Histoire de la chaise ou la bonne assise du design
À la cour de Louis XIV, seul le Roi-Soleil assoit son pouvoir, et trône. Les courtisans, eux, restent debout en signe de déférence. Il faut attendre le vingtième siècle pour voir la position assise se démocratiser, avec la vie dite moderne, la télévision et le travail dans les bureaux. C’est un fait de société : la notion du confort abordable pour tous se met en place et des millions de chaises sortent des usines.
Des règles strictes régissent un bon siège : c’est un exercice calculé. L'objet est composé d’un piétement (généralement quatre pieds), d'un dossier, parfois prolongé par un accoudoir, et d'une assise. Cette dernière doit être située à 45 cm de hauteur et doit s’incliner à 45 degrés vers l’arrière pour permettre au corps de se loger confortablement contre le dossier. C’est un jeu entre équilibre, stabilité et légèreté, car la chaise doit rester un objet mobile.
Et la chaise fut
C’est Michael Thonet qui marque d’une pierre blanche la chronologie du siège moderne. Sa Chaise n°14 (photo 1) est un véritable best-seller : vendue à plus de 50 millions d’exemplaires dans le monde, elle continue de s’imposer aujourd’hui comme la chaise bistrot de référence, se transportant facilement. Ses lignes simples et élégantes datent de 1859. Grâce à sa technique du cintrage du bois, cet ébéniste a inventé la première chaise fabriquée en série : elle entre ainsi dans l’ère industrielle.
Côté français, c’est la marque Tolix qui a développé la Chaise A (2), devenue incontournable dans les années 1930 grâce à son design industriel en métal. Sa technique de fabrication et sa facilité d'usage (empilable, légère et solide) en font un intemporel.
Côté français, c’est la marque Tolix qui a développé la Chaise A (2), devenue incontournable dans les années 1930 grâce à son design industriel en métal. Sa technique de fabrication et sa facilité d'usage (empilable, légère et solide) en font un intemporel.
Technologies et matières
Les recherches en matériaux et les nouvelles technologies sont un moteur pour essayer de trouver une chaise d’un nouveau type. Les designers comme les architectes conçoivent des prototypes selon des principes structurels et fonctionnels à partir de matériaux utilisés dans d’autres domaines : tubes métalliques, bois contreplaqué, plastiques, mousse polyuréthane…
En 1926, Marcel Breuer imagine la chaise Wassily (3) en tube d’acier chromé et révolutionne les principes traditionnels de construction. En 1960, la mythique Panton Chair de Verner Panton (4) est née de l’essor de la matière plastique : c’est la première chaise en plastique fabriquée d’un seul tenant. Ces dernières années, Marcel Wanders s’essaie à la fibre de carbone, Patrick Jouin mise sur la « stéréolithographie », une technique qui permet de fabriquer un objet à partir d'un modèle numérique, en superposant des tranches fines de matière (5).
François Azambourg prend le chemin du développement durable : fibre de lin cousue et résine époxy à 94 % végétale composent l'écologique Lin 94, un bijou de nouvelles technologies (6). Ces procédés sonnent comme des signatures.
Au goût du jour
Une autre manière de laisser son nom dans l’histoire du design, c’est la réappropriation de modèles célèbres. Au-delà du simple relookage, il s’agit d’inscrire dans son temps l’objet du passé. C’est le cas par exemple de la Chaise n°14 qui prend désormais des allures sixties (7) avec ses nouvelles couleurs, rouge pimpant ou vert vitaminé, qui soulignent un peu plus ses lignes inchangées, mais toujours aussi séduisantes.
Le classique prend un coup de jeune. Le designer Chris Bosse s’est penché sur les courbes de la Pantone Chair à l’occasion de la bien nommée exposition « Re-loved » organisée par un musée en Australie. Il a sublimé les lignes en utilisant des tranches de Plexiglas superposées (8) – une version contemporaine dans l’esprit de Pantone. C’est encore le fabricant de meuble Emeco qui s’est emparé du modèle Navy créé en 1944 pour les besoins de l’US Navy.
De l’aluminium, le choix du matériau s’est déplacé sur le plastique, le PET recyclable, coloré. La Navy nouvelle version utilise très exactement 111 bouteilles de Coca-Cola – d’où son nom ? Navy 111 (9), ce qui permettra de recycler quelques trois millions d’unités par an ! La robustesse révolutionnaire de la Navy est conservée, sa technique de montage aussi, mais elle change d’ère grâce à cette « éco-conception ». La chaise reflète son temps.
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