A Alger, Nasser Bourita plaide pour un décloisonnement du Maghreb

Lundi 22 Janvier 2018

Présent en Algérie à l’occasion de la réunion du Dialogue « 5+5 » en Méditerranée occidentale, le ministre des Affaires étrangères a exposé la doctrine marocaine en matière de coopération internationale Nord-Sud. Pour lui, la stabilité de la région passe avant tout par la responsabilité et le sérieux du bon voisinage, faisant allusion aux embardées récentes des responsables algériens

Contrairement aux dires des Cassandre, Nasser Bourita a bien pris part à la 14 ème réunion des ministres des Affaires étrangères des pays membres du Dialogue « 5+5 » en Méditerranée occidentale. A Alger, quelques voix diplomatiques avaient estimé que le chef de la diplomatie marocaine avait eu, par son arrivée le matin même au Centre international de conférences de la capitale quelques hésitations à faire représenter le royaume à haut niveau, voire même la volonté cachée de faire capoter le conclave. La thèse s’est révélée infondée, d’autant que le ministre y a réitéré l’attachement du Maroc à un des deux rives « ouvert, franc, inclusif et opérationnel », tout en faisant la leçon à ses hôtes en matière de bon voisinage.

Instauré en 1990 à l’issue d’une réunion interministérielle tenue à Rome avec l’objectif d’engager un processus de coopération régionale en Méditerranée occidentale, le Dialogue « 5+5 », interrompu pendant plusieurs années, a été relancé en 2001. Il est le plus ancien cadre de rencontre entre pays du bassin méditerranéen. Le format regroupe les cinq pays de l’UMA (Algérie, Maroc, Tunisie, Libye et Mauritanie) pour la rive sud de la Méditerranée et l’Italie, la France, l’Espagne, le Portugal ainsi que Malte pour la rive Nord.
 
Pour le Maroc, il représente « le dimensionnement idéal » pour garantir dialogue et coopération. Son « cadre flexible le prédispose à jouer le rôle de boîte à idée » pour le partenariat euro-méditerranéen, a indiqué Bourita dans son allocution à Alger.
 
Ce sont les grands défis de notre temps : sécurité, environnement, flux socio-économiques, partage culturel, et cohabitation des identités qui sont en jeu.
 
Depuis quelques années, cette partie du monde est traversée par des crises à répétition, des transitions politiques complexes. L’Algérie se prépare à l’après-Bouteflika, la Tunisie post-révolutionnaire se débat contre le marasme économique et social et la Libye est davantage un Etat failli.
 
Aussi, le Maroc qui dispose du statut le plus avancé avec l’Europe, malgré les vicissitudes vécues avec ses instances autour de la question du Sahara occidental se projette dans l’avenir. Dans le volet de la jeunesse et de l’emploi, le ministre s’est dit convaincu que la Méditerranée occidentale peut être le « catalyseur d’une croissance partagée, et le réceptacle d’une gestion intégrée de la question de la Jeunesse, dans ses dimensions économique et sociale certes, mais aussi culturelle et humaine ».
 

Le Maroc veut mettre la Jeunesse au coeur de la coopération

Pour cette raison, Bourita a présenté officiellement la proposition du Maroc d’une Conférence ministérielle « 5+5 » dédiée à la Jeunesse, et offre de l’accueillir, faisant observer que cette conférence serait destinée à s’entendre sur un « Agenda régional pour la jeunesse » articulé par projets concrets et novateurs.
 
S’agissant du développement économique et social inclusif et partagé, Bourita a mis l’accent sur le « contraste invraisemblable » entre l’intégration économique au Nord et au Sud de la Méditerranée occidentale, précisant que si les partenaires du Nord se caractérisent par une forte intégration économique (plus de 70 %), au Sud, en revanche, les pays du Maghreb forment l’une des régions les moins intégrées du monde (moins de 5 %).
 
« L’écart entre les deux rives est, donc, réel. Mais, le gap au sein même de la rive sud est désolant », a déploré le ministre, ajoutant que cette situation « nous appelle à un engagement plus fort, pour une approche novatrice, inclusive et durable en matière de développement des échanges, d’investissement et d’emploi ».
 
« La question de l’intégration économique au Sud est d’autant plus problématique, en raison de la fermeture des frontières qui bloque structurellement l’essor de la région », a-t-il encore dit.
 
Dans ce sens, le Maroc, a fait observer Bourita, est engagé dans une dynamique d’optimisation de son modèle de développement, notant que « la conviction du Royaume est que ce n’est pas par le statu quo ou par le protectionnisme que l’on pourra faire atteindre le développement économique ».
 
Il a, en outre, mis en exergue « la politique d’ouverture humaniste et solidaire voulue par le Roi en matière migratoire », avec le lancement, depuis 2013, de deux campagnes de régularisation de migrants, soulignant, à cet égard, le rôle prépondérant joué par le Royaume au niveau Africain, avec le mandat confié au Roi Mohammed VI en tant que leader en matière de migration par la présidence de l’UA.
 

Un engagement mondial pour une migration ordonnée

Dans ce sens, le Maroc compte présenter au prochain Sommet de l’UA, à la fin de ce mois, une vision pour un « Agenda africain pour la migration », fruit d’un large processus de consultation inter-africain mené par le Maroc au cours de ces derniers mois. Le Maroc accueillera en décembre 2018 la 1ère conférence Internationale du Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière.
 
En ce qui a trait au fléau du terrorisme, le ministre a estimé que la montée du terrorisme et des manifestations violentes de l’extrémisme résultant de la radicalisation et du recrutement de nombreux citoyens du bassin de la Méditerranée par des groupes terroristes et leur départ vers les foyers de tension menacent la sécurité et la stabilité des pays de la région.
 

La stabilité ne se gagne pas « à coup de déclarations farfelues  »

Face à cette situation, la doctrine portée par Mohammed VI pour faire face aux menaces sécuritaires « s’appuie sur une démarche intégrant de manière complémentaire la dimension sécuritaire, la croissance économique, le développement humain ainsi que la préservation de la dimension culturelle », a relevé Bourita.
 
Dans ce sillage, a rappelé le ministre, le Maroc s’érige en tant que leader dans la formation des Imams, en Europe, et en Afrique, soulignant, par la même occasion, le rôle joué par le Royaume dans la promotion de l’islam tolérant et du juste milieu.
 
Par ailleurs, Bourita s’est dit convaincu que le format 5+5 est un « cadre créatif, novateur par essence, qui doit aujourd’hui faire valoir la coopération flexible et efficace, s’ouvrir davantage sur la société civile et tirer davantage partie de l’UPM, en cultivant les convergences et en capitalisant sur les complémentarités ».
 
« La stabilité de notre région est fondamentale, elle est trop précieuse pour que l’on teste sa solidité, elle ne se fait pas à coup de déclarations farfelues », a déploré le ministre, ajoutant que « la coopération régionale n’a jamais progressé par des accusations légères », faisant manifestement référence aux sorties répétées des responsables algériens, que ce soit le premier ministre Ouyahia ou celui des Affaires étrangères Messahel, accusant avec légèreté le Maroc, ses banques et sa compagnie nationale aérienne, de s’adonner au commerce de la drogue sur le continent africain.

« Davantage qu’un principe, le Bon voisinage est une valeur et un engagement, pour les Etats aussi, pour les Etats surtout. La stabilité n’est pas compatible avec l’irresponsabilité. Et ça, tout le monde le sait ! », a conclu le ministre.
 
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