Au Musée du quai Branly-Jacques Chirac, les colonies vues par les peintres

Lundi 19 Mars 2018

C’est l’exposition la plus amusante, la plus sexy, la plus colorée de l’année. Et la plus discrète. Pourquoi ? Car personne ne doit y voir un éloge du colonialisme. Le mot est banni. On parle de peintures des lointains. En clair : un retour plein d’images merveilleuses sur l’immense chasse aux trésors lancée par la France au XIXe siècle. De la prise de la smala d’Abd-el-Kader à Fachoda, soldats, administrateurs, commerçants, colons, poètes et têtes brûlées se jettent à l’aventure. Le terrain de jeu est vaste. De la Martinique à Tahiti et de Saigon à Marrakech, les colonies font vingt fois la France : 12 millions de kilomètres carrés. Madagascar et le Tonkin se disputent le titre de « perle de l’Empire ».

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Inutile de dire que les peintres adorent ces nouveaux panoramas. D’abord avec une palette sucrée à la « Paul et Virginie ». Des yeux attendris posent un regard soyeux sur des peuples sensuels souriant à la vie au jardin d’Eden. Palmiers et chameaux, peaux noires et lagons bleus, odalisques alanguies et engageantes vahinés offrent une source inépuisable d’inspiration académique – pour ne pas dire « pompière ». Tout ce qu’on aime – là encore sans avoir le droit de le dire trop fort. Cela dit, peu à peu, l’art devient aussi affaire d’ethnographie et de reportage. Sans dénoncer la barbarie de certains exploiteurs métropolitains, il ne se résume pas à l’apologie du fait colonial.

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Et, dans chaque confetti de l’Empire, des peintres authentiques se font un nom : Marcel Mouillot à La Réunion, Jeanne Thil en Algérie, Géo Michel en Indochine, Paul Mascart en Nouvelle-Calédonie... C’est eux qui décoreront les fameux pavillons de l’Exposition coloniale de 1931, porte de Vincennes : 8 millions de visiteurs s’extasient sur 110 hectares de reproductions de monuments. Du temple d’Angkor Vat à la grande mosquée de Djenné, notre empire de carton règne sur le monde entier. C’est beau comme l’antique. Et fragile comme lui. Cette apothéose est aussi un chant du cygne. La nostalgie n’est plus ce qu’elle était. Reste à en admirer les images au Quai-Branly. 

 Peintures des lointains

« Peintures des lointains », au musée du quai Branly-Jacques Chirac, Paris VIIe, jusqu’au 6 janvier 2019.

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Source : http://www.parismatch.com/Culture/Art/Au-Musee-du-...