C’est dans une salle Pleyel quasi comble que s’est tenue l’entrée en musique majestueuse de Maurizio Pollini ce dimanche 25 janvier à Paris. Un programme alléchant invitait les parisiens endimanchés à franchir les portes de cette salle, il faut bien en convenir et le rappeler ici, o combien somptueuse : deux sonates de Beethoven, une sonate de Boulez.
La sonate n° 17 de Beethoven, fluide, claire, limpide et sobre, modeste comme une source qui jaillit pour la première fois. Le pianiste de la simplicité survole de ses mains presque gantées de velours des doiggts fuyant. Inactives, elle sont posées délicatement sur la cuisse du musicien. Parfois, elles lancent un silence qui semble rebondir simultanément sur otutes les parois de la salle de concert. Les incertitudes du compositeur n’existent plus, ce sont celles du piano, révélées par le musicien, qui se languissent et se tourmentent sous nos yeux. Au fond de notre cœur c’est un mélange de grâce italienne, de rigueur allemande et de folie romantique qui se noue. Jamais Pollini n’insiste pour dessiner une image, son trait de crayon est tout en suggestion par la caresse. Le silence se fait de plus en plus dans la salle, les toussotements de l’hiver ont enfin laissé place à l’admiration béate et attentive, à bout de souffle qui saisi chaque auditeur. Sous nos yeux, l’artiste embrasse toujours plus près son instrument, toujours plus doucement et magistralement.
Puis retentirent après quelques applaudissements fournis, les premières de l’Appasionata. Un feu qui fertilise se dévoile petit à petit, comme un bateau, ivre, pris de folie dans un océan déchaîné. C’est la passion qui glorifie, la musique qui transcende les courts instants où les notes volent dans l’air pour parvenir à nos tympans. C’est comme si les marteaux ne touchaient plus les cordes du piano, mais venaient faire vibrer les cordes, si sensibles, qui dorment au fond de nous. Ce n’est pas une lourdeur paasionée de la tristesse qui nous envahi dans le mouvement lent, mais bien une langueur opportune qui nous arrache une larme de joie, car face à une telle émotion, il ne nous reste que deux yeux pour laisser perler une larme. De plus en plus, comme cette musique qui se déroule en continu, Pollini jalouse son clavier, son lui-même qui est déjà trop lui. C’est un combat de géants où l’on ne sait plus si le maître est le clavier ou la pianiste, tellement les deux sont en harmonie et laissent une image de rage schizophrénique. Pourtant de rage, il n’y a que l’énergie bonificatrice qui nous propulse vers les sphères enchantées du rêve. Des mains qui changent et rechangent, qui s’échangent avec grâce et enchantement sur un tapis de neige immaculée, ce sont des chatons joyeux courant après les petits mulots des tourbes de la passion. Qui pursuit l’autre ? La musique n’est-elle pas en train de nous rattraper ? L’image surréaliste d’un homme courbé sur son plan de travail, les cheveux blancs et la nuque baissée semble pourtant signaler une défaite impromptue ; mais ce n’était qu’un leurre de notre imagination, c’est l’âme de la musique qui folâtre sous nos yeux et ne se laisse jamais rattraper. Car c’est bien cela, dans cette sonate qui est délirant ; les dialogues si intenses entre les deux mains, entre deux mesures, leur accord soudain qui vient trancher brutalement un débat intérieur.
La salle enthousiaste ne se lasse pas de féliciter cette prestation, quand, après l’entracte, c’est la musique de Boulez que nous explique Pollini. Plus aride au premier abord, elle nous pince pourtant de rêve et nous embaume. Les notes se mêlent, toujours aussi fluides et joueuses comme Pollini sait les faire chanter et danser. Rien n’y fait, les notes nous emporte vers un monde fantastique qu’il nous est libre d’imaginer, nous rappelant parfois au réel par quelque accord déchaîné qui soulève le pianiste de son fauteuil. Comble de joie, Pierre Boulez en personne est venu féliciter ce pianiste hors pair.
Ne passez pas à côté des prochains moments de bonheur que Pollini va nous offrir à Pleyel, rarement pianiste fut si magistral que cet après-midi, et ce n’est pas son âge qui est près de l’en arrêter.
La sonate n° 17 de Beethoven, fluide, claire, limpide et sobre, modeste comme une source qui jaillit pour la première fois. Le pianiste de la simplicité survole de ses mains presque gantées de velours des doiggts fuyant. Inactives, elle sont posées délicatement sur la cuisse du musicien. Parfois, elles lancent un silence qui semble rebondir simultanément sur otutes les parois de la salle de concert. Les incertitudes du compositeur n’existent plus, ce sont celles du piano, révélées par le musicien, qui se languissent et se tourmentent sous nos yeux. Au fond de notre cœur c’est un mélange de grâce italienne, de rigueur allemande et de folie romantique qui se noue. Jamais Pollini n’insiste pour dessiner une image, son trait de crayon est tout en suggestion par la caresse. Le silence se fait de plus en plus dans la salle, les toussotements de l’hiver ont enfin laissé place à l’admiration béate et attentive, à bout de souffle qui saisi chaque auditeur. Sous nos yeux, l’artiste embrasse toujours plus près son instrument, toujours plus doucement et magistralement.
Puis retentirent après quelques applaudissements fournis, les premières de l’Appasionata. Un feu qui fertilise se dévoile petit à petit, comme un bateau, ivre, pris de folie dans un océan déchaîné. C’est la passion qui glorifie, la musique qui transcende les courts instants où les notes volent dans l’air pour parvenir à nos tympans. C’est comme si les marteaux ne touchaient plus les cordes du piano, mais venaient faire vibrer les cordes, si sensibles, qui dorment au fond de nous. Ce n’est pas une lourdeur paasionée de la tristesse qui nous envahi dans le mouvement lent, mais bien une langueur opportune qui nous arrache une larme de joie, car face à une telle émotion, il ne nous reste que deux yeux pour laisser perler une larme. De plus en plus, comme cette musique qui se déroule en continu, Pollini jalouse son clavier, son lui-même qui est déjà trop lui. C’est un combat de géants où l’on ne sait plus si le maître est le clavier ou la pianiste, tellement les deux sont en harmonie et laissent une image de rage schizophrénique. Pourtant de rage, il n’y a que l’énergie bonificatrice qui nous propulse vers les sphères enchantées du rêve. Des mains qui changent et rechangent, qui s’échangent avec grâce et enchantement sur un tapis de neige immaculée, ce sont des chatons joyeux courant après les petits mulots des tourbes de la passion. Qui pursuit l’autre ? La musique n’est-elle pas en train de nous rattraper ? L’image surréaliste d’un homme courbé sur son plan de travail, les cheveux blancs et la nuque baissée semble pourtant signaler une défaite impromptue ; mais ce n’était qu’un leurre de notre imagination, c’est l’âme de la musique qui folâtre sous nos yeux et ne se laisse jamais rattraper. Car c’est bien cela, dans cette sonate qui est délirant ; les dialogues si intenses entre les deux mains, entre deux mesures, leur accord soudain qui vient trancher brutalement un débat intérieur.
La salle enthousiaste ne se lasse pas de féliciter cette prestation, quand, après l’entracte, c’est la musique de Boulez que nous explique Pollini. Plus aride au premier abord, elle nous pince pourtant de rêve et nous embaume. Les notes se mêlent, toujours aussi fluides et joueuses comme Pollini sait les faire chanter et danser. Rien n’y fait, les notes nous emporte vers un monde fantastique qu’il nous est libre d’imaginer, nous rappelant parfois au réel par quelque accord déchaîné qui soulève le pianiste de son fauteuil. Comble de joie, Pierre Boulez en personne est venu féliciter ce pianiste hors pair.
Ne passez pas à côté des prochains moments de bonheur que Pollini va nous offrir à Pleyel, rarement pianiste fut si magistral que cet après-midi, et ce n’est pas son âge qui est près de l’en arrêter.