Assassinat de deux scandinaves au Maroc: des suspects au "credo jihadiste"

Mardi 30 Avril 2019

Rabat - Un marchand ambulant proclamé "émir", un plombier, un menuisier... Les suspects accusés d'avoir tué, égorgé et décapité deux touristes scandinaves en décembre 2018 au Maroc avaient adhéré à un "credo jihadiste", selon les enquêteurs marocains.

Les quatre principaux suspects comparaitront à partir de jeudi aux côtés d'une vingtaine d'autres, interpellés en raison de leur lien avec les tueurs présumés.

La plupart sont accusés d'appartenir à un groupe imprégné de l'idéologie du groupe Etat islamique (EI), "sans contact" avec des cadres opérationnels en Syrie ou en Irak, comme l'a dit le chef de l'antiterrorisme marocain Abdelhak Khiam à l'AFP après leur arrestation.

Issus de milieux modestes, avec un niveau d'instruction très bas, ils vivaient d'activités précaires dans des quartiers pauvres et déshérités de Marrakech (centre), destination touristique phare du royaume.

Abdessamad Ejjoud, un marchand ambulant de 25 ans originaire de la région de Marrakech, est considéré comme "l'émir" ou chef de file du groupe. Il avait été par le passé condamné par la justice marocaine pour avoir tenté de rejoindre l'EI en Syrie. Remis en liberté en 2015, il a réuni autour de lui des hommes décidés à mener des actions au Maroc, selon les enquêteurs.

C'est lui qui parle dans une vidéo tournée une semaine avant le meurtre et dans laquelle il prête allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l'EI, aux côtés des trois autres principaux suspects.

Selon le site d'information marocain Médias24, qui cite des documents judiciaires, il a organisé l'expédition dans l'Atlas et tué l'une des deux touristes avec un couteau.

Younes Ouaziyad, 27 ans, aurait également participé à l'assassinat. Il a été arrêté avec ses deux compagnons alors qu'ils tentaient de quitter Marrakech dans le but de passer une frontière et de rejoindre la Libye, selon les enquêteurs.

Ce menuisier était perçu comme "un garçon sans histoire" et ne "manifestait aucun signe de radicalisation", selon des témoignages recueillis par l'AFP dans le quartier d'Al-Azzouzia, une banlieue déshéritée de Marrakech où il vivait.

Selon ses proches, il était devenu adepte du salafisme quelques mois avant le double assassinat. Il s'était laissé pousser la barbe et portait un qamis, long vêtement blanc prisé des salafistes.

Rachid Afatti, 33 ans, aurait lui aussi participé au crime. Comme Abdessamad Ejjoud, ce marchand ambulant vivait dans la commune rurale de Harbil, une bourgade défavorisée située à une vingtaine de kilomètres de Marrakech.

Ses proches ont affirmé à des médias qu'il s'était "isolé" les mois précédents le meurtre. Comme ses présumés complices, il s'était rasé la barbe et avait délaissé ses vêtements traditionnels après avoir enregistré la vidéo d'allégeance.

Abderrahim Khayali, un plombier de 33 ans, a été interpellé dans le quartier d'Al-Azzouzia quelques heures après la découverte des corps. Il se serait rendu dans l'Atlas avec ses compagnons mais les aurait quittés avant l'assassinat.

Il y a environ trois ans, il était devenu adepte du salafisme, branche ultraconservatrice de l'islam sunnite. Il avait ensuite démissionné d'un hôtel qui servait de l'alcool, refusait de serrer la main des femmes et s'opposait à la mixité lors des célébrations familiales, selon des témoignages recueillis par l'AFP auprès de ses proches.

C'est à son domicile que la vidéo d'allégeance aurait été tournée, selon des médias locaux.

Les 20 autres prévenus ont été interpellés à Marrakech ou dans dans d'autres villes en raison de leurs liens avec les tueurs présumés. Tous appartenaient au groupe fondé par "l'émir" et "avaient la même philosophie", selon les enquêteurs.

Parmi eux, Kevin Zoller Guervos, un converti hispano-suisse de 25 ans, accusé de "constitution d'une bande pour porter atteinte à l'ordre public", d'"aide préméditée à des auteurs d'actes terroristes" et d'"entraînement de personnes en vue de commettre des actes terroristes". Il a clamé son innocence devant le juge d'instruction.

"Imprégné de l'idéologie extrémiste", il est soupçonné d'avoir appris aux principaux suspects à utiliser une messagerie cryptée, de "les avoir entraînés au tir" et d'avoir participé à l'embrigadement de recrues, selon les enquêteurs.

Selon le journal espagnol El Mundo, celui qui se faisait appeler "Abdellah" est né à Versoix (Suisse) et se serait converti à l'islam en 2011. Il aurait rencontré des fidèles acquis aux idées de l'EI à la grande mosquée de Genève et serait parti au Maroc en 2015 pour se marier.

Selon des médias suisses, il était connu dans son pays natal pour des "infractions à la loi sur les stupéfiants, vol, cambriolage, dommages à la propriété, agression et violence conjugale", des faits commis entre 2003 et 2007.

AFP