Face au risque de coronavirus, Cuba récure ses berlines américaines

Vendredi 20 Mars 2020

La Havane - Elles sont l'image typique de Cuba : risque de coronavirus oblige, les vieilles berlines américaines qui transportent les touristes à La Havane sont soumises à un nettoyage rigoureux, pendant que l'île garde ses frontières grandes ouvertes.


Chiffon en main, Dionis Diaz, chauffeur de 36 ans, vient de frotter avec du chlore sa Chevrolet rutilante de 1954.

"On sort avec la voiture propre, on fait monter le client et à la fin on nettoie la voiture, tout l'intérieur, tous les possibles endroits de contact, pour qu'au prochain trajet elle arrive impeccable et éviter ainsi toute propagation" du virus, explique-t-il fièrement.

Depuis l'apparition de la pandémie de Covid-19, la consigne à Cuba, répétée chaque jour dans les médias officiels, est de désinfecter avec une solution de chlore les mains et surface.

Avec le tourisme comme moteur économique, le pays, qui a enregistré 16 cas de coronavirus, dont un décès - un touriste italien de 61 ans -, refuse jusqu'à présent d'appliquer toute restriction à ses frontières.

Une politique qui détonne par rapport à ses voisins et suscite des critiques d'une partie de la population, inquiète dans ce pays dont 20% des habitants ont plus de 60 ans, où le savon manque souvent et les coupures d'eau sont fréquentes.

Les spécialistes cubains assurent que tous les cas recensés ont été importés et que l'épidémie reste donc sous contrôle sur l'île. Résultat: les écoles sont ouvertes, les supermarchés aux longues files d'attente aussi. Seuls les grands rassemblements culturels et sportifs ont été suspendus.

"Quand il y aura une transmission (de la maladie) de façon autochtone à Cuba, on commencera à penser à des mesures" de fermeture partielle ou totale des frontières, a déclaré aux médias José Raul de Armas, chef du département des Maladies transmissibles du ministère de la Santé.

"Cela dépend aussi de l'ampleur de la transmission", a-t-il ajouté.

Les autorités disent s'appuyer sur un contrôle renforcé aux frontières, avec prise de température des voyageurs, et sur leur système de santé, certes victime de pénuries de matériel et de médicaments, mais qui a fait ses preuves face à d'autres épidémies, comme Ebola en Afrique (où ont exercé de nombreux médecins cubains).

Loin de l'angoisse ressentie dans de nombreux pays, à Cuba flotte encore ces jours-ci un air de vacances : les plages de Varadero ont accueilli 24.000 touristes le week-end dernier, les hôtels et la majorité des restaurants fonctionnent normalement.

Plus de 5.000 Français sont en villégiature sur l'île, certains stressés par une probable suspension imminente des vols des compagnies françaises... d'autres ravis au contraire d'allonger leur séjour.

"Wesh j'ai l'impression (que) c'est la guerre partout et ici tout va bien à Cuba", se réjouissait l'un d'eux sur Twitter.

Les Russes, qui peuvent sortir et rentrer librement dans leur pays, viennent aussi profiter de la chaleur des Caraïbes.

"Génial" que Cuba reste ouvert, s'exclame Dmitri Dudnakov, 35 ans, alors qu'il grimpe à bord d'une splendide décapotable des années 50.

"Je ne serais pas allé en Europe car c'est très dangereux, mais ici oui, c'est très sûr", affirme-t-il.

Deuxième source de revenus pour Cuba, le tourisme lui a rapporté 3,3 milliards de dollars en 2018, même si le nombre de visiteurs a chuté de 9,3% en 2019, à 4,3 millions, sous l'effet des sanctions américaines.

Comme des chirurgiens prêts à entrer en salle d'opération, Dionis et ses collègues, équipés de masques, s'approchent de leurs voitures de collection pour sortir, ensemble, à la rencontre des touristes, avec plus de vigilance que d'habitude.

"Si on détecte un client qui paraît suspect, on en parle au guide, on retourne au point de départ et on y reste. On y effectue une petite quarantaine, en attendant les instructions", raconte-t-il.

C'est un de ses collègues qui a signalé les trois premiers cas détectés sur l'île, des touristes italiens. Quand il a vu que l'un d'eux toussait beaucoup, il a alerté les autorités. Il est désormais en quarantaine chez lui, mais sans complications.

AFP