Pour moi, l'autodéfense c'est une façon de ne plus être coupée d'une partie de soi. On a tou-te-s des histoires différentes vis-à-vis de la violence, et peut-être que pour certain-e-s, il y a effectivement quelque chose de l'ordre de la compulsion.
Mais au-delà de nos histoires personnelles, il y a, j'en suis convaincue, quelque chose qui a été confisqué aux femmes, par rapport à la possibilité de se défendre, notamment au niveau des agressions sexuelles. Il y a aussi, j'en suis convaincue également, une violence sexuelle latente à leur égard, une menace réellement présente, quoique plus ou moins en filigrane, et qui a une fonction sociale réelle, celle de les maintenir à leur place. Ces deux choses font qu'il est extrêmement difficile, pour une femme, de faire face à une situation d'agression et de se défendre, verbalement ou physiquement.
L'autodéfense telle qu'elle m'a été enseignée, et surtout telle que je la vis, consiste à déconstruire ces messages présents dans notre société, d'une part, et retrouver la force et l'instinct de défense que tout individu a normalement en lui, qu'il soit homme ou femme, d'autre part.
Pour cela, je pense qu'il est important de réfléchir à ce qu'évoquent pour nous (et par nous, en l'occurrence, j'entends "nous les femmes") les notions d'agresseur, de victime, de violence, d'agression, etc. Réfléchir et les mettre en pièce, à vrai dire, vraiment, en démonter le mécanisme, parce que ces notions sont entourées de tout un tas de valeurs, de représentations, de tout un enrobage, si on veut, qui nous éloignent de notre ressenti et de nos capacités innées pour mieux nous assigner à l'impuissance.
La plupart des femmes (je ne dis pas toutes, évidemment) sont convaincues qu'elles ne seraient pas de taille à se mesurer à un homme en cas de besoin, par exemple. Ou que les hommes qui agressent les femmes le font parce qu'ils obéissent à une forme de pulsion irrépressible. En situation d'agression, la réaction de la plupart des femmes sera contaminée par ce qu'elles pensent être "acceptable" de faire pour une femme (je ne trouve pas de meilleur terme en l'occurrence, mais il n'est pas si mauvais - il s'agit vraiment de se conformer, de façon quasiment inconsciente, à un message social profondément imprimé en nous, jusque dans notre façon de nous mouvoir, de regarder, de parler).
Mettre à jour ce message, cela permet de le rendre moins insidieux, de s'y confronter, de se positionner par rapport à lui - et, accessoirement (ou pas), cela rend plus difficile le travail de l'agresseur qui a une furieuse tendance à avancer masqué et qui maîtrise fort bien, lui aussi, mais à son avantage, les valeurs associées à nos rôles sociaux d'homme et de femme.
Et d'une.
Notre autre arme, face à ça, c'est vraiment de se mettre à l'écoute de son ressenti profond et d'identifier ce que notre corps nous dit. Effectivement, ça peut être la réactualisation de quelque chose de passé, et donc de pas forcément adéquat (mais rester sourd à ces messages ne les rendront pas plus appropriés), mais on a pu constater que, très souvent, ces messages que nous envoient notre corps sont la résultante de petits indices que nous n'avons pas notés consciemment, mais qui ont mis nos vibreurs (nos moustaches) en alerte.
Ecouter ce que notre ventre nous dit, c'est donc faire confiance à ces alertes, mais pas seulement. C'est faire taire les rationalisations nées de la peur (et on a d'autant plus peur qu'on se croit incapable de pouvoir se défendre au besoin), et réduire également au silence tous ces messages reçus au fil de notre éducation, pour écouter le seul message utile : la situation est dangereuse et je dois tout mettre en œuvre pour la faire changer (ce qui n'implique pas forcément de devoir me battre physiquement, et ce qui n'implique certainement pas de sortir une bombe lacrymo ;p !)
Ecouter ce que notre ventre nous dit, c'est vraiment se recentrer sur soi. Et c'est pour cela, aussi, que je tiens tellement à l'autodéfense, parce qu'à mes yeux, c'est une des nombreuses manières de se réapproprier des parties de nous qui nous ont été confisquées et aller vers une plus grande authenticité (comme on le fait, également, avec le maternage proximal ou à l'occasion de la naissance).