Soyez ravis par vos enfants!

Ma colère

Hélène répond à une maman au sujet de la colère que l'on peut ressentir parfois à l'encontre de nos enfants.




J'ai découvert la violence que j'avais en moi lorsque mon fils était petit. La colère, la tension, la frustration qui rend dingue ... Mon fils, que j'aime comme je n'ai jamais aimé qui que ce soit, qui était en plus le bébé probablement le plus cool de la Terre, cette personne qui me touchait si profondément, si intimement, qui faisait naître en moi ces océans de tendresse et de désir de protection ... Comment pouvais-je me fâcher comme ça contre lui ?

Et, comme tu le décris si bien, cette alternance d'accès de violence et d'excuses, d'intimidation verbale et d'écoute empathique ... L'impression d'être dans la peau d'un mari violent, comme toi.

** Je fais une parenthèse ici : il y a une immense différence entre les maris violents et toi (ou moi, ou les autres mamans présentes ici qui se retrouvent prises dans des accès de colère incontrôlée). C'est ta volonté de changer. La plupart des maris violents utilisent la peur qu'ils génèrent pour contrôler leur femme. Ils n'en sont pas du tout désolés, quoiqu'ils se confondent en excuses lorsqu'ils ont obtenu ce qu'ils voulaient. Pour des raisons multiples, ils se sentent légitimes dans leur comportement et blâment leur femme pour ce qu'elle leur "fait faire". Donc la comparaison n'est pas tout à fait pertinente. **

Avec le temps, les prises de conscience, le lâcher prise, le changement de regard sur les actions de mes enfants, j'ai fait énormément de progrès. Ou pas. Disons que je me fâche beaucoup moins souvent - et étant donné que j'ai maintenant quatre enfants, on peut considérer que c'est un réel progrès. Je pense que je me calme plus vite, aussi, nettement plus vite.

Mais je ne sais toujours pas maîtriser ma colère quand elle est chaude. Je crie toujours très fort, je dis toujours des choses affreuses, et si quelque chose se trouve sur mon passage, je le pulvérise - enfin, ça aussi, ça s'améliore.

Alors, pour ce qui est de la prévention ...

Je pense qu'il est super important de prendre soin de soi. Aussi paradoxal que ça puisse paraître (on a plutôt envie de se fustiger qu'autre chose), je crois vraiment que c'est la base. Donc : se reposer suffisamment, éviter d'accumuler les frustrations, prendre du temps pour soi tous les jours (même 5 minutes), trouver des moyens de se connecter à cette partie de nous qui est toujours en paix (par la respiration, par exemple), faire attention à son discours intérieur (pas toujours bienveillant), etc. Pas facile, mais indispensable.

L'autre versant, à mon avis, c'est développer ses facultés de communication et apprendre à interagir dans des situations d'inconfort émotionnel.

C'est quelque chose que je ressens assez nettement mais que j'ai un peu de mal à mettre en mots. Et c'est une réflexion qui ne date pas d'hier, mais qui s'est intensifiée ces derniers temps, notamment à cause de quelqu'un avec qui je me sens en conflit.
J'ai l'impression qu'en grandissant, on a appris à se débrouiller dans un certain nombre de situations en "adulte", au fil de nos interactions avec autrui. Petit à petit, on s'est débarrassé de notre peau d'enfant, puis d'ado, on a pris l'habitude d'être considéré comme un adulte, de se positionner comme un adulte. On a développé plein de capacités, pour évoluer dans la vie, travailler, tout ça. Mais on a aussi appris à éviter plein de situations stressantes - d'autant que, bon, on est des adultes, maintenant. On a donc développé la capacité de rester, la plupart du temps, sur des territoires où on est dans une relative sécurité émotionnelle. Quitte à devoir faire des gymnastiques mentales incroyables pour ça.

Et puis on devient parent. Et là, nos super stratégies d'évitement sont totalement inefficaces ... Et comme on a investi beaucoup d'énergie à contourner les zones émotionnelles instables, ben on a peu développé d'outils pour s'y dépêtrer. Du coup, hop, retour à la case départ, ou quasiment et on réagit comme des enfants. Mais des enfants qui n'ont pas été accueillis là-dedans, des enfants qui n'ont pas pu grandir en sécurité dans ces émotions-là, des enfants qui n'ont pas de vocabulaire/grammaire émotionnelle. Des enfants illettrés de l'émotion, quoi.

Vous avez lu l'histoire d'Helen Keller ? Avant qu'Ann Sullivan n'arrive et lui enseigne à parler avec ses mains, elle a d'énormes crises de rage, parce qu'elle n'a pas moyen de surmonter ses frustrations (en demandant de l'aide, par exemple, ou en parlant de ce qui lui arrive) et que celles-ci sont fréquentes, évidemment.

Eh bien j'ai l'impression que c'est ce qui nous arrive. Et que ne pas savoir dire non à un adulte et hurler sur son enfant, ce sont les deux faces de la même médaille, que, dans ces situations de stress, qu'elles soient avec nos enfants ou avec des adultes, on réagit avec nos tripes d'enfant. D'enfant impuissant et/ou enragé. AVEC des moyens d'adulte (donc, impossible de se rouler par terre au supermarché, possible, mais risqué, de tirer la langue à sa voisine en lui faisant un pied-de-nez, et possible, mais terrifiant, de se mettre en colère comme quand on avait quatre ans).

La bonne nouvelle, c'est que ça nous donne plusieurs entrées pour travailler le truc. Je crois vraiment que, si j'apprends à faire face à un adulte qui essaie de m'intimider, je m'énerverai moins sur mes enfants. Que ce sont des "compétences transférables". Qu'à chaque brique que je pose, dans un domaine ou dans l'autre, je deviens plus dense et je progresse dans l'autre domaine aussi. Et que je n'ai pas besoin d'analyser plus profondément les causes de mes "bloquages" émotionnels pour travailler dessus.

Après, en troisième partie, il y a peut-être aussi la possibilité d'exprimer ses émotions, frustrations, dans un cadre sécurisé. Mais ça, je n'ai pas encore exploré.




Rédigé par Hélène le Vendredi 28 Janvier 2011 à 13:01 | Lu 915 fois