Déroulement du procès de Gdeim Izik

Samedi 16 Février 2013

Après une semaine d’ajournement, le procès de Gdeim Izik, dans lequel 24 accusés poursuivis dans le cadre des événements ayant suivi le démantèlement, par les forces de l’ordre, le 8 novembre 2010,  du campement de Gdeim Izik, a repris le 8 février 2013 et se poursuit encore devant le Tribunal permanent des Forces Armées Royales. Ce report, intervenu suite à la demande des avocats de la défense, a été décidé pour leur permettre de préparer leurs dossiers. Cet ajournement signifie que le tribunal militaire de Rabat, la juridiction nationale compétente pour connaître de cette affaire, respecte le principe des droits de la défense. 

En effet, lors de cette audition, les avocats de la défense ont présenté des exceptions préliminaires d’incompétence du tribunal et ont demandé son dessaisissement et la traduction des accusés devant une juridiction pénale ordinaire. Non seulement cette exception d’incompétence est dépourvue de tout fondement juridique mais elle s’inscrit en porte-à-faux avec la législation nationale en vigueur. Ainsi faut-il rappeler qu’en vertu du troisième article du dahir n°1-56-270 du 10 novembre 1956 formant code de justice militaire, seul le tribunal militaire de Rabat est compétent pour connaître des affaires des crimes et délits commis à l’encontre des éléments des forces armées royales et assimilées. Cet article dispose que : « Sont justiciables en temps de paix des juridictions militaires, pour tous crimes ou délits ainsi que pour les contraventions connexes à des crimes ou délits déférés à ces juridictions : (…) 1. toutes personnes, quelle que soit leur qualité, auteurs d’un fait, qualifié crime, commis au préjudice de membres des forces armées royales et assimilées ».

Rappelons que les 24 accusés sont poursuivis notamment pour homicide volontaire commis à l’encontre de 11 éléments des forces de l’ordre lors du démantèlement du campement de Gdeim Izik. En effet, afin de protéger les séquestrés du campement de Gdeim izik, pris au piège par des éléments pro-polisario, les forces de l’ordre ont reçu l’ordre d’interpeller lesdits éléments en usant uniquement des armes non létales. Aussi, cette décision les a-t-elles

rendues plus vulnérables face à la machine barbare des groupes criminels sans vergogne. Les avocats de la défense ont également souligné, lors de cette audition publique, que, conformément aux dispositions de l’article 127 de la nouvelle Charte fondamentale, la poursuite des accusés devant un tribunal militaire est inconstitutionnelle. Ainsi, d’après les avocats de la défense, cette inconstitutionnalité trouve son fondement dans le deuxième paragraphe de l’article précité qui dispose qu’ « Il ne peut être créé de juridiction d’exception ». Cette exception d’incompétence soulevée par la défense est sans fondement juridique dans la mesure où le tribunal militaire de Rabat ne constitue pas une juridiction d’exception mais plutôt un tribunal spécialisé dont le domaine de compétence est défini par les dispositions du dahir susmentionné. Ces exceptions préliminaires, sur lesquelles le tribunal devrait statuer avant de se pencher sur les questions de fond, sont dépourvues de fondement juridique et tendent en réalité à ralentir davantage le procès.

Par ailleurs, lors de la tenue de cette deuxième audition, la Coordination des familles et amis des victimes des événements de Gdeim Izik (COFAV) a organisé une manifestation devant le siège du tribunal militaire de Rabat pour revendiquer que justice soit rendue. Elle a également condamné toute tentative visant à politiser ce procès et toute « (…) ingérence tendant à influencer le tribunal » et a appelé à appliquer la loi.

In fine, le procès de 24 accusés est aujourd’hui devant la justice. Cette dernière rendra son verdict en dehors de toute pression et conformément à la loi en vigueur.

Saiid Labid
Analyste au Centre d’Etudes Internationales


Saiid Labid