Défense commerciale : les importateurs très remontés contre le principe de similarité

Lundi 20 Mai 2019

Que ce soit dans le cadre de mesures de sauvegarde, d’antidumping et d’antisubvention, les interventions de l’Etat pour protéger l’industrie nationale ne font pas que des heureux, en particulier chez les importateurs transformateurs de produits usinés. Papier en bobine et en rame, céramique, PVC, fil d’acier et acier laminé à chaud, textile … Quasiment toutes les filières industrielles ont été concernées, à un moment ou un autre, par une mesure de défense commerciale. Mais les décisions qui continuent de susciter ire et inquiétude sont celle basées sur le principe de similarité entre les biens importés et ceux produits localement.

Ce principe, qui consiste en la confrontation de deux références (locale et importée), interroge sur sa pertinence car les produits jugés similaires subissent l’application de mesures spéciales en fonction de l’importance du dommage occasionné ou attendu. Pourtant, les importateurs, en particulier ceux du papier, pointent du doigt ce principe et le qualifient de «grille de lecture partiale qui ne tient pas compte de la réalité du marché, de ses besoins et de son évolution». C’est en substance ce que soutient l’Association marocaine des importateurs transformateurs et distributeurs de papier et carton (ADPAC). L’actionnement d’entraves supplémentaires à l’importation de papier en bobine et en rame, conformément aux dispositions prévues par l’article 78 de la loi N°15-09, s’étaient traduites par l’application d’un droit additionnel de 25% pour une durée de 5 ans au profit de Med Paper. Une décision que l’association n’a jamais digéré, et qu’elle qualifie aujourd’hui encore d’«assistanat qui, au lieu de pousser le producteur local à se hisser au niveau de la concurrence internationale, le conforte dans sa position, au détriment de nos activités. Si nous importions un type de papier dont le marché ne voudrait pas, nous arrêterions d’en vendre, bien évidemment. Mais il est inconcevable d’empêcher les importateurs de travailler parce que Med Paper va mal. Nos coûts sont grandement impactés, et nous ne pouvons pas changer indéfiniment de fournisseurs», nous confie un membre de l’association qui a souhaité garder l’anonymat.

Une application stricte de la loi malgré les critiques

Dans la sidérurgie, les industriels, Maghreb Steel à leur tête, bénéficient depuis 2016 de mesures de sauvegarde sur les importations de fer à béton et de fil machine instaurées (droit additionnel de 555 DH/la tonne), de mesure de sauvegarde ad valorem qui sont passées de 22% en 2016 à 18% en 2018, et de mesure antidumping couvrant la période 2016-2019, ciblant les importations européennes et turques (des droits additionnels allant de 11% à 22% suivant les cas).

La division de défense commerciale au sein du ministère de l’industrie est bien consciente des problématiques que pose cette méthode, ainsi que les nombreuses incompréhensions des importateurs visés. Mohamed Berredouane El Idrissi, chef de la division, précise à La Vie éco que «les interventions ne sont décidées que lorsqu’il est prouvé qu’une importation de produits spécifiques risque de dégrader le secteur industriel national. Si personne ne dépose plainte, nous n’avons pas à agir. Par contre, si un industriel se plaint, et joint des éléments de preuves et des analyses pointues de la situation, nous prenons en charge le dossier et enquêtons pour apprécier la situation», avant de confier qu’«il est difficile d’établir un axe de similarité entre deux produits, malgré l’aisance apparente de l’exercice. Mais ce principe est le fondement de nos enquêtes parce qu’il est l’unique recours dont nous disposons».

Une protection, mais pas pour les rentiers

Concrètement, lorsqu’un industriel local interpelle le ministère sur une situation qu’il considère comme dommageable, sa version des faits est prise en considération. Mais il ne suffit pas de pointer du doigt un produit pour se voir attribuer un bouclier de défense commerciale. Pour le cas du papier, les équipes de la division ont dû mener des enquêtes aux niveaux marocain et européen afin d’isoler les points de concordance entre les produits, leurs différence et leur utilisation finale afin de juger de l’applicabilité du principe de similarité. «Si, d’apparence, les produits sont jugés similaires, une enquête de fond s’impose pour déterminer si oui ou non le produit visé par la plainte menace le secteur. C’est ce que nous avons fait pour le papier A4 produit par Med Paper», poursuit M. El Idrissi.

Les résultats de l’enquête avaient permis de relever que, sur le marché européen, près de 80% du papier A4 consommé est de classes B et C. La classe A (premium) ne concerne que 20% de la consommation. Au Maroc, Med Paper ne produit que les papiers de qualité B et C, tandis que les importateurs font introduire 12 000 tonnes de papier A par an. Dans ce cas de figure, «les références des produits sont différentes. En revanche, les habitudes de consommation du plus grand nombre nous ont donné suffisamment d’éléments pour considérer le papier premium comme similaire aux B et C produits par Med Paper», ce qui a justifié l’application de la mesure de sauvegarde. Ceci étant, le département incorpore les enseignements de ses expériences cumulées afin d’augmenter l’efficacité de son dispositif. «En adoptant le principe de similarité pour protéger l’industrie nationale, nous ne cherchons en aucun cas à créer une trappe où viendraient s’abriter des industriels qui ne souhaitent qu’augmenter leur marge de profits. Nous sommes extrêmement vigilants et exigeants avec les plaignants car il y va de la crédibilité du pays».

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Mehdi Mouttalib