Silvio Trentin - Un Européen en résistance (1919-1943)
Sur la période 1926-1943
Silvio Trentin est né en 1885, en Italie, à San Donà di Piave, ville située en Vénétie au bord du fleuve le Pô. Il fut l’un des plus jeunes professeurs d’université de droit, lauréat de l’université de Pise. Il obtint son doctorat en droit à l’âge de 24 ans.
Après la guerre mondiale où il s’illustra sur le front comme aviateur, il fut élu en 1919 député de Venise. Dès 1921, il s’opposa de manière résolu et croissante à la montée violente du fascisme. La suspension de toute vie démocratique le contraignit à s’exiler en février 1926 dans le Sud-ouest de la France.
Durant ces années, il mène de front une réflexion intellectuelle et une efficace action de militance de terrain en Gascogne et dans le Languedoc. Son audience s’accroît dès le début des années trente parmi les milieux intellectuels et politiques. Il devient alors avec Carlo Rosselli et Pietro Nenni l’un des plus éminents représentants de l’Italie libre.
Son choix des valeurs de la démocratie demeure intact et il réalise une véritable activité de « pèlerin » de la Ligue des droits de l’homme, tout particulièrement de son organisation soeur italienne la LIDU. Mais son attachement indéfectible à l’idéal démocratique se conjugue désormais avec la recherche d’une option en faveur d’une économie planifiée qu’il se propose de tempérer par l’extension de l’autonomie des personnes dans le cadre des collectivités locales.
Silvio Trentin conçoit son métier de libraire en intellectuel exigeant qui connaît les ouvrages, initiant ses « clients » aux richesses de la pensée humaine. Il retrouve dans ce métier d’ « éveilleur d’esprits » sa vocation première pour la chaire et le débat d’idées. Toutefois, en raison de sa prise de responsabilité croissante dans l’organisation antifasciste italienne « Giustizia e Libertà » et de la montée des périls et des espoirs qui vont croissants, Silvio Trentin est vivement aimanté au cœur même de sa librairie par les passions de cette époque de feu.
Il exerce des responsabilités politiques mais aussi humanitaires auxquelles il ne sait ni ne veut se dérober. Sa librairie devient l’équivalent d’un brillant salon littéraire et politique à l’image des feux prolongés de « l’esprit des lumières ».
Silvio Trentin, lui-même, fait au cours des trois années de guerre, quatre déplacements à Barcelone et y rencontre les dirigeants de premier plan de la République et de la « Generalitat ». A l’unisson de son ami Carlo Rosselli, son état d’esprit, ses articles et ses discours visent aussi, au travers de l’engagement espagnol, à relancer la bataille contre la fascisme en Italie avec ce mot d’ordre : « Aujourd’hui ici, (en Espagne) demain en Italie ! »
Silvio Trentin, malgré l’inlassable activité de soutien aux républicains en lutte et les contacts privilégiés avec l’élite de l’opposition démocratique italienne et les leaders toulousains du front populaire, souffre de ne pouvoir combattre lui-même. Ayant dépassé cinquante ans, le libraire militant donne, à l’Espagne républicaine, les périodes les plus fiévreuses d’une vie si riche en engagements démocratiques.
La révolution espagnole lui a donné, en grandeur réelle, un champ d’observation politique qui va infléchir, dans un sens libertaire et fédéraliste, ses choix philosophiques et politiques en faveur de l’autonomie des personnes et des collectivités locales. Il renoue ainsi avec une tradition Proudhonienne et développe une conception du fédéralisme centrée sur les collectivités locales mais en lien avec des perspectives de création d’une Europe unifiée.
C’est aussi durant cette période que se forgent les liens d’estime et de solidarité avec la jeune génération de militants de gauche et d’intellectuels toulousains qui le désigne, aux premiers jours de la Résistance, comme l’une des principales figures de proue. En quelque sorte à Toulouse, l’état esprit Résistant s’est forgé dans la solidarité active avec les républicains espagnols.
Silvio Trentin, malgré la surveillance étroite dont il est l’objet, regroupe autour de lui l’élite de la jeunesse socialiste, les plus courageux des francs-maçons et aussi des chrétiens de gauche.
A partir de décembre 1942, il vit caché dans le Lauraguais, ne perdant pas le fil de la terrible lutte engagé en Italie. Après une tentative infructueuse de franchissement des Pyrénées, il réussit à revenir en Italie, le 6 septembre 1943, ce qui donne lieu à des moments de liesse de la part de ces amis, notamment à San Dona di Piave, son village natal. Mais, le 9 septembre, la prise de contrôle par l’armée allemande de l’Italie le contraint à prendre de nouveau la clandestinité. Arrêté par la milice fasciste, le 19 novembre 1943, il est transféré en clinique en raison de la gravité de son angine de poitrine. Il s’éteint le 12 mars 1944 sans avoir revu la libération totale de son pays et de l’Europe et la liberté à laquelle il a voué toute sa vie.
Ce juriste et philosophe politique, cet homme de culture et d’action, cet humaniste à la fois généreux et lucide reste désormais indissociable du Toulouse antifasciste et résistant des « années de feu » de 1936 à 1943, et n’a pas fini de marquer l’imaginaire de la ville occitane.
Les années ardentes en Gascogne : 1936-1934
Installé d’abord comme propriétaire terrien à Pavie dans le Gers, il s’efforça avec courage de développer des pratiques nouvelles inspirées de l’agronomie. Après l’échec de cette tentative d’exploitation d’un petit domaine agricole, il dut, pour faire vivre sa famille, devenir un simple employé de l’Imprimerie Bouquet à Auch. Il réussit néanmoins à soustraire un temps précieux pour élaborer la majeure partie de sa réflexion politique en écrivant de nombreux ouvrages sur le fascisme. C’est aussi à la charnière des années 1931-1934, alors que la crise économique mondiale bouleverse le Monde et rend possible l’accès d’Hitler au pouvoir, que Silvio Trentin approfondit sa réflexion en publiant l’un de ses ouvrages majeurs : « La crise du Droit et de l’Etat ». Son analyse passionne porta sur les conditions de réalisation de l’autonomie des êtres humains.Durant ces années, il mène de front une réflexion intellectuelle et une efficace action de militance de terrain en Gascogne et dans le Languedoc. Son audience s’accroît dès le début des années trente parmi les milieux intellectuels et politiques. Il devient alors avec Carlo Rosselli et Pietro Nenni l’un des plus éminents représentants de l’Italie libre.
Son choix des valeurs de la démocratie demeure intact et il réalise une véritable activité de « pèlerin » de la Ligue des droits de l’homme, tout particulièrement de son organisation soeur italienne la LIDU. Mais son attachement indéfectible à l’idéal démocratique se conjugue désormais avec la recherche d’une option en faveur d’une économie planifiée qu’il se propose de tempérer par l’extension de l’autonomie des personnes dans le cadre des collectivités locales.
Les années de libraire et de « feu politique » à Toulouse : 1935-1943
En 1935, sur les conseils de ces amis et notamment du physiologiste Camille Soula, Silvio Trentin s’installe à Toulouse. Il va y séjourner jusqu’en septembre 1943. Grâce à l’aide des fonds collectés par ses amis en Vénétie mais aussi d’amis français, il peut racheter le fonds de commerce d’une librairie située 46 rue du Languedoc.Silvio Trentin conçoit son métier de libraire en intellectuel exigeant qui connaît les ouvrages, initiant ses « clients » aux richesses de la pensée humaine. Il retrouve dans ce métier d’ « éveilleur d’esprits » sa vocation première pour la chaire et le débat d’idées. Toutefois, en raison de sa prise de responsabilité croissante dans l’organisation antifasciste italienne « Giustizia e Libertà » et de la montée des périls et des espoirs qui vont croissants, Silvio Trentin est vivement aimanté au cœur même de sa librairie par les passions de cette époque de feu.
Il exerce des responsabilités politiques mais aussi humanitaires auxquelles il ne sait ni ne veut se dérober. Sa librairie devient l’équivalent d’un brillant salon littéraire et politique à l’image des feux prolongés de « l’esprit des lumières ».
Les années de défense de l’Espagne républicaine
Le soulèvement militaire des 18, 19 et 20 juillet 1936 en Espagne place Silvio Trentin en première ligne de la guerre civile qui suit l’échec du pronunciamento. En effet, Toulouse est une des villes du sud-ouest la plus proche et la plus concernée par le drame espagnol. C’est à cette occasion que la librairie de Silvio Trentin se transforme en quasi « consulat des italiens libres » dont les plus motivés vont se battre aux côtés des milices catalanes puis des Brigades Internationales.Silvio Trentin, lui-même, fait au cours des trois années de guerre, quatre déplacements à Barcelone et y rencontre les dirigeants de premier plan de la République et de la « Generalitat ». A l’unisson de son ami Carlo Rosselli, son état d’esprit, ses articles et ses discours visent aussi, au travers de l’engagement espagnol, à relancer la bataille contre la fascisme en Italie avec ce mot d’ordre : « Aujourd’hui ici, (en Espagne) demain en Italie ! »
Silvio Trentin, malgré l’inlassable activité de soutien aux républicains en lutte et les contacts privilégiés avec l’élite de l’opposition démocratique italienne et les leaders toulousains du front populaire, souffre de ne pouvoir combattre lui-même. Ayant dépassé cinquante ans, le libraire militant donne, à l’Espagne républicaine, les périodes les plus fiévreuses d’une vie si riche en engagements démocratiques.
La révolution espagnole lui a donné, en grandeur réelle, un champ d’observation politique qui va infléchir, dans un sens libertaire et fédéraliste, ses choix philosophiques et politiques en faveur de l’autonomie des personnes et des collectivités locales. Il renoue ainsi avec une tradition Proudhonienne et développe une conception du fédéralisme centrée sur les collectivités locales mais en lien avec des perspectives de création d’une Europe unifiée.
C’est aussi durant cette période que se forgent les liens d’estime et de solidarité avec la jeune génération de militants de gauche et d’intellectuels toulousains qui le désigne, aux premiers jours de la Résistance, comme l’une des principales figures de proue. En quelque sorte à Toulouse, l’état esprit Résistant s’est forgé dans la solidarité active avec les républicains espagnols.
Silvio Trentin, le résistant européen
Au lendemain de « L’étrange défaite » militaire de mai 1940, de l’effondrement de la IIIeme République, du délitement de la société et de l’armature de l’armée et des institutions républicaines, Silvio Trentin et sa librairie vont constituer, à Toulo6use, un point de ralliement pour celles et ceux « qui ne veulent pas abdiquer ». C’est après le soutien risqué apporté au premier « réseau Bertaux », la création originale et anticipatrice du mouvement de Résistance « Libérer et fédérer », qui défend, dès 1942, l’idée anticipatrice de gagner non seulement la guerre mais aussi la paix à venir et promouvoir l’édification d’une Europe politique et culturelle unie au sein d’une fédération des Etats-Unis d’Europe.Silvio Trentin, malgré la surveillance étroite dont il est l’objet, regroupe autour de lui l’élite de la jeunesse socialiste, les plus courageux des francs-maçons et aussi des chrétiens de gauche.
A partir de décembre 1942, il vit caché dans le Lauraguais, ne perdant pas le fil de la terrible lutte engagé en Italie. Après une tentative infructueuse de franchissement des Pyrénées, il réussit à revenir en Italie, le 6 septembre 1943, ce qui donne lieu à des moments de liesse de la part de ces amis, notamment à San Dona di Piave, son village natal. Mais, le 9 septembre, la prise de contrôle par l’armée allemande de l’Italie le contraint à prendre de nouveau la clandestinité. Arrêté par la milice fasciste, le 19 novembre 1943, il est transféré en clinique en raison de la gravité de son angine de poitrine. Il s’éteint le 12 mars 1944 sans avoir revu la libération totale de son pays et de l’Europe et la liberté à laquelle il a voué toute sa vie.
Ce juriste et philosophe politique, cet homme de culture et d’action, cet humaniste à la fois généreux et lucide reste désormais indissociable du Toulouse antifasciste et résistant des « années de feu » de 1936 à 1943, et n’a pas fini de marquer l’imaginaire de la ville occitane.
Article de Paul Arrighi réalisé à partir de la biographie intitulée « Silvio Trentin, un européen en Résistance 1919-1943 » parue aux éditions Loubatières (collection « Loubatières Histoire ») avec une préface de Rémy Pech disponible en librairie. Biographie de Paul Arrighi : Corse et Pyrénéen, né en Kabylie en 1954 et ayant fait toutes ses études à Toulouse, Paul Arrighi a mené un double cursus universitaire, en histoire et en sciences politiques, jusqu’à l’obtention de la maîtrise d’histoire réalisée sur Les Origines et la création du PSU dans la Haute-Garonne (1952-1968). Ayant réussi ultérieurement le concours d’entrée à l’ENA, il poursuit de 1979 à 1992 une carrière d’inspecteur des affaires sanitaires et sociales puis d’administrateur avant de choisir les fonctions de magistrat. Détaché en qualité d’enseignant l’histoire de 1995 à 2000 à l’Université de Toulouse-le-Mirail, il a soutenu en 2005 sa thèse de doctorat d’histoire sur la biographie du juriste combattant et député devenu exilé politique et libraire à Toulouse, Silvio Trentin.
La Rédaction du Taurillon tient à remercier Olivier Martin de l’UEF de nous avoir mis en contact avec Paul Arrighi.
La Rédaction du Taurillon tient à remercier Olivier Martin de l’UEF de nous avoir mis en contact avec Paul Arrighi.