Africolor, laboratoire de recherche de la musique africaine

Vendredi 12 Novembre 2021

Africolor, plus qu'un simple festival de musique, est un laboratoire, mis à disposition de ceux qui recherchent des esthétiques nouvelles apportant du sang neuf à des musiques venues d'Afrique subsaharienne, du Mali à l'Ethiopie.


"Ils ont fait beaucoup découvrir les musiques du terroir malien, proposent des connections. Franchement, selon moi, c'est quelque chose de très fort sur la culture africaine", affirme le joueur de kora malien Ballaké Sissoko.
 
Il se produit cette année au festival pour la cinquième fois en dix ans, avec parmi ses invités Oxmo Puccino, figure du rap.
 
La moitié des 24 spectacles proposés par Africolor, qui se déroule jusqu'à fin décembre, principalement en Seine-Saint-Denis, sont des créations où les musiques africaines se conjuguent au passé, au présent et au futur.
 
La rencontre (en ouverture vendredi à Fontenay-sous-Bois) de la chanteuse Leïla Martial, électron libre du jazz, Rémi Leclerc (percussions corporelles et chant) et de l'ensemble vocal Ndima qui tente de préserver la tradition de polyphonies vocales du peuple Aka des forêt d'Afrique centrale, est au coeur de cette problématique.
 
S'apprivoiser prend parfois du temps, environ deux ans pour ce projet, mais le jeu en vaut la chandelle.
 
"On fait se rencontrer des particules et des éléments chimiques (les musiciens) qui viennent s'entrechoquer, pour le meilleur ou pour le pire, se mélanger, se fondre ou bien rester à distance dans des tensions énergétiques", explique à l'AFP Sébastien Lagrave, ancien chanteur lyrique devenu directeur du festival, qui en est à sa 32e édition.
 
Africolor a d'autres angles d'attaque. "L'Afrique bouge à la vitesse de la lumière, et nous avons la responsabilité d'être à l'écoute de ce présent", affirme Sébastien Lagrave.
 
Signe de cette ambition: le mariage des instruments traditionnels et électroniques, au coeur de plusieurs créations.
 
Vesko, qui consacre la fusion du chant wassoulou de Maïmounia Soumbounou et des machines de Vincent Lassalle pour une transe électro-malienne, en est l'illustration. Le duo formé par Praktika, ses synthés et boîtes à rythme, et la flûte peule de Simon Winsé, pour un voyage rétro-futuriste, en est une autre.
 
Africolor fait aussi le pari de recomposer le passé, comme dans Afriquatuors. Donnée en 2019, cette création sera reprise le 17 décembre au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, dans une version étoffée.
 
"Là il y a encore une fois un aspect laboratoire: on a fait le pari de proposer à des musiciens venant des musiques classiques d'ici, qui ont l'habitude de jouer du Mozart, de réaliser des réarrangements des grands classiques d'orchestres du continent africain des années 60/70", explique Sébastien Lagrave.
 
Dans le respect des anciens, il donnera aussi la parole à des grandes figures qui appartiennent à l'histoire de la musique moderne d'Afrique de l'Ouest: le mandingue guinéen Sekouba Bambino et le Bissau-Guinéen Malan Mané appartiennent à cette famille de musiciens ayant connu la gloire au sein d'orchestres légendaires avant de tomber, au gré des soubresauts du continent, dans un certain anonymat.
 
Malan Mané avait même disparu des radars. Retrouvé grâce au livre "Les Grands" de Sylvain Prudhomme, l'ancien leader du Super Mama Djombo, exilé en France depuis 30 ans et resté longtemps sans papiers, remontera sur scène le 18 décembre à Montreuil, avec quelques survivants de ce groupe légendaire.
 
"Vous n'imaginez pas le nombre de musiciens de légende qui peuvent habiter ici, en Ile-de-France, c'est avec eux qu'on retrace des chemins", confie Sébastien Lagrave.
 
Le Camerounais Toto Guillaume, le Congolais Papa Noël, Boubacar Traoré en son temps, en sont des exemples.

AFP