Fès ou la spiritualité de la relation des peuples marocain et sénégalais

Samedi 16 Mars 2013

Fès ou la spiritualité de la relation des peuples marocain et sénégalais

En traversant les rues et les portails de Fès, il est de coutume de rencontrer des subsahariens, souvent dans les cinquantaines ou plus de leur vie, avec leurs habits traditionnels, en train de traverser les artères et les foules, en toute tranquillité et en toute connaissance des lieux.

Les habitants de Fès devinent rapidement que ce sont des Tijanis ; d’autres vous diront que ce sont des sénégalais venant en pèlerinage à Sidi Ahmed Tijani, fondateur de la tariqa tijaniya et dont le sanctuaire se trouve dans la ville millénaire de Fès. L’homme ayant joué un rôle fondamental dans le rayonnement de la religion musulmane en Afrique subsaharienne. Cette tradition s’est pérennisée au fil des siècles et s’est transmise de génération en génération. D’après certains chiffres, le Sénégal, pays musulman, compte presque 51% de Tijanis parmi sa population.

L’évènement a aussi un aspect économique. Il témoigne d’une forme que peut prendre le tourisme dans son aspect spirituel et culturel, et comment la spiritualité peut être capitalisée sous forme de projet organisé et certainement rentable. La commémoration annuelle de la fondation de la zawiya tijania est le moment de la ruée vers le Maroc de milliers d’adeptes. La compagnie Royal air Maroc propose d’ores et déjà, via des agences de voyage agréées, un package avion et services terrestres aux pèlerins subsahariens au mausolée de Sidi Ahmed Tijani. La visite est par ailleurs exploitée pour faire connaissance aux nombreux pèlerins,  des villes et sites du royaume et pour vendre d’autres destinations touristiques du pays.

La visite spirituelle à connotation religieuse a fini par s’enrichir en gagnant aussi un aspect scientifique, académique et officiel. Chaque année, en effet, se tient à Fès une édition d’un colloque international sur la tijania.

La réunion des adeptes et fidèles de l’érudit Tijani est certes l’occasion de célébrer le potentiel spirituel de la tariqa. Mais c’est aussi et surtout l’occasion de rappeler le rôle qu’a joué son fondateur en matière de propagation de la culture de la paix et, partant, de la consolidation des relations entre le peuple marocain et les peuples africains subsahariens. En abritant le mausolée tijani, Fès rappelle son statut de capitale spirituelle du royaume et d’un des bastions culturels et religieux de l’Afrique et du monde musulman. Elle constitue de la sorte un marqueur patrimonial continu de la spécificité de la relation du Maroc avec nombre de peuples et pays africains. Cette relation est plus que matérielle et économique. Elle transcende les intérêts mercantiles qui changent avec le changement des régimes ou des alliances. Elle renvoie plutôt à ce genre de relations faites pour durer car elle n’est pas que de raison mais aussi et surtout de cœur. Le message véhiculé à cette occasion est donc un message d’amour, de convivialité et de solidarité entre les peuples.

Il est donc normal que la célébration de la tariqa tijania à Fès bénéficie de l’engagement des autorités marocaines. L’évènement est une opportunité de montrer au monde entier le visage spirituel ouvert et tolérant du Maroc et des marocains et leur mobilisation inconditionnée en faveur de la solidarité islamique maghrébine et africaine. La terre qui a accueilli le cheikh est aujourd’hui un carrefour spirituel inégalé.

Abderrahmane HADDAD
Enseignant Chercheur


Abderrahmane HADDAD