L’enquête parlementaire sur les évènements de Gdeim Izik

Samedi 16 Février 2013

L’enquête parlementaire sur les évènements de Gdeim Izik
Le 27 novembre 2010, la Chambre des représentants a mis sur pied une commission d’enquête, composée de 13 membres représentant l’ensemble des groupes parlementaires, dont l’objet est d’éclairer l’opinion publique sur les causes et les retombées des évènements meurtriers survenus suite à la tentative des forces de l’ordre marocaines de démanteler un camp illégalement monté aux alentours de la ville de Lâayoune, le 8 novembre 2010. Rappelons que 11 éléments parmi les forces de l’ordre marocaines ont trouvé la mort lors de ce démantèlement et que le procès des prévenus, qui se poursuit toujours, a été ouvert par le tribunal permanent des Forces Armées Royales le 1er février 2013. De nombreuses vidéos filment les actes de violences et de barbarie des éléments séparatistes à l’encontre des éléments des forces de l’ordre marocaines qui accomplissaient leur devoir national.

Ainsi, la commission a procédé à l’écoute de 122 témoins au niveau de l’administration centrale et de Lâayoune. Ce qui a donné lieu à 60 heures d’enregistrement. Elle s’est en outre penchée sur l’analyse des documents relatifs aux évènements proprement dits et à la situation économique et sociale dans les provinces du sud en général.

Le rapport élaboré suite à ces investigations, présenté en séance plénière devant les élus du peuple et publié sur le site de la Chambre des représentants, est riche en enseignements. Ceux-ci peuvent être répartis en deux axes majeurs : celui du malheureux évènement lui-même et celui de son contexte général.

Sur le premier registre, on peut soulever un enseignement relatif à la gouvernance de la chose sécuritaire au Maroc en général et au Sahara en particulier. Souvent monopolisée par les services de l’ordre, la sécurité est désormais une affaire sociétale partagée à laquelle les représentants de la nation ne peuvent rester indifférents. Ceci ne peut que promouvoir la transparence de la gestion d’un dossier longtemps considéré comme secret et opaque. A cet égard, les membres de la commission parlementaire d’enquête ont pu déterminer la réalité « des dysfonctionnements de la gouvernance locale qui ont engendré les événements de Gdeim Izik et de Lâayoune ». Ils ont également soulevé « le laxisme des autorités locales à l’égard de la mise en place du camp. Ce qui a constitué une erreur de gestion aux niveaux, sécuritaire, social et politique » au moment où, selon les termes du rapport, de nombreux facteurs ont favorisé l’établissement du camp et « l’adhésion forcée» de la population afin d’en faire une forme de contestation motivée par des revendications sociales légitimes, alors qu’un groupuscule d’obédience séparatiste « préparait une exploitation politique sous l’impulsion de l’Algérie en impliquant tous les criminels, recherchés par la justice, qui ont pu regagner le camp ».

L’apport fondamental du rapport est d’avoir replacé ces évènements dans leur contexte socio-économique et politique. Il s’est penché sur le grand paradoxe existant entre les efforts exceptionnels d’investissement consentis par l’Etat dans les provinces du sud et les limites de l’intégration sociale de la population de cette région. Le rapport note qu’en dépit « du niveau atteint par les investissements publics dans la région du Sahara, et qui est supérieur à la moyenne nationale, l’intégration sociale de la population est demeurée limitée en raison, notamment, de la prépondérance des dépenses publiques d’infrastructure, des limites de la politique poursuivie dans la gestion des ressources humaines au sein des administrations, des dysfonctionnements de la gouvernance locale et de la nature des élites politiques en place ».

Le rapport confirme cette analyse en soulignant que « l’exploitation du système d’accès aux avantages sociaux, en dehors des critères de mérite et de transparence, a engendré une dépendance de larges pans du mouvement associatif à une culture d’assistance et de rente qui favorise les intérêts de l’élite politique dominante aux dépens du dynamisme et de l’indépendance intellectuels de la société civile ». Ce qui a empêché celle-ci d’assumer son rôle dans la défense de la cause nationale.

Les conclusions de la commission d’enquête incitent ainsi à repenser le système de gouvernance locale dans les provinces du sud qui, pendant plus de trois décennies, a changé la qualité de vie sur ce territoire mais n’a pas empêché le déclenchement des tristes évènements de Gdeim Izik.

Abderrahmane HADDAD
Professeur à la faculté de droit de Meknès
Conseiller auprès du Centre d’Etudes Internationales

Abderrahmane HADDAD