«Incredible Algeria»

Samedi 16 Mars 2019

Incroyable moment historique que les habitants de la capitale ont vécu, vendredi dernier, à l’instar de tous les Algériens qui sont descendus dans la rue dans toutes les villes et localités du pays.
La mobilisation des citoyens, hier, aura sans aucun doute battu tous les records. Le double ou le triple de ce qu’elle a été le 8 mars avec la déferlante des femmes algériennes pour marquer également la Journée internationale de la femme d’un cachet tout particulier chez nous en 2019, au moment où depuis le 22 février dernier, les Algériens sont montés à l’assaut de la citadelle de l’autoritarisme, du pouvoir absolu incarné par Abdelaziz Bouteflika.
Tout comme ils ont rejeté sa reconduction pour la cinquième fois, sournoisement envisagée par son entourage, son clan et tous les affidés de tous poils. Hier, c’est simple, ils ont clairement dit qu’ils n’en voulaient plus. Ni de lui, comme président de la République pour encore un an, six mois, ni même pour une minute de plus, comme l’ont clamé les millions de manifestants.
Ni de tous ceux qui ont plongé pour aller au secours d’un système moribond, comme Noureddine Bedoui, Ramtane Lamamra, et encore plus suprenant, avec Lakhdar Brahimi. Rien n’est plus dur que la sanction populaire et sans appel qui s’exprime à l’occasion de pareilles manifestations de masse, de mouvements révolutionnaires, comme celui qui se déroule actuellement en Algérie.
Les citoyens auront sans doute été scandalisés par l’intrusion à l’ouverture du journal télévisé de 20 heures d’un vieux diplomate international sur le retour, à la réputation surfaite, comme Lakhdar Brahimi, venir s’exprimer aux lieu et place d’un représentant de l’Exécutif sur la santé du président Bouteflika, dire qu’il a entendu l’appel des Algériens auxquels il propose un projet d’édification d’une nouvelle Algérie, etc.
On sentait le vieil homme – dont on devine à la manière dont il s’exprimait sur les événements récents du pays qu’il semble avoir vécus de loin – mal à l’aise d’être sollicité et ramené par le clan présidentiel pour essayer de convaincre que tout ira bien avec Bouteflika encore aux commandes pour on ne sait combien de temps. On a du mal à admettre que dans les conditions actuelles, le diplomate n’ait pas pu supposer que personne ne le croirait, ni ne pourrait lui accorder un quelconque crédit, lui le mystérieux inconnu surgi de nulle part ou plutôt d’ailleurs que de cette Algérie aujourd’hui en pleine ébullition…
De vendredi en vendredi, on est surpris par le degré de maturité et de conscience politique de cette mobilisation populaire, mais hier c’est plutôt le degré de réactivité dont elle a fait preuve face aux événements. Et pour preuve, tous ces slogans fustigeant l’ingérence étrangère, en réponse aux réactions, entre autres, du président français, Emmanuel Macron.
On pouvait lire une banderole rédigée en anglais qui lui était destinée : «Prépare tes forêts, il n’y aura plus de gaz !» Même les autocrates arabes ne sont pas épargnés, le portrait du prince saoudien, Mohammed Ben Salmane, barré de rouge à côté de celui de Donald Trump.
Une prise de conscience qui va en s’élargissant aux différentes catégories de la population jusqu’aux plus jeunes, à l’instar de cette écolière de 10 ans, pas plus, brandissant timidement sa pancarte sur laquelle était écrit en français : «Nous renverserons votre système !» Quand on lui demande en arabe par quoi on le remplacerait, elle répond avec innocence : «Par la démocratie.»

Source : https://www.elwatan.com/edition/actualite/incredib...

El Watan