Grandioses manifestations à Alger : Slogans, humour et engagement

Samedi 16 Mars 2019

Pour la quatrième fois, les Algériens ont donné une très belle leçon de mobilisation et surtout de maturité. Sous un soleil de plomb et un ciel bleu azur, Alger s’est mise aux couleurs de l’emblème national, avec ces milliers de drapeaux accrochés aux balcons et hissés par les manifestants, qui avaient envahi les rues et les boulevards du centre de la capitale dès la matinée.
Pour ce quatrième vendredi de colère, écrits en arabe, en français, en tamazight et en dialecte algérien, les slogans que comportent les pancartes et les chants rythmés des Algérois sont aussi variés que réfléchis. Ils font preuve de beaucoup d’humour, mais aussi de maturité.
Cela va du refus du 5e mandat jusqu’aux critiques acerbes adressées au président français, Emmanuel Macron, en passant par des «Dégage» lancés au Premier ministre, Noureddine Bedoui, à son prédécesseur, Ahmed Ouyahia, au nouveau vice-Premier ministre, Ramtane Lamamra, au président Bouteflika et à Saïd, son frère conseiller.
Aymène, à peine 25 ans, a écrit sur sa pancarte : «Même dans le jargon musical 4+ = son du diable». Son message ne laisse personne indifférent. Il est au milieu d’un groupe d’étudiants qui prennent le départ vers le boulevard Hassiba Ben Bouali.
«Abrégez vos souffrances, partez», «Macron occupe-toi de ton pays, fous la paix à l’Algérie, 1830-2019, ça suffit», «Date de fabrication 28 avril 1999, date d’expiration 20 avril 2019, pouvoir illégitime», sont les principaux slogans de cette jeunesse.
Des grappes humaines, femmes, hommes et enfants, se déversent avec des pancartes immenses hissées bien haut. Les écrits sont révélateurs : «Finie l’ère du cachir», «Yaooo roho, andi chghol al djamaa al djaya» (Partez, j’ai une affaire à régler le vendredi prochain), «Régime dégage, nous garderons l’Etat», «Non à Bouteflika et à ses dérivés», «Matzidch dkika ya Bouteflika» (Pas une minute de plus Bouteflika), «Vous n’avez pas affaire à une opposition, mais à un peuple.
Un peuple ne s’oppose pas, mais s’impose», autant de messages qui reflètent la colère populaire, mais aussi le génie de la jeunesse algérienne qui use de l’humour pour détendre les situations les plus graves.
A la placette de la Grande-Poste, une marée humaine a déjà occupé les lieux, alors que d’imposants carrés de manifestants arrivaient encore de toutes parts. Il est 14h et l’ambiance est festive.
Des feux d’artifice sont allumés sous les applaudissements de la foule. Un groupe de jeunes hissant des pancartes avec des slogans contre la seule ministre, Nouria Benghebrit. «Dites Allah Akbar», et la foule répète en même temps, en ajoutant «Dawla islamiya».
Tout de suite, un autre groupe, plus nombreux crient : «Djazaïr horra, démocratiya» (Algérie, libre et démocratique). Visiblement, des militants islamistes ont tenté d’infiltrer la manifestation, qui se voulait pourtant pour une «Algérie, démocratique et indépendante».
Ces jeunes embusqués, comme les a qualifiés un des manifestants, ont voulu imposer leurs slogans, mais la foule les a vite étouffés avec des messages qui appellent à «une nouvelle République» et une Algérie démocratique.
La majorité des pancartes sont bien visibles et assez hautes pour être lues et immortalisées par les appareils photos et les caméras. «Tous ensemble pour la IIe République», «La rue ne se taira pas», «Nous renverserons votre système», «Il est temps de divorcer avec la farce, dégage», «Jamais je ne désespère, je débarrasserai le pays du mal», «Bedoui : nous avons entendu le message des jeunes, les jeunes : on veut que vous dégagiez, place aux jeunes», «Il est impossible de construire un navire avec du bois usé», «Microbe Le Drian, occupez-vous de vos morts, de Benalla, du déficit budgétaire, de vos djihadistes et du Brexit», lit-on sur les panneaux.
La foule est impressionnante. Des femmes et des enfants, enveloppés dans d’immenses drapeaux, crient : «Bouteflika pas de 5e mandat», ou encore : «Y en a marre de ce pouvoir». Coude-à-coude, on avance difficilement. Il est 15h30. La place Maurice Audin est maintenant bloquée. Plus personne ne peut bouger. On respire mal. Une vieille femme s’essouffle et un jeune perd connaissance.
On tente de les dégager de la foule, mais l’exercice est très difficile. On essaie de s’extirper de cet immobilisme. Les manifestants chantent, d’une seule voix, l’hymne national. Une file est improvisée, par des jeunes, au milieu de cette masse humaine, pour dégager un espace permettant aux femmes et aux enfants de se libérer.
Il est 16h passées. Le boulevard Didouche Mourad, commence à se libérer par les ruelles adjacentes.
 

Source : https://www.elwatan.com/edition/actualite/grandios...

El Watan