Ce que signifie la nouvelle "main tendue" du Maroc à l'Algérie (ENTRETIEN)

Mardi 30 Juillet 2019

MAGHREB - Près de huit mois après un premier appel du roi Mohammed VI à tourner la page de la discorde avec l’Algérie, le souverain a réaffirmé, lundi 29 juillet lors de son discours de la fête du Trône, l’engagement du royaume à “garder la main tendue” envers le peuple algérien et à ”œuvrer, avec espoir et optimisme, à la réalisation des aspirations à l’unité, à la complémentarité et à l’intégration” portées par les peuples des deux pays.

Prenant l’exemple de la ferveur des supporters marocains qui ont soutenu massivement l’équipe de football algérienne lors de la CAN 2019, le roi a ainsi illustré cette “fraternité” entre les deux pays. Mais que signifie cette nouvelle “main tendue” du Maroc envers son voisin algérien? Eléments de réponses avec Jawad Kerdoudi, président de l’Institut marocain des relations internationales (IMRI).

HuffPost Maroc: Qu’avez-vous pensé du message adressé par le roi Mohammed VI à l’Algérie dans son discours de la fête du Trône?

Jawad Kerdoudi: L’un des points importants de ce discours est cette nouvelle “main tendue” du Maroc à l’Algérie qui a été lancée, à mon avis, de façon pertinente puisque le roi a parlé de son soutien personnel mais aussi de celui du peuple marocain à la victoire algérienne lors de la Coupe d’Afrique des nations (CAN 2019). Cela mêle l’autorité suprême, qui est la sienne, au peuple marocain et au peuple algérien.

Qu’est-ce qui change maintenant par rapport à la dernière “main tendue” du Maroc à l’Algérie en novembre dernier?

Cette “main tendue” avait déjà été faite avant mais sans résultats. Ce qui change maintenant, c’est que l’Algérie est en plein bouleversement politique. Les manifestants algériens demandent le départ de l’ancien régime, et c’est vrai que c’est cet ancien régime - formé de militaires mais aussi de certains civils - qui était opposé d’une façon extraordinaire à la récupération de nos provinces sahariennes. Donc c’est un appel lancé aux futurs dirigeants algériens pour leur dire que le Maroc est prêt à discuter de cette question pour la terminer une fois pour toute et pour construire le Grand Maghreb.

Selon vous, cette “main tendue” sera-t-elle suivie d’une réponse de l’Algérie cette fois-ci?

Je ne m’attends pas à une réponse rapide, pour deux raisons: d’une part les tenants du régime algérien ont d’autres chats à fouetter que de répondre à cette question (je pense au général Gaïd Salah et à toute son équipe) et d’autre part les manifestants algériens ne sont pas encore suffisamment structurés. Tout cela est encore en construction, et c’est pour cela que je ne pense pas, en tout cas dans les jours qui viennent, qu’il y ait une réponse de l’Algérie. Cela ne sera fait que lorsqu’il y aura des institutions légitimes pour parler au nom de l’Algérie, parce que pour le moment, la légitimité n’est reconnue ni aux manifestants ni aux tenants de l’ancien régime.

Ce message royal marque-t-il, selon vous, les prémices de l’élaboration d’une nouvelle relation maroco-algérienne?

Absolument. L’espoir du Maroc et des Marocains, c’est qu’il y ait une nouvelle équipe dirigeante, en Algérie, qui puisse considérer la question du Sahara comme un problème secondaire et donc lancer de nouvelles négociations. Le Maroc est ouvert à toutes négociations, bien sûr sous souveraineté marocaine - d’ailleurs le roi l’a rappelé hier dans son discours.

Êtes-vous optimiste quant à la poursuite des négociations en faveur du Maroc?

Le Maroc laisse la porte ouverte à des négociations après celles entamées ces dernières années sous l’égide de l’ONU et lors desquelles le royaume a, il faut le dire, marqué beaucoup de points, notamment avec la reconnaissance par l’UE des traités agricoles et de pêche, désormais étendus aux provinces sahariennes, et les différentes résolutions de l’ONU qui ont exigé que l’Algérie soit partie prenante et non simple observateur de ces négociations. Le Maroc a marqué des points mais cela ne veut pas dire que le problème est résolu, il faut être réaliste. Le général Gaïd Salah a encore récemment organisé des universités d’été pour le Polisario, ce qui prouve que pour eux, rien n’a encore changé.



Source : https://www.huffpostmaghreb.com/entry/ce-que-signi...

Anaïs Lefébure