Au Brésil, le virage politique de 2017 s'opère au grand bonheur des ruralistes

Vendredi 22 Décembre 2017

Brasilia - A l'image du fleuve Amazone, de ses divers affluents et de ses méandres, la scène politique brésilienne a été d’une grande complexité au courant de l’année 2017, crises en tout genre obligent.


Bien que le Brésil soit parvenu à s’extirper de la profonde crise qui a plombé son économie pendant deux années et grignoté 7,2% de son PIB, le géant sud-américain n’est pas encore sorti d’affaire faute de pouvoir faire adopter l’intégralité des mesures d’austérité visant à donner à l’économie le boost dont elle a besoin pour continuer sur sa courbe ascendante et rassurer, au passage, les investisseurs étrangers.

Si le président Michel Temer a réussi à bloquer les dépenses publiques pour les 20 prochaines années et à faire adopter une réforme du code du travail, des mesures qui permettront, selon lui, de faire avancer l’économie brésilienne dans le bon sens, ce n'est pas le cas de la réforme des retraites, un projet encore en instance dans les couloirs du Congrès, faute de voix suffisantes à son adoption.

Pour plusieurs Brésiliens, cette réforme, vue d’un bon œil par les entreprises et le Fonds monétaire international (FMI), est inquiétante car elle a le potentiel d’affecter directement la vie de milliers de personnes, notamment parmi les secteurs sociaux les plus vulnérables.

En dépit d’une longue bataille pour faire adopter le troisième pilier de sa politique économique, le président Temer peine face à un Congrès touché par une succession de crises alimentées par les révélations à répétition de l’enquête "Lavage rapide" sur un vaste réseau de corruption autour de la compagnie Petrobras, qui a entraîné plusieurs politiciens et hommes d’affaires dans son sillage.

Pour faire avancer son agenda et opérer un virage politique mettant fin à 13 ans de pouvoir de la gauche, le chef de l'Exécutif a dû conclure, au fur et à mesure, des alliances stratégiques avec plusieurs groupes parlementaires qui se sont avérées très coûteuses, car elles se sont faites au détriment, parfois, de la principale richesse du pays, sa nature.

En effet, les concessions offertes par l’Exécutif contre un soutien bicaméral ont, par capillarité, servi les intérêts de groupes parlementaires, comme le puissant "bloc ruraliste" qui occupe 40% des sièges au Congrès.

Au cours de cette année, ce groupe, qui représente les intérêts de l’agrobusiness et des grands propriétaires terriens, a multiplié ses actions contre certaines protections environnementales à coups d’amendements à la Constitution sous prétexte de rendre à l’économie brésilienne sa compétitivité.

Ainsi, par un jeu de circonstances, le lobby a pu réduire de près de 32 milliards de réais (environ 9,7 milliards de dollars) la valeur des amendes prévues en cas d'atteintes à l'environnement et a presque réussi à supprimer le statut de la Réserve nationale de cuivre et associés (Renca), une région de près de quatre millions d’hectares à cheval entre les États du Para et Amapa (Nord) pour y autoriser l’exploitation minière privée.

Le projet a été avorté en août dernier après qu’un décret présidentiel autorisant l’abrogation du statut de la Renca ait provoqué une levée de boucliers de la part de la société civile et des organisations internationales, qui ont crié au "bradage" de l’Amazonie, dont les ressources suscitent bien des convoitises.

La suppression de la réserve a été dénoncée par plusieurs partis de la gauche, dont le parti Rede Sustentabilidade (centre gauche) de Marina Silva, candidate probable aux élections présidentielles de 2018, qui a qualifié la mesure de "pire attaque contre l’Amazonie au cours des cinquante dernières années".

C’est donc sur un bilan mitigé que l’année s’achève au Brésil, à quelques mois de la tenue, en octobre prochain, des élections présidentielles, dans un contexte marqué par des indicateurs sociaux encore dans le rouge et par l’absence de candidats pouvant clairement réconcilier les partis politiques avec les électeurs.

Tous ces facteurs pris en compte, nul doute que l’année prochaine réservera bien des surprises aux Brésiliens, curieux de connaître l’acte final d’une telenovela qui les tient en haleine depuis l’ouverture d’une procédure de destitution à l’égard de l’ex-présidente Dilma Rousseff.


MAP - Nadia El HACHIMI