Publié à l’origine dans « Mothering Magazine », automne 1992. Revu et mis à jour en 2019.
Copyright © 1992, 2000 Aletha Solter. Tout droit réservé. Aucune partie de cet article ne peut être reproduit ou transmis sous aucune forme et par aucun moyen, électronique ou mécanique (y compris en le copiant vers d’autres sites web, et y compris les traductions), sans l’autorisation écrite d’Aletha Solter.
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Depuis que les parents et les éducateurs attentifs prennent conscience des dangers des punitions physiques, la mise à l’écart temporaire (ou encore Time-Out) s’impose comme outil de discipline populaire. Les enfants qui se comportent mal sont priés de s’asseoir en silence sur une chaise ou d’aller dans leur chambre pour se calmer et pour réfléchir à ce qu’ils ont fait. Après un certain temps, ils sont autorisés à revenir dans le groupe ou à rejoindre la famille, à condition qu’ils se comportent « correctement ». La durée assignée est habituellement une minute par année d’âge de l’enfant, et les enfants qui quittent leur chaise ou leur chambre avant que leur temps soit écoulé sont priés de repartir pour une nouvelle période entière. Certains livres recommandent d’y ajouter une règle de silence, et suggèrent de renouveler la période si le silence est rompu. En tout cas, on promet aux parents qui utilisent cette méthode des résultats rapides et faciles à obtenir.
Le Time-Out découle du mouvement behavioriste basé sur les travaux du psychologue B.F. Skinner. Sa théorie du conditionnement opérant affirme que les enfants se comporteront d’une certaine manière s’ils reçoivent pour cela des récompenses (« renforcement positif »), et que les comportements indésirables peuvent être réduits en retirant une récompense ou en provoquant une souffrance (les deux étant appelés « punition »). Skinner lui-même pensait que toute forme de punition est un moyen déconseillé de contrôler le comportement des enfants1. Pourtant, alors que la fessée décline aux Etats-Unis, le retrait d’affection et d’attention continue à être considéré comme un moyen acceptable de contrôler les enfants.
Le Time-Out découle du mouvement behavioriste basé sur les travaux du psychologue B.F. Skinner. Sa théorie du conditionnement opérant affirme que les enfants se comporteront d’une certaine manière s’ils reçoivent pour cela des récompenses (« renforcement positif »), et que les comportements indésirables peuvent être réduits en retirant une récompense ou en provoquant une souffrance (les deux étant appelés « punition »). Skinner lui-même pensait que toute forme de punition est un moyen déconseillé de contrôler le comportement des enfants1. Pourtant, alors que la fessée décline aux Etats-Unis, le retrait d’affection et d’attention continue à être considéré comme un moyen acceptable de contrôler les enfants.
Ce qui se cache sous les apparences
Utiliser la mise à l’écart temporaire apparaît moins blessant que de taper, fesser ou hurler, parce que cela n’implique pas d’abus physique ou verbal. Pour ces raisons, on peut même penser qu’elle représente une amélioration certaine dans nos efforts permanents visant à rendre ce monde meilleur pour les enfants. Cependant, selon plusieurs éducateurs et psychologues, la mise à l’écart temporaire n’est pas aussi innocente qu’elle ne le semble, et elle est au demeurant une manière émotionnellement nocive de discipliner les enfants. Précisément, la National Association for the Education of Young Children inclut le recours à la mise à l’écart temporaire dans sa liste des mesures disciplinaires nocives, au même titre que les punitions physiques, les critiques, les reproches et les humiliations2.
En dépit des apparences, la mise à l’écart temporaire est une approche autoritaire, et, en tant que telle, elle ne peut fonctionner qu’avec des enfants entraînés à composer avec le pouvoir et l’autorité des adultes. Les enfants entraînés à se conformer à de telles mesures savent que les conséquences de la désobéissance sont pires que celles liées au fait d’adhérer aux injonctions. Les enfants qui n’ont pas été élevés dans un environnement autoritaire refuseront très certainement d’aller dans une autre pièce ou de s’asseoir sur une chaise.
Comment les enfants apprennent-ils les conséquences de la désobéissance ? Ceux qui proposent la mise à l’écart temporaire conseillent aux parents de retirer les privilèges tels que la télé, les jouets, la musique etc. jusqu’à avoir acquis la docilité. Il y a toujours la menace d’une privation ou d’une plus grande pénalité. Dans certaines familles, il y a même une menace de violence non verbalisée. Bien que la méthode semble assez innocente, elle nécessite un passé d’autoritarisme punitif pour produire des enfants suffisamment dociles pour obéir.
Ceux qui proposent la mise à l’écart temporaire affirment qu’il ne s’agit pas d’une forme de punition. Ils utilisent des termes tels que « conséquences », « temps de renouvellement », ou « temps de retour au calme » pour faire apparaître bénigne cette approche. Le terme « mise à l’écart temporaire » lui-même a une agréable connotation sportive qui évoque les pauses bien méritées dont les athlètes bénéficient. Malheureusement, cette terminologie non menaçante a induit les parents en erreur en les laissant penser que cette approche est sans danger.
Du point de vue de l’enfant, la mise à l’écart temporaire est clairement considérée comme une punition. Qui aime être isolé du groupe et totalement ignoré ? Il est assez vraisemblable que l’enfant perçoive cette forme d’isolement comme un abandon et une perte d’affection. Et, même si les parents sont souvent attentifs à renforcer l’assurance de leur amour et à faire la distinction entre l’enfant et le comportement inadmissible (« Je t’aime, mais j’ai besoin que tu ailles dans ta chambre pendant cinq minutes parce que ce que tu as fait est inacceptable »), leurs actes parlent plus fort que leurs mots.
Les enfants de moins de sept ans ne sont tout simplement pas capables d’interpréter les mots de la même manière qu’un adulte3. L’expérience concrète et les perceptions de la réalité ont beaucoup plus d’impact que la parole. Être isolé et ignoré est interprété comme « Personne ne veut être avec moi là maintenant. Donc je dois être mauvais et pas aimable. », et aucun mot d’amour, pourtant sincère, ne peut empêcher ce sentiment de rejet.
Rien n’est plus effrayant pour un enfant que le retrait d’amour. Avec la terreur vient l’insécurité, l’anxiété, la confusion, la colère, le ressentiment et la baisse de l’estime de soi. La mise à l’écart temporaire produit aussi de l’embarras et de l’humiliation, spécialement quand elle est utilisée en présence d’autres enfants. Au royaume des expériences enfantines, la mise à l’écart temporaire n’est rien de plus qu’une punition.
Les sentiments douloureux sont une chose ; les informations transmises à propos des relations humaines en sont une autre. Quel message transmettons-nous à nos enfants en leur démontrant que l’amour et l’attention sont des marchandises qu’on distribue ou que l’on retient dans le but de contrôler les autres ? Est-ce un schéma de résolution de conflit qui leur sera utile ? Quelle influence cela aura-t-il sur leur capacité à interagir avec leurs amis, et un jour avec leur conjoint ou leurs collègues ? Ne serait-il pas mieux d’apprendre aux enfants des schémas de résolution de conflit corrects dès le départ, plutôt que de transmettre le message que le seul moyen de résoudre les conflits est de couper la communication ?
Bien que le problème avec la mise à l’écart temporaire soit pour une grande part invisible, un aspect est cependant évident : à un certain point, cela cesse de fonctionner. Ceux qui proposent cette approche admettent qu’elle est efficace seulement jusqu’à environ neuf ans. Pouvez-vous vous imaginer en train d’obliger votre adolescent, peut-être plus grand que vous, de s’asseoir sur une chaise pendant que vous l’ignorerez ? Les ados qui ont un certain sens de leur propre valeur rigoleront face à un tel ordre. La version pour adolescent de la mise à l’écart temporaire, c’est la pratique de « l’interdiction de vol » qui les prive de sorties le week-end ou en soirée. Mais cette méthode ne mène qu’au ressentiment, à la résistance et au mensonge.
En fait, toutes méthodes basées sur le pouvoir et l’autoritarisme doivent en définitive être abandonnées simplement parce que les parents finissent par perdre le pouvoir4. Les parents d’ados se retrouvent face à un panel de difficultés entièrement nouveau quand leurs méthodes de contrôle habituelles se révèlent totalement inefficaces. Les parents qui adoptent des méthodes non autoritaires dès le début, à l’inverse, sont capables de prévenir les luttes de pouvoir, aussi bien que les problèmes de discipline qui arrivent si souvent avec l’adolescence.
En dépit des apparences, la mise à l’écart temporaire est une approche autoritaire, et, en tant que telle, elle ne peut fonctionner qu’avec des enfants entraînés à composer avec le pouvoir et l’autorité des adultes. Les enfants entraînés à se conformer à de telles mesures savent que les conséquences de la désobéissance sont pires que celles liées au fait d’adhérer aux injonctions. Les enfants qui n’ont pas été élevés dans un environnement autoritaire refuseront très certainement d’aller dans une autre pièce ou de s’asseoir sur une chaise.
Comment les enfants apprennent-ils les conséquences de la désobéissance ? Ceux qui proposent la mise à l’écart temporaire conseillent aux parents de retirer les privilèges tels que la télé, les jouets, la musique etc. jusqu’à avoir acquis la docilité. Il y a toujours la menace d’une privation ou d’une plus grande pénalité. Dans certaines familles, il y a même une menace de violence non verbalisée. Bien que la méthode semble assez innocente, elle nécessite un passé d’autoritarisme punitif pour produire des enfants suffisamment dociles pour obéir.
Ceux qui proposent la mise à l’écart temporaire affirment qu’il ne s’agit pas d’une forme de punition. Ils utilisent des termes tels que « conséquences », « temps de renouvellement », ou « temps de retour au calme » pour faire apparaître bénigne cette approche. Le terme « mise à l’écart temporaire » lui-même a une agréable connotation sportive qui évoque les pauses bien méritées dont les athlètes bénéficient. Malheureusement, cette terminologie non menaçante a induit les parents en erreur en les laissant penser que cette approche est sans danger.
Du point de vue de l’enfant, la mise à l’écart temporaire est clairement considérée comme une punition. Qui aime être isolé du groupe et totalement ignoré ? Il est assez vraisemblable que l’enfant perçoive cette forme d’isolement comme un abandon et une perte d’affection. Et, même si les parents sont souvent attentifs à renforcer l’assurance de leur amour et à faire la distinction entre l’enfant et le comportement inadmissible (« Je t’aime, mais j’ai besoin que tu ailles dans ta chambre pendant cinq minutes parce que ce que tu as fait est inacceptable »), leurs actes parlent plus fort que leurs mots.
Les enfants de moins de sept ans ne sont tout simplement pas capables d’interpréter les mots de la même manière qu’un adulte3. L’expérience concrète et les perceptions de la réalité ont beaucoup plus d’impact que la parole. Être isolé et ignoré est interprété comme « Personne ne veut être avec moi là maintenant. Donc je dois être mauvais et pas aimable. », et aucun mot d’amour, pourtant sincère, ne peut empêcher ce sentiment de rejet.
Rien n’est plus effrayant pour un enfant que le retrait d’amour. Avec la terreur vient l’insécurité, l’anxiété, la confusion, la colère, le ressentiment et la baisse de l’estime de soi. La mise à l’écart temporaire produit aussi de l’embarras et de l’humiliation, spécialement quand elle est utilisée en présence d’autres enfants. Au royaume des expériences enfantines, la mise à l’écart temporaire n’est rien de plus qu’une punition.
Les sentiments douloureux sont une chose ; les informations transmises à propos des relations humaines en sont une autre. Quel message transmettons-nous à nos enfants en leur démontrant que l’amour et l’attention sont des marchandises qu’on distribue ou que l’on retient dans le but de contrôler les autres ? Est-ce un schéma de résolution de conflit qui leur sera utile ? Quelle influence cela aura-t-il sur leur capacité à interagir avec leurs amis, et un jour avec leur conjoint ou leurs collègues ? Ne serait-il pas mieux d’apprendre aux enfants des schémas de résolution de conflit corrects dès le départ, plutôt que de transmettre le message que le seul moyen de résoudre les conflits est de couper la communication ?
Bien que le problème avec la mise à l’écart temporaire soit pour une grande part invisible, un aspect est cependant évident : à un certain point, cela cesse de fonctionner. Ceux qui proposent cette approche admettent qu’elle est efficace seulement jusqu’à environ neuf ans. Pouvez-vous vous imaginer en train d’obliger votre adolescent, peut-être plus grand que vous, de s’asseoir sur une chaise pendant que vous l’ignorerez ? Les ados qui ont un certain sens de leur propre valeur rigoleront face à un tel ordre. La version pour adolescent de la mise à l’écart temporaire, c’est la pratique de « l’interdiction de vol » qui les prive de sorties le week-end ou en soirée. Mais cette méthode ne mène qu’au ressentiment, à la résistance et au mensonge.
En fait, toutes méthodes basées sur le pouvoir et l’autoritarisme doivent en définitive être abandonnées simplement parce que les parents finissent par perdre le pouvoir4. Les parents d’ados se retrouvent face à un panel de difficultés entièrement nouveau quand leurs méthodes de contrôle habituelles se révèlent totalement inefficaces. Les parents qui adoptent des méthodes non autoritaires dès le début, à l’inverse, sont capables de prévenir les luttes de pouvoir, aussi bien que les problèmes de discipline qui arrivent si souvent avec l’adolescence.
Les conséquences cachées
L’usage de la mise à l’écart temporaire amène toute une série de problèmes cachés. Tout d’abord, lorsque l’on impose une mise à l’écart aux enfants qui pleurent ou qui sont en rage, ils reçoivent comme message que l’on ne veut pas être près d’eux quand ils sont bouleversés. Ayant la certitude que nous ne les entendrons pas, ils pourraient cesser rapidement de nous parler de leurs problèmes.
De plus, les enfants pourraient alors apprendre à réprimer leurs émotions, en particulier si nous insistons sur des mises à l’écart en silence. Avons-nous oublié que pleurer et se mettre en rage sont de sains mécanismes d’évacuation de la tension qui aident à soulager tristesse et frustration ? 5, 6, 7 Ignorons-nous que la recherche démontre que les hormones du stress sont sécrétées par les larmes, rendant ainsi possible la réduction des effets du stress et la restauration de l’équilibre chimique du corps ? 8 En apprenant à nos enfants à réprimer leurs larmes, nous accroissons en fait leur prédisposition à nombre de déséquilibres émotionnels et physiques. La psychothérapeute suisse, Dr Alice Miller, a écrit que l’une des choses les plus dévastatrices que l’on puisse faire aux enfants est de leur dénier la liberté d’exprimer leur colère et leur souffrance 9.
Un autre problème, c’est que l’usage de la mise à l’écart temporaire ne s’adresse pas à la cause sous-jacente du « comportement inadapté ». Les enfants ont de tels comportements pour de bonnes raisons, même s’ils n’en sont pas conscients. On peut expliquer la plupart des comportements indésirables par l’un de ces trois facteurs : l’enfant essaye de satisfaire un besoin légitime, l’enfant manque d’information ou bien est trop jeune pour comprendre, ou l’enfant est bouleversé (frustré, triste, terrifié, perdu, jaloux ou non sécurisé) 10 Quand nous essayons de changer un comportement sans s’adresser à ces émotions et besoins, nous n’aidons pas beaucoup nos enfants. Pourquoi ? Parce que le problème sous-jacent sera toujours là. Apprendre à nos enfants à se conformer à nos désirs ne résout pas les problèmes de fond.
Par exemple, des frères et soeurs qui sont répétitivement séparés et envoyés dans leur chambre quand ils se bagarrent peuvent à la longue apprendre à ne plus se battre devant leurs parents. Cependant, leurs sentiments de jalousie et de haine non résolus peuvent en venir à s’exprimer de manière détournée, ou ils peuvent même emporter leur problème jusqu’à l’âge adulte. Effacer les symptômes d’un problème ne résout pas le problème.
Les parents ont été amenés à croire que les enfants utiliseront le temps de la mise à l’écart pour réfléchir à ce qu’ils ont fait et pour regagner un minimum de self-contrôle. En réalité, quand les enfants agissent de manière inappropriée, agressive, ou insupportable, c’est souvent entretiennent des émotions refoulées tellement fortes et qu’ils sont incapables de penser clairement à leur comportement. Une écoute attentive qui encourage l’expression sincère des émotions est une aide bien plus efficace que l’isolement. Le soulagement sain que procure la parole, les pleurs et la fureur peut même prévenir la répétition des comportements non souhaités.
Entourer les enfants qui tapent ou mordent est bien plus efficace que de les isoler. Une étreinte ferme mais aimante crée de la sécurité et de la chaleur tout en protégeant les autres enfants de la violence. Cela invite aussi à l’expression d’émotions sincères (à travers les pleurs et la fureur) tout en rassurant l’enfant sur le lien indestructible qui existe entre lui et ses parents 10. C’est paradoxal mais cependant vrai : c’est lorsqu’ils semblent en mériter le moins que les enfants ont le plus besoin d’amour et d’attention. Dire à un enfant violent de s’asseoir en silence a rarement produit d’effet constructif et contribue seulement à augmenter sa colère refoulée et son sentiment de séparation.
Il n’est pas nécessaire d’isoler les enfants et de leur retirer notre amour pour leur apprendre comment se « tenir ». En fait, il est complètement possible d’aider un enfant à coopérer et à être un partenaire social décent sans jamais en venir aux punitions, récompenses, ou toute autre conséquence artificielle quelle qu’elle soit. Aucune méthode rapide et facile ne résoudra chaque conflit. A la place, nous devons considérer chaque situation comme l’occasion unique qu’elle est, et essayer d’être souples et créatifs, tout en continuant à donner à nos enfants l’amour et le respect qu’ils méritent.
De plus, les enfants pourraient alors apprendre à réprimer leurs émotions, en particulier si nous insistons sur des mises à l’écart en silence. Avons-nous oublié que pleurer et se mettre en rage sont de sains mécanismes d’évacuation de la tension qui aident à soulager tristesse et frustration ? 5, 6, 7 Ignorons-nous que la recherche démontre que les hormones du stress sont sécrétées par les larmes, rendant ainsi possible la réduction des effets du stress et la restauration de l’équilibre chimique du corps ? 8 En apprenant à nos enfants à réprimer leurs larmes, nous accroissons en fait leur prédisposition à nombre de déséquilibres émotionnels et physiques. La psychothérapeute suisse, Dr Alice Miller, a écrit que l’une des choses les plus dévastatrices que l’on puisse faire aux enfants est de leur dénier la liberté d’exprimer leur colère et leur souffrance 9.
Un autre problème, c’est que l’usage de la mise à l’écart temporaire ne s’adresse pas à la cause sous-jacente du « comportement inadapté ». Les enfants ont de tels comportements pour de bonnes raisons, même s’ils n’en sont pas conscients. On peut expliquer la plupart des comportements indésirables par l’un de ces trois facteurs : l’enfant essaye de satisfaire un besoin légitime, l’enfant manque d’information ou bien est trop jeune pour comprendre, ou l’enfant est bouleversé (frustré, triste, terrifié, perdu, jaloux ou non sécurisé) 10 Quand nous essayons de changer un comportement sans s’adresser à ces émotions et besoins, nous n’aidons pas beaucoup nos enfants. Pourquoi ? Parce que le problème sous-jacent sera toujours là. Apprendre à nos enfants à se conformer à nos désirs ne résout pas les problèmes de fond.
Par exemple, des frères et soeurs qui sont répétitivement séparés et envoyés dans leur chambre quand ils se bagarrent peuvent à la longue apprendre à ne plus se battre devant leurs parents. Cependant, leurs sentiments de jalousie et de haine non résolus peuvent en venir à s’exprimer de manière détournée, ou ils peuvent même emporter leur problème jusqu’à l’âge adulte. Effacer les symptômes d’un problème ne résout pas le problème.
Les parents ont été amenés à croire que les enfants utiliseront le temps de la mise à l’écart pour réfléchir à ce qu’ils ont fait et pour regagner un minimum de self-contrôle. En réalité, quand les enfants agissent de manière inappropriée, agressive, ou insupportable, c’est souvent entretiennent des émotions refoulées tellement fortes et qu’ils sont incapables de penser clairement à leur comportement. Une écoute attentive qui encourage l’expression sincère des émotions est une aide bien plus efficace que l’isolement. Le soulagement sain que procure la parole, les pleurs et la fureur peut même prévenir la répétition des comportements non souhaités.
Entourer les enfants qui tapent ou mordent est bien plus efficace que de les isoler. Une étreinte ferme mais aimante crée de la sécurité et de la chaleur tout en protégeant les autres enfants de la violence. Cela invite aussi à l’expression d’émotions sincères (à travers les pleurs et la fureur) tout en rassurant l’enfant sur le lien indestructible qui existe entre lui et ses parents 10. C’est paradoxal mais cependant vrai : c’est lorsqu’ils semblent en mériter le moins que les enfants ont le plus besoin d’amour et d’attention. Dire à un enfant violent de s’asseoir en silence a rarement produit d’effet constructif et contribue seulement à augmenter sa colère refoulée et son sentiment de séparation.
Il n’est pas nécessaire d’isoler les enfants et de leur retirer notre amour pour leur apprendre comment se « tenir ». En fait, il est complètement possible d’aider un enfant à coopérer et à être un partenaire social décent sans jamais en venir aux punitions, récompenses, ou toute autre conséquence artificielle quelle qu’elle soit. Aucune méthode rapide et facile ne résoudra chaque conflit. A la place, nous devons considérer chaque situation comme l’occasion unique qu’elle est, et essayer d’être souples et créatifs, tout en continuant à donner à nos enfants l’amour et le respect qu’ils méritent.
Notes :
1. Robert D. Nye, "B.F. Skinner and Radical Behaviorism," Three Views of Man (Belmont, CA: Wadsworth Publishing Company, Inc., 1975), p. 51
2. "Avoiding 'Me Against You' Discipline," Young Children, Vol. 44, No. 1. (Washington DC: National Association for the Education of Young Children, November 1988), p. 27.
3. Jerome S. Bruner, "The Course of Cognitive Growth," American Psychologist 19 (1964), pp. 1-15.
4. Thomas Gordon, Parent Effectiveness Training (Three Rivers Press, 2000), pp. 193-194. Titre français: Parents Efficaces (éd. Marabout/Hachette, 2007).
5. Aletha J. Solter, The Aware Baby (Goleta, CA: Shining Star Press, 2001), pp. 39-41. Titre français: Mon bébé comprend tout (éd. Marabout/Hachette, 1998).
6. Aletha J. Solter, Helping Young Children Flourish (Goleta, CA: Shining Star Press, 1989), pp. 5-9. Titre français: Bien comprendre les besoins de votre enfant (éd. Jouvence, 2007).
7. Aletha J. Solter, Tears and Tantrums (Goleta, CA: Shining Star Press, 1998), pp. 13-32. Titre français: Pleurs et colères des enfants et des bébés. (éd. Jouvence, 1999).
8. William H. Frey II, and Muriel Langseth, Crying: the Mystery of Tears, (Minneapolis: Winston Press, 1985), pp. 45-58.
9. Alice Miller, For Your Own Good: Hidden Cruelty in Child-Rearing and the Roots of Violence, (New York: Farrar, Straus, Giroux), pp. 106, 259. Titre français: C’est pour ton bien (éd. Aubier Montaigne, 1998).
10. Martha G. Welch, Holding Time (New York: Simon and Schuster, Inc., 1988), pp. 42-43.
Aletha Solter est une psychologue suisse/américaine qui habite en Californie. Conférencière internationale et fondatrice de l'Institut d'Education Consciente (The Aware Parenting Institute, www.awareparenting.com), elle est reconnue pour son travail au sujet du développement émotionnel et de l’éducation des enfants. Trois de ses livres ont été traduits en français, notamment Mon bébé comprend tout (éd. Marabout), Bien comprendre les besoins de votre enfant (éd. Jouvence), et Pleurs et colères des enfants et des bébés (éd. Jouvence).