L'Algérie est "à la traîne" en matière d'accès aux innovations thérapeutiques contre le cancer (chercheur)

Mercredi 7 Juillet 2021

​Alger - L'Algérie est "à la traîne" en matière d' accès aux innovations thérapeutiques dans la prise en charge du cancer, a déploré le chercheur algérien en économie de santé, Ahcene Zenhati.


S'exprimant lors du 4ème sommet de l'oncohématologie, organisé récemment à Alger, il a fait savoir que seules 42% des thérapies ciblées et immunothérapies sont disponibles en Algérie.

D'après ce spécialiste, parmi les 16 innovations thérapeutiques dans la prise en charge du cancer du sein, seules 8 sont enregistrées en Algérie, dont 4 seulement sont disponibles.

Parmi les 19 thérapies dédiées au cancer du poumon seules 7 innovations thérapeutiques sont enregistrées en Algérie et seulement 3 sont disponibles, a-t-il regretté, expliquant que c'est les délais d'enregistrement, la négociation des prix de l'achat par appel d'offres qui retardent l'accès aux traitements innovants.

Il a soutenu, à ce titre, que "dans la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord), l'Algérie a le plus long délai dans le lancement des produits innovants".

Tout en soulignant que la diffusion de traitements innovants impacte la croissance économique, dans la mesure où l'introduction de nouvelles molécules permet de réduire certains coûts et d'améliorer la productivité en général, le chercheur a précisé que dans le cas de l'Algérie, les pertes de production dues aux cancers sont estimées à 16 millions de dollars en 2018.

"Dans le cas du cancer du sein, les pertes liées aux arrêts de travail sont estimées à 3,45 millions de dollars, alors que les pertes dans le cas du cancer du poumon s'élèvent à 1,31 million de dollars", a-t-il poursuivi.

Il a toutefois estimé que "les coûts du cancer sont beaucoup plus importants que les chiffres avancés", appelant à l'adoption d'un processus d'enregistrement accéléré qui s'accompagnerait de décisions de financement et d'approvisionnement rapides à travers les canaux officiels de l'Etat ou les canaux privés avec l'objectif d'accélérer l'accès à l'innovation dans le pays.

"Il s'agit de mettre en place un système d'enregistrement accéléré pour les thérapies innovantes, internationalement reconnues et déjà enregistrées par les agences de médicament américaine ou européenne", a-t-il préconisé.

Il a mis l'accent, en outre, sur l'importance de "dissocier" le processus de financement de celui de l'enregistrement afin de limiter l'impact des contraintes budgétaires sur les délais d'enregistrement, et d'encourager les contrats innovants et les négociations entre les autorités et les laboratoires pharmaceutiques.

Selon lui, pour assurer une meilleure prise en charge du cancer en Algérie, il est important d'optimiser l'utilisation du fonds de lutte contre le cancer en facilitant ses conditions d'exploitation, regrettant que les ressources de ce fonds n'aient été utilisées qu'à hauteur de 4% annuellement.

Ce spécialiste de l'économie de santé a suggéré aussi de débloquer le financement de thérapies innovantes à travers la promulgation d'une loi contribuant à la prise en charge des patients dans le secteur privé, et d'encourager la population algérienne à recourir à des assurances complémentaires privées pouvant couvrir la prise en charge du cancer.

Ce chercheur a souligné la nécessité d'assurer un accès précoce des patients à des traitements innovants pour les cancers du sein et du poumon, regrettant que "les taux d'incidence du cancer du sein et le taux de mortalité du cancer du poumon en Algérie, soient les plus élevés de la région MENA".

"Ces cancers sont diagnostiqués à un stade plus avancé, en Algérie, ce qui appauvrit le pronostic", a-t-il encore ajouté, appelant à l'introduire de nouvelles techniques de diagnostic qui permettent de personnaliser les thérapies.

En Algérie, le cancer cause entre 25.000 et 30.000 décès sur les 60.000 cas recensés par an, selon des chiffres officiels.

Devenu de plus en plus virulent, le cancer du sein compte aujourd'hui près de 11,7% des nouveaux cas, suivi du cancer du poumon à 11,4%, du cancer colorectal, 10%, et du cancer de la prostate avec 7,3%.

Dernièrement, les professionnels de la santé en Algérie, dont le secteur de la santé souffre d'un déficit criant en infrastructures et de pénurie de médicaments, ont tiré la sonnette d'alarme sur les répercussions des ruptures cycliques des médicaments notamment sur la santé des enfants cancéreux et la hausse des taux de récidives, jamais enregistrée auparavant.

La rupture de ces produits dans le traitement des leucémies, tumeurs du cerveau, cancer des os et les lymphomes chez les enfants a même déclenché une panique générale dans les services d'oncologie pédiatrique à travers le territoire algérien.

Dans ce sens, les soignants ont lancé des SOS dans lesquels ils évoquent une "situation intenable", une grosse rupture nationale des médicaments étant enregistrée pour la prise en charge de ces enfants, notamment le Méthotrexate haute dose, l'Aracytine et l’Asparaginase.

MAP