Soyez ravis par vos enfants!

Le baby-blues, choc hormonal?


(Ce message fait partie d'une discussion qui a eu lieu sur la liste "parents conscients".)

Ma théorie à moi sur cette histoire de "baby-blues", de "dépression post-partum" est un peu différente...

Je reprends les choses d'un peu loin, mais vous allez comprendre ;-)

Quand l'Homme (enfin le préhistorique) s'est redressé, le bassin des femelles s'est modifié et du coup il était trop étroit pour que le Petit puisse en sortir avec le gros crâne qu'il avait toujours eu jusqu'alors. Ben oui, elle était grosse sa tête: un petit mammifère qui naît, le plus souvent, il est "fini" dans le sens ou en quelques heures, il est capable se déplacer et d'aller téter sa mère tout seul. Ok?
Bon, du coup, les Petits ont du naître "avant" la fin , pour être moins gros et réussir à sortir. C'est pour cela qu'on considère le petit d'Homme comme "prématuré". Il n'est pas suffisament "équipé" pour réguler sa température tout seul, se rendre près de sa source de nourriture.... Il a donc BESOIN d'être tenu pour être réchauffé, il a BESOIN de la stimulation peau-à-peau, il a BESOIN d'avoir le lait à portée de bouche en quasi permanence etc, etc.
Dans nos circuits imprimés, façonnés par des millions d'années d'évolution, est donc inscrite, l'ATTENTE de ce contact protecteur, nourricier, intense et profond.... du côté du bébé ET
du côté de la mère.
L'espèce humaine n'aurait pas survécu si on n'avait pas été dotés de cet instinct d'attachement.
Cette attente est donc "programmée" dans le cerveau d'une mère (et celui du bébé)...
Le "pilote automatique" n'opère pas seulement dans les premiers instants après la naissance, mais pendant plusieurs semaines voire mois...
Si cette "attente" inscrite au plus profond ne trouve pas d'écho/d'objet... c'est à dire:
Si une mère ne *sent* pas son nouveau-né contre elle, ne sent pas la température de sa peau, ne le sent pas bouger, chercher le sein, manifester ses besoin etc... c'est qu'il y a un GROS problème (ce qui génère un stress)
Pour son cerveau, il ne peut y avoir qu'une seule raison possible à cette ABSENCE de ressenti physique: c'est que son bébé est mort.

C'est une histoire de stimulus et de réponse...
S'il manque des réponses qui lui confirment que son enfant est vivant, alors, dans son cerveau, se met en branle un mécanisme de deuil de cet enfant....

... suivi d'un état dépressif...


A mon très humble avis, moins la mère a eu l'opportunité de sentir son bébé (si possible nu) dans ses bras, moins elle l'a senti chercher le sein, moins elle l'a touché, reniflé, caressé, porté,
moins elle lui a parlé.... moins ces BESOINS ont été comblés, moins il y a de chances que son cerveau ait reçu tous les indices lui confirmant que ce bébé était bien vivant et que l'attachement pouvait se faire "à fond".
S'il manque une pièce au puzzle, un épisode dans le scénario, c'est comme s'il restait quelque chose en suspens, une "partie du bébé" qui n'est pas là (car pas sentie)... dont il faut faire le deuil....

Donc, plus il y a eu de gens, de mains qui se sont mises entre la mère et l'enfant, plus l'enfant et la mère ont été séparés, plus on aura perturbé le scénario qui a mis des millions d'années à
s'inscrire dans nos circuits.... plus grandes sont les chances d'une "dépression post-partum".

Cette "théorie" n'est pas de moi, mais elle est en grande partie inspirée de la théorie de l'attachement. Il y a eu une discussion très intéressante sur la liste TCC à ce sujet il y a qqs temps. Des femmes qui avaient eu des accouchements qu'on pourrait qualifier de plus "soft" que la moyenne, parlaient de leurs difficultés à faire face, à se réjouir, à se sentir liées à leur enfant etc etc...
Elles avaient vécu une sorte de baby blues mais n'osaient pas en parler, n'osaient pas se plaindre, elles qui avaient eu "la chance" d'accoucher selon leurs souhaits.
Ces femmes racontaient qu'elles avaient eu une naissance "sans violence" (dans le sens où elles avaient choisi la position, n'avaient pas été stressées par la technique et les procédures
intrusives, par un environnement étranger etc...) "soft" donc, mais que la "violence", elle était apparue plus tard, dans le fait que d'*autres* avaient pris l'enfant dans leurs bras, trop tôt, ou trop longtemps (en tout cas avant qu'*elles* n'aient eu LEUR dose), dans le fait que d'autres avaient habillé, manipulé, baigné leur enfant avant qu'elles n'aient pu, *elles*, assouvir leur besoin de le serrer contre elles, de le regarder, de le respirer, de l'avoir près d'elles en toute
intimité, le temps qu'elles désiraient etc etc etc...
Toutes relataient le "manque" ressenti (même si ce non-contact n'avait duré que 2 minutes).

Je suis convaincue que ce besoin de contact non-stop ne se limite pas qu'aux premiers instants de la vie du nouveau-né.

On devrait foutre la paix aux femmes et aux bébés!!! Vraiment! Elles devraient être soutenues et déchargées de tout autre tâche! Et surtout pas gavées de conseils du genre "vous devez vous reposer maintenant", "ne prenez pas le bébé avec vous" ou "ne répondez pas à tous ses pleurs" ou "ne lui donnez pas le sein chaque fois qu'il réclame" etc etc....blablablablabla


Bon maintenant voilà mon histoire personnelle.

Mon premier accouchement était à la maison. On était juste mon mari, la sage-femme et moi. Tout s'est fait à mon rythme, notre fille est restée près de nous très longtemps, on l'a regardée pendant des heures. Elle n'a pas été baignée la première semaine. C'est son papa qui l'a
mesurée, pesée, habillée. J'avais interdit toute visite à la famille, les prévenant qu'on les appellerait quand on serait prêts. Je voulais qu'on ait l'espace et le temps de faire connaissance et de nous sentir une famille avant de "s'exposer" au monde. Je ne regrette pas d'avoir organisé cette espèce de retraite, ce moment sacré où personne ne pouvait interférer... il aurait même pu être plus long ;-) Ça m'a manqué lors des 2 autres naissances qui ont suivi :(

Mon troisième accouchement s'est aussi déroulé à la maison. Notre fiston est né avec les mains sur le front et le cordon autour du cou. Ça a été difficile pour lui. Il était tout bleu et n'a pas respiré tout de suite. Dans d'autres circonstances (hôpital), on me l'aurait tout de suite enlevé pour le sonder, l'oxygéner, le mettre sous la lampe chauffante etc etc .... Là, je n'ai pas eu peur... nous l'avons frictionné, massé... un peu comme une maman chat lèche ses petits vigoureusement pour lancer le réflexe de la première inspiration... Je ne regrette rien. Je suis même très heureuse d'avoir eu l'occasion de me sentir aussi nécessaire et capable.
J'avais une entière confiance en la sage-femme qui de toute façon avait le matériel nécessaire pour intervenir si besoin. Je lui suis infiniment reconnaissante d'avoir gardé sa place à ce moment là :)
Il n'y a que le pédiatre que nous sommes allés voir qui nous a fait un caca nerveux parce qu'apparemment le bébé avait perdu "trop" de poids en 2-3 jours ??? Le premier jour, il n'avait presque pas tété, le deuxième il avait surtout dormi, il avait "fait" son méconium et pour finir ce n'était pas la même balance utilisée, alors la comparaison, hum hum... enfin.... ce pov' pédiatre me fait la leçon et me dit qu'il faut lui donner un complément, que c'est "OK de lui
donner du lait indus", je dis "niet", il répond "de l'eau sucrée alors!" et le voilà reparti à me faire la morale... Si j'avais été sans info et sans expérience, il m'aurait flingué mon allaitement :(

Pas de problème pour moi après ces deux naissances.

Mon deuxième accouchement, pour ma seconde fille donc, c'était dans une clinique privée car il n'y avait pas de sages-femmes libérales là où nous vivions. J'avais quand même trouvé une gynéco fan de Michel Odent qui m'avait permis d'avoir un accouchement comme je voulais... Ça avait un peu cafouillé au début car mon mari avait du s'absenter à cause de la paperasserie... La première chambre était bruyante, remplie de matériel "au cas où"... On a tout changé :-P J'avais emmené mon polochon, mon ballon, ma petite lumière, mon petit miroir, ma
musique, mes bougies, ma bouffe, ma tisane, mon tshirt et mes chaussettes fétiches, lol, bref, j'avais essayé de créer un peu une ambiance....
J'accouche en accroupi-suspendu, j'orgasme :) la minette naît, tout se passe à merveille (sauf que le lit est franchement étroit pour y loger tous les 3).... jusqu'à ce que le pédiatre en ait marre de se faire envoyer bouler et "réclame" "sa part". Il faisait déjà sérieusement la gueule parce que Rosa avait noté l'Apgar dans le dossier... bref, petits conflits d'autorité quoi :(((( qui plombent un peu l'atmosphère...

Le danger s'est matérialisé dans ce bonhomme et au moment même où j'ai *remis* mon enfant et qu'*ils* l'ont emmené, quelque chose s'est cassé. Ce n'est pas le papa qui l'a prise, il n'a pas pu la toucher de tout le protocole. Dès qu'ils sont revenus, j'ai senti que qqch clochait. Quand il m'a raconté que, contre mes instructions, ils l'avaient baignée, sans ménagement d'ailleurs, l'avaient laissée seule, hurlante, tout un moment sur la paillasse avec la lumière vive, qu'il n'avait pu ni la huiler (plus pratique pour enlever le méconium), ni même la sécher ou l'habiller lui-même, je me suis sentie trahie.... Oui, dans ma tête, je confiais ma fille à mon mari qui devait me "remplacer", me "représenter" mais il n'a pas "défendu" le bébé comme je l'aurais fait. Je lui avais fait confiance, je pensais qu'il y aurait les mêmes gestes que pour notre premier enfant et je découvrais qu'il n'avait pas été "à la hauteur", ne s'était pas suffisament affirmé contre pédiatre et infirmières. J'ai été en colère très longtemps.
Je pense très sincèrement que la routine hospitalière est très dangereuse, particulièrement pour les jeunes couples car elle crée des situations qui n'ont pas lieu d'être... Cette situation, artificielle, injustifiable, arbitraire... a laissé une cicatrice sur notre relation.... inutilement.... :(

On m'a *rendu* un bébé tout emmailloté... Mon mari a dormi sur une banquette fixe dans la chambre (vs. grand lit familial à la maison), il a fini par partir au petit matin pour aller à la maison se doucher, se changer, manger, amener la visite... je me suis sentie une deuxième fois abandonnée. Après, il y a eu la valse du personnel de l'hôpital, la solitude... bref, tout ce dont j'avais pu me protéger en restant à la maison la fois d'avant.
J'ai détesté.
J'étais trop en colère je pense, pour me concentrer sur ce petit bébe tout frais...
J'ai trouvé l'attente interminable. Les toubibs tardaient à passer pour donner leur aval... Je pense qu'afin d'éviter les conflits avec l'hôpital, ma gynéco avait du cédé à leur protocole car elle n'est revenue qu'en fin d'après-midi pour me laisser sortir. Mon mari a fait des allers-retours et n'a presque pas été la... Pour moi, ça a duré une éternité. J'aurais pété un plomb oui, si j'étais restée plus longtemps.
Je n'ai pas vraiment eu de "baby blues" après cette naissance mais les "séquelles" sont bien plus profondes qu'il n'y paraît. Je pleure encore cette première journée cauchemardesque, l'abandon (même court) de ma fille dans ses premières heures de vie et la confiance perdue dans mon homme, en sa capacité à veiller sur nous. Quelque chose a été cassé. En allant même un peu plus loin, je crois je c'est à cause de cet épisode mal ficelé que j'ai pu me détacher d'elle aussi "facilement" et la sevrer beaucoup trop tôt...
Un peu trop de pression, pas assez de soutien, et hop, j'ai cédé...
Comme si de toute façon, je l'avais déjà "sacrifiée" une fois...alors, une fois de plus ou de moins... :(((

Alors le baby-blues? Un crash hormonal? Une angoisse? Oui, sûrement... déclenchés par la non-expression du programme d'attachement prévu par Mère Nature. On intervient trop. On bousille le mécanisme, on bousille des relations!...



Rédigé par n. le Dimanche 23 Janvier 2005 à 00:00 | Lu 4418 fois