfriForum et le principal parti d’opposition «Alliance démocratique» avaient introduit, fin novembre dernier, un recours devant la Haute Cour de Pretoria pour faire annuler la décision de libération conditionnelle de Zuma. Ils ont accusé le patron des services correctionnels de l'époque, Arthur Fraser, d'avoir abusé du système et d'avoir agi illégalement.

Sauf que la Fondation Jacob Zuma n’est pas de cet avis. Son porte-parole Mzwanele Manyi a déclaré aux médias que la décision d'accorder la liberté conditionnelle médicale à l’ex-président est une indication que «le système est imprégné d’humanité».

Pour de nombreux observateurs, le tournant politico-judiciaire de Zuma est un véritable test pour le système judiciaire du pays qui est soumis à rude épreuve, surtout avec l’implication de plusieurs hauts responsables du parti au pouvoir, le Congrès National Africain (ANC), dans des affaires de corruption qui défrayent la chronique.

En effet, les cas de Zuma, d’Ace Magashule, ancien SG du parti, de Zweli Mkhize, ancien ministre de la Santé et de tant d’autres hauts responsables, sont révélateurs de l’ampleur de la corruption qui gangrène l’Afrique du Sud.

Appelé devant la Commission judiciaire de lutte contre la corruption pour apporter son témoignage, en sa qualité de chef de l'État, sur une période sombre de l’histoire du pays, Cyril Ramaphosa a d’emblée reconnu que le phénomène de «la capture de l'Etat», qui renvoie à la corruption généralisée durant le mandat de Jacob Zuma, a eu un «effet toxique» sur la plupart des institutions de l'État.

Ce témoignage est, néanmoins, considéré par de nombreux analystes comme un geste politique calculé de la part d'un dirigeant qui a de nombreuses considérations à prendre en compte. Ongama Mtimka de l’Université métropolitaine Nelson Mandela dira à ce propos que le Président «gère les accusations de braderie à un niveau mais à un autre, il veut gagner des alliés clés dans sa candidature pour un second mandat".

Force est de souligner que ce feuilleton politico-judiciaire de Zuma et son incarcération ont également accentué les divisions au sein du parti au pouvoir. Le déclin de l’ANC est tel que depuis l'avènement de la démocratie et la fin du régime de l’apartheid en 1994, le parti n’avait remporté que moins de 50 % des voix nationales, soit exactement 46 pour cent des suffrages exprimés lors des élections locales du 1er novembre 2021.

Hamid AQERROUT - MAP