L’homme et son oeuvre au scanner du Père Ludovic Lado

Dimanche 14 Octobre 2018


Dans le numéro de février 2010 de « ETVDES (Revue de Culture Contemporaine) », l’enseignant et théologien camerounais, le Père jésuite Ludovic Lado, décrypte brièvement mais suffisamment l’œuvre intellectuelle de son aîné Fabien Eboussi Boulaga, qui est passé dans l’autre monde samedi 13 octobre 2018.
Plus qu’un article « Fabien Eboussi Boulaga, la philosophie du Muntu » est un éloge à l’intelligence d’un grand Camerounais, un grand Africain, dont l’œuvre, par sa qualité, traverse la contemporanéité, mieux, traverse les temps, et campe de ce fait même l’immortalité. Suivons le guide,
Fabien Eboussi Boulaga, la philosophie du Muntu
Ambroise Kom (dir.)
Fabien Eboussi Boulaga, la philosophie du Muntu
Karthala, 2009, 310 pages, 28 €.
Fabien Eboussi Boulaga
Les Conférences nationales en Afrique noire
Karthala, 2009, 229 pages, 25 €.
 
« Sur fond de crise d’identité générée par l’esclavage et la domination colo¬niale, la production intellectuelle en Afrique est souvent habitée par la quête de nouveaux repères, une quête qui oscille constamment entre les extrêmes de la nostalgie du passé d’une part et du mimétisme servile de l’Occident triomphant d’autre part. Ayant mis à nu le « fétichisme » aliénant de ces deux alternatives, Fabien Eboussi Boulaga, philosophe camerounais, fait désormais partie du panthéon d’intellectuels afri¬cains qui, au lendemain des indépen¬dances, ont problématisé avec une originalité certaine le devenir de l’Afri¬que. La parution d’un ouvrage collectif célébrant la richesse et l’originalité de sa pensée a coïncidé chez Karthala avec la réédition de son livre sur les confé¬rences nationales en Afrique publié en 1993. Celui que la préface du collectif présente comme un « baobab de la pen¬sée camerounaise et africaine » s’est fait remarquer ces trente dernières années par une déconstruction lucide et sans complaisance de ces « modes de vérités exotiques » qui constitueraient le socle d’une pensée, d’une croyance et d’une praxis aliénée en Afrique. Les différentes contributions de l’ouvrage collectif, regroupées selon les axes principaux de la pensée d’Eboussi Boulaga, montrent tour à tour qu’il est un « intellectuel exigeant » qui a le mérite d’avoir, dans « la discrétion et l’effacement », identifié et subverti le « dogmatisme épistémologique » qui hante la production des discours philo¬sophique, théologique et politique en Afrique postcoloniale. En 1993, Eboussi Boulaga voyait déjà dans les conféren¬ces nationales en Afrique noire, cette « invention béninoise », une marque de l’historicité des sociétés africaines dont il est un fervent défenseur. Les condi¬tions de possibilité de l’autonomie de l’Africain après l’épreuve de domina¬tion étant au coeur de toute l’oeuvre de F. Eboussi Boulaga, certains contribu¬teurs dans une note critique s’interro¬gent sur le caractère « afrocentrique » de sa pensée, sur la conception de la religion inhérente à sa critique du chris¬tianisme missionnaire, sur sa vision de l’autonomie dans un monde irréversi-blement ouvert. D’où cette interroga¬tion pertinente de l’un des contributeurs du collectif : « L’autonomie reste-t-elle encore possible dans un univers à jamais ouvert à l’intrusion des maîtres puissants ? »″
Ludovic Lado

Source : https://www.revue-etudes.com/article/fabien-eboussi-boulaga-la-philosophie-du-muntu-12698
 




Source link