Bras de fer à la Royal Air Maroc

Samedi 28 Juillet 2018

Les annulations de vols se succèdent à la Royal Air Maroc (RAM) sur fond de bras de fer entre ses pilotes et la direction de la compagnie nationale marocaine. Celle-là estime ses pertes quotidiennes à 20 millions de dirhams (2 millions d'euros). Une grève qui a amené l'Office national des aéroports (l'ONDA) à installer une cellule de crise. A l'origine de ces tensions, de profonds désaccords entre l'Association des pilotes de ligne (AMPL), le syndicat maison, et le management de la compagnie.

La RAM avait déjà été secouée en février dernier par une première vague de grèves qui l'avait conduite à annuler plusieurs vols. Anticipant ce nouveau mouvement à compter du 18 juillet, son directeur général, Abdelhamid Addou, a adressé une lettre virulente à l'AMPL, qui a fuité dans les médias marocains. « Nous constatons avec amertume l'absence de volonté d'aboutir à un compromis, celui-ci repoussé par une surenchère des revendications. La grève […] sera dévastatrice, détruira de la valeur, et dégradera les indicateurs économiques », écrit-il notamment.

Les revendications de l'AMPL pour des revalorisations de salaire, qui remontent donc à février, portent pour les 280 commandants de bord sur une augmentation de l'ordre de 30.000 dirhams (3.000 euros) et pour les autres pilotes de ligne de 15.000 dirhams (1.500 euros). Ces derniers gagnent respectivement 150.000 dirhams (15.000 euros) et 100.000 dirhams (10.000 euros) par mois. Accéder à ces demandes d'augmentations moyennes de 20 % coûterait au total 200 millions de dirhams (20 millions d'euros) de charges supplémentaires pour la compagnie.

Par ailleurs, les pilotes refusent un accord de paix sociale pour sept ans, demandé par la compagnie, et demandent en outre 4 jours de repos mensuels et les mêmes avantages pour le personnel navigant RAM Express. Au coeur du mouvement, « un problème de sous-effectif, explique aux 'Echos' un pilote , à cause notamment de l'opération de gel de l'école des pilotes de ligne depuis la crise de 2011, ce qui a conduit la RAM à recruter une quarantaine de pilotes étrangers » . Et d'ajouter, « nous avons simplement refusé d'assurer les vols supplémentaires, qui ne sont pas prévus dans notre plan de vol mensuel » .
Plan stratégique

Contactée, la direction de la compagnie n'a pas souhaité répondre. Il est vrai que ce mouvement tombe mal, dans le contexte du lancement en janvier dernier d'un nouveau plan stratégique par la RAM, toujours en cours de validation par le gouvernement, d'une hausse du prix du baril de pétrole et d'une concurrence accrue des low cost. Ce plan vise à doubler la taille de la flotte d'ici à 2022 (d'une soixantaine d'appareils à 120 à terme).

Selon le patron de la compagnie qui l'écrit dans son courrier, ces annulations de vol risquent de compromettre la bonne santé retrouvée de la RAM, qui a frôlé la faillite en 2011 et qui figure désormais parmi les compagnies les plus ponctuelles. L'an dernier, elle a encore enregistré une progression du nombre de passagers, de 6,7 à 7,3 millions sur un an, et une augmentation de son trafic de 9 %. Le résultat d'une stratégie africaine payante, qui a fait de Casablanca un véritable hub, notamment vers l'Afrique subsaharienne, en phase avec la nouvelle politique du royaume, initiée par le roi Mohammed VI. Entre 2004 et 2018, le nombre de dessertes du continent est passé de 7 à 33. Les avions de la RAM volent aujourd'hui vers tous les pays de l'Afrique de l'Ouest, mais aussi des pays d'Afrique du Nord, d'Afrique centrale et de l'Est. Des destinations où la compagnie enregistre des taux de croissance à deux chiffres.

G. Ba.

Les Echos