« Sonamukhi au Bengale occidental, dans l’artère principale du village. Je chine un aliment ni trop épicé, ni trop pimenté, de quoi nous rassasier et nous octroyer un peu de force. Les habitants sont particulièrement prévenants, ils me gratifient de sourires et d’encouragements. Dans l’attente d’une portion de riz blanc, on m’offre un tchaï : un thé au lait au gingembre. Je m’assois un instant. Le chauffeur d’un bus en descend ; aidé de quelques passants, ils poussent le cul d’une vache campée au milieu de la voie principale. La pauvre génisse ne semble pas vouloir bouger, mais une bonne claque sur les fesses lui remet les idées en place. Elle se décide enfin à se déplacer de quelques mètres et pisse juste devant un étal de tomate et de concombre vendus à même le sol. La marchande se relève en réajustant son sari et lui colle un coup de bâton, en vociférant des grossièretés que je ne comprends pas. Pendant que j’observe tout cela, en refroidissant, une petite peau s’est formée à la surface de mon thé au lait. Je souffle dessus pour la briser et éviter qu’elle ne se colle tout entière à ma lèvre supérieure. Mon riz est emballé et il est grand temps que je parte, le soleil me tourne la tête et je ne sais comment expliquer le frottement d’une petite chèvre sur ma jambe. Ses deux yeux noirs entourés de cils très fins me fixent innocemment avant que je ne la bouscule. »
En dehors des serpents quotidiens, des léopards dans les plantations de thé et des éléphants sauvages dans la jungle Sri Lankaise, nous ne côtoyons que des animaux paisibles depuis plusieurs mois. La vache est un des ruminants que l’on voit absolument partout, perdu au milieu d’un carrefour, pillant les étalages de fruits et de légumes, dégustant les offrandes de fleurs à l’intérieur des temples hindous, interrompant le trafic routier et parfois même ferroviaire pendant des heures. Originale, le dernier souci d’un bovin est d’agrémenter de ses déjections les endroits les plus divers. L’inde compterait de nos jours plus d’un milliard d’individus, 300 millions de dieux et environ 250 millions de bovins.
Quel est le plus beau symbole de l’Inde que l’image de la vache sacrée.
Elle est supposée être le symbole vivant de la terre nourricière, représentant la fertilité et l’abondance, l’animal le plus sacré du sous-continent indien. Animaux domestiques et dociles, les vaches fournissent le lait, mais également du combustible grâce à leurs bouses, dans les régions qui subissent la déforestation. Sa « main d’œuvre » est nécessaire à l’agriculture, et son urine est également utilisée dans un grand nombre de décoctions et de remèdes contre certaine maladie. Au-delà de ces avantages vitaux, la vache symbolise la richesse et le statut social. La naissance d’un veau dans un village se fête au même titre qu’un enfant, l’animal étant considéré comme un membre à part entière de la famille. De nombreux foyers s’endettent pour l’achat d’un tel animal, un outil de production naturel et rentable. La location se pratique aussi couramment, assurant des revenus complémentaires à un bailleur.
La relation des indiens à leurs vaches nous a intéressé au point que nous avons partagé au plus près des agriculteurs, le quotidien du monde rural indien. La vache est vénérée depuis plus de 3500 ans, les Aryens qui étaient pasteurs à l’origine lui vouait un véritable culte, tout comme Agni, le feu sacré. De tous les animaux domestiques, elle était le plus utile et le plus attachant, d’une docilité surprenante. Un des dieux les plus importants du panthéon hindou, l’ascète Shiva, fut rapidement imagé en compagnie de sa monture, un taureau surnommé Nandi. Apparu dans de nombreux sanctuaires, c’est à cette époque qu’apparue le caractère sacré de la vache. Les bœufs et les buffles restent les moyens de transports et de traits les plus répandus, même si le poids de leurs influences s’infléchit, directement concurrencé par la mécanisation. Ils permettent aux hommes de cultiver leurs champs et de transporter leurs productions des petits villages vers les villes avoisinantes. Le nombre des bovidés est naturellement inférieur à la demande, ce qui permet au propriétaire de disposer d’un pouvoir économique capital. Le cheptel indien n’en est pas moins en mauvais état. Les vaches donnent peu de lait et la plupart manquent de nourriture. Il est tout à fait courrant d’apercevoir les vachers lâcher leurs bêtes au cœur même des décharges, se goinfrant de papiers journaux et de sacs plastiques. Les vaches profitent aussi de la piété des hindous, à la limite de l’excès de zèle spirituel. La religion hindoue propose d’offrir le premier repas de la journée, généralement un poori ou un chappatti (galette de blé) à un animal, bien souvent à la vache qui traîne dans la rue. Les dévoués pratiquants attirent les animaux jusque devant les portes, persuadés de susciter l’intérêt des dieux sur leur personne.
Les vieux bovins en fin de vie sont tout naturellement jetés dans les rues, et pour cause ; une tradition exige que le vacher prenne en charge une grande cérémonie coûteuse si la bête venait à mourir chez lui. Les vaches en liberté participent et contribuent ainsi au nettoyage des rues. Dans les grandes villes, les vaches font le bonheur des touristes mais deviennent un réel danger face à une circulation qui s’intensifie chaque jour. Si par mégarde, un homme fonce sur une bête, il est sûr de casser son véhicule, mais il risque aussi de se faire attaquer par une foule en colère ! Tuer une vache est interdit et puni par la loi dans le Nord de l’Inde.
Depuis notre retour en France, une question nous est souvent posée :
- Pourquoi les indiens ne mangent ils pas toute ces vaches ? En dehors des réalités spirituelles et religieuses du pays, les indiens en général se sont adaptés à un régime strictement végétarien. En occident, les trois quarts des terres cultivables sont utilisés pour la seule production de nourriture de bétail. Si l’Inde appliquait la même politique, la part des terres cultivables réservées à la nourriture humaine se réduirait de telle sorte que le pays ne pourrait plus s’alimenter comme il le fait actuellement.
En dehors des serpents quotidiens, des léopards dans les plantations de thé et des éléphants sauvages dans la jungle Sri Lankaise, nous ne côtoyons que des animaux paisibles depuis plusieurs mois. La vache est un des ruminants que l’on voit absolument partout, perdu au milieu d’un carrefour, pillant les étalages de fruits et de légumes, dégustant les offrandes de fleurs à l’intérieur des temples hindous, interrompant le trafic routier et parfois même ferroviaire pendant des heures. Originale, le dernier souci d’un bovin est d’agrémenter de ses déjections les endroits les plus divers. L’inde compterait de nos jours plus d’un milliard d’individus, 300 millions de dieux et environ 250 millions de bovins.
Quel est le plus beau symbole de l’Inde que l’image de la vache sacrée.
Elle est supposée être le symbole vivant de la terre nourricière, représentant la fertilité et l’abondance, l’animal le plus sacré du sous-continent indien. Animaux domestiques et dociles, les vaches fournissent le lait, mais également du combustible grâce à leurs bouses, dans les régions qui subissent la déforestation. Sa « main d’œuvre » est nécessaire à l’agriculture, et son urine est également utilisée dans un grand nombre de décoctions et de remèdes contre certaine maladie. Au-delà de ces avantages vitaux, la vache symbolise la richesse et le statut social. La naissance d’un veau dans un village se fête au même titre qu’un enfant, l’animal étant considéré comme un membre à part entière de la famille. De nombreux foyers s’endettent pour l’achat d’un tel animal, un outil de production naturel et rentable. La location se pratique aussi couramment, assurant des revenus complémentaires à un bailleur.
La relation des indiens à leurs vaches nous a intéressé au point que nous avons partagé au plus près des agriculteurs, le quotidien du monde rural indien. La vache est vénérée depuis plus de 3500 ans, les Aryens qui étaient pasteurs à l’origine lui vouait un véritable culte, tout comme Agni, le feu sacré. De tous les animaux domestiques, elle était le plus utile et le plus attachant, d’une docilité surprenante. Un des dieux les plus importants du panthéon hindou, l’ascète Shiva, fut rapidement imagé en compagnie de sa monture, un taureau surnommé Nandi. Apparu dans de nombreux sanctuaires, c’est à cette époque qu’apparue le caractère sacré de la vache. Les bœufs et les buffles restent les moyens de transports et de traits les plus répandus, même si le poids de leurs influences s’infléchit, directement concurrencé par la mécanisation. Ils permettent aux hommes de cultiver leurs champs et de transporter leurs productions des petits villages vers les villes avoisinantes. Le nombre des bovidés est naturellement inférieur à la demande, ce qui permet au propriétaire de disposer d’un pouvoir économique capital. Le cheptel indien n’en est pas moins en mauvais état. Les vaches donnent peu de lait et la plupart manquent de nourriture. Il est tout à fait courrant d’apercevoir les vachers lâcher leurs bêtes au cœur même des décharges, se goinfrant de papiers journaux et de sacs plastiques. Les vaches profitent aussi de la piété des hindous, à la limite de l’excès de zèle spirituel. La religion hindoue propose d’offrir le premier repas de la journée, généralement un poori ou un chappatti (galette de blé) à un animal, bien souvent à la vache qui traîne dans la rue. Les dévoués pratiquants attirent les animaux jusque devant les portes, persuadés de susciter l’intérêt des dieux sur leur personne.
Les vieux bovins en fin de vie sont tout naturellement jetés dans les rues, et pour cause ; une tradition exige que le vacher prenne en charge une grande cérémonie coûteuse si la bête venait à mourir chez lui. Les vaches en liberté participent et contribuent ainsi au nettoyage des rues. Dans les grandes villes, les vaches font le bonheur des touristes mais deviennent un réel danger face à une circulation qui s’intensifie chaque jour. Si par mégarde, un homme fonce sur une bête, il est sûr de casser son véhicule, mais il risque aussi de se faire attaquer par une foule en colère ! Tuer une vache est interdit et puni par la loi dans le Nord de l’Inde.
Depuis notre retour en France, une question nous est souvent posée :
- Pourquoi les indiens ne mangent ils pas toute ces vaches ? En dehors des réalités spirituelles et religieuses du pays, les indiens en général se sont adaptés à un régime strictement végétarien. En occident, les trois quarts des terres cultivables sont utilisés pour la seule production de nourriture de bétail. Si l’Inde appliquait la même politique, la part des terres cultivables réservées à la nourriture humaine se réduirait de telle sorte que le pays ne pourrait plus s’alimenter comme il le fait actuellement.