La chasse : le sujet qui fâche

Les chasseurs, ce sont 1 250 000 personnes qui font valider leur permis chaque année. Ils ont 50 ans de moyenne d’âge et résident à 90% dans des communes de moins de 2 000 habitants. Ils sont issus pour la grande majorité du monde ouvrier et revendiquent la chasse comme une « activité populaire ». Ils sont convoités par les partis de droite comme de gauche et largement représentés sur la scène politique par des groupes constitués, à l'Assemblée nationale et au Sénat. Enfin, ils défendent leurs intérêts auprès des instances de l'Union européenne par le biais de la FACE, fédération regroupant près de 7 millions de chasseurs européens. On peut l'affirmer sans euphémisme : les chasseurs sont puissants ! Seule ombre au tableau : les chasseurs ont échoué dans la constitution d'un parti politique propre, défenseur exclusif de leurs intérêts. « Le CPNT [Chasse Pêche Nature Traditions] ne joue plus qu'un rôle mineur aujourd'hui. Il est quasiment mort », assure Thierry Coste, conseiller politique de la Fédération nationale des chasseurs (FNC).

Aujourd’hui, la caricature du quinquagénaire macho et ivrogne est dépassée : les femmes sont de plus en plus nombreuses et au demeurant organisées. En témoigne l’association « La chasse au féminin » créée par Martine Pion, infirmière libérale de 47 ans résidant dans la baie de Somme. « Nous souhaitions créer une dynamique féminine favorable à la chasse, c’est-à-dire véhiculer de nouvelles idées ainsi qu’une image positive de notre passion », raconte la chasseresse. Pari gagné, puisque forte d’une association de 800 membres, Martine crée des émules chez ses camarades, toujours plus nombreuses à chasser et à s’investir dans les fédérations départementales. Les femmes représentent aujourd’hui 6% des chasseurs. Et n’en déplaise à leurs homologues masculins, elles obtiennent de meilleurs résultats à l’examen du permis de chasser ! Mais dans la Somme, pas question de faire bande à part : hommes et femmes chassent ensemble leur proie préférée étant le gibier d’eau.

Ensemble, ils tentent aussi de transmettre leur passion à leurs enfants. « La pérennité de la chasse, c’est l’objectif de tous les chasseurs », certifie Martine Pion. Mais entre les fêtes, les jeux vidéos et Internet, les jeunes s’adonnent à d’autres loisirs. Alors, comment résorber la baisse constante du nombre de chasseurs, à savoir une perte de 40% des effectifs en 20 ans ? Les chasseurs ont opté pour la chasse accompagnée. « Ce sont 2 500 à 3 000 jeunes qui peuvent chasser gratuitement, durant une année, aux côtés de leur parrain », précise Christian Fertet, responsable des examens du permis de chasser. Du reste, les associations de jeunes chasseurs ne manquent pas et recrutent activement.

Quels qu’ils soient, hommes, femmes et jeunes chasseurs sont sous le coup de la même législation. La chasse est régie par la nouvelle loi « relative au développement des territoires ruraux » du 23 février 2005, complétant la loi « Chasse » de 2000. « L’objectif est de simplifier les relations entre chasseurs et instances dirigeantes. La chasse devient plus accessible car les règlements sont plus compréhensibles », explique Éric Dion, membre de la direction de la police à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Et de préciser : « Cette nouvelle loi ne favorise cependant pas les chasseurs dans la mesure où le permis de chasser reste un filtre important ».

Depuis 2003, le permis de chasser a été renforcé par l’ajout d’une épreuve pratique à l’examen théorique (400 questions concernant le tir et la sécurité mais aussi la connaissance des espèces. Le taux de réussite s’élève toutefois à 75%, soit 20 000 candidats reçus en 2005. « Pour la première fois depuis 20 ans, le nombre de nouveaux permis de chasser s’est stabilisé, marquant même une légère hausse », note Christian Fertet. Une fois le permis de chasser validé, les nouveaux chasseurs pourront acheter les armes tant convoitées en moyenne, un fusil de chasse et une carabine par personne.

Un permis de chasser trop sévère pour les chasseurs et trop laxiste pour les associations de protection des animaux. « Peut-on continuer à déplorer une trentaine de morts et 200 blessés graves par an à cause de la chasse ? On ne devrait pas pouvoir tenir une arme avec 2 grammes d’alcool par litre de sang ! Mais les chasseurs ne respectent rien car aucune sanction est prise à leur égard, qu’il s’agisse des tribunaux ou du gouvernement ! », s’insurge un guide de randonnée, membre de l’association Rassemblement anti-chasse (RAC). Ce à quoi Bernard Ruelle, oppose la « vrai éthique” des chasseurs : « Il faut savoir respecter le gibier à un moment donné. Nous ne sommes pas des exterminateurs ! », S’exclame cet agriculteur de 42 ans, président de l’Association communale de chasse agréée (ACCA) à Lanzac dans le Lot. Du reste, Bernard Ruelle (dont la chasse de prédilection est le sanglier), ne prélève, en tous et avec ses compagnons, que cinq ou six animaux par ans. « Le rôle du chasseur n’est pas de tirer sur tout ce qui bouge mais de prélever en fonction de l’écosystème », martèle t’il. Les faits divers nous prouvent, hélas, que si il existe de vrais passionnés, de trop nombreux excités occasionnent chaque année des dégâts considérables…