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​Fractures des métacarpes du pouce et des doigts chez l’athlète



La plupart des factures de métacarpes peuvent être identifiées par un examen clinique et une évaluation radiographique.
Les fractures de la base ou de la tête des métacarpiens du pouce ou des doigts requièrent une suspicion clinique de haut niveau, et peuvent nécessiter des radiographies spécifiques ou d’autres systèmes d’imagerie pour confirmation du diagnostic.
Un traitement non chirurgical avec protection par attelle est en général suffisant, mais un déplacement marqué et une implication d’éléments intra-articulaires peuvent nécessiter une chirurgie.


Epidémiologie

Les fractures des métacarpiens sont fréquentes dans la population générale, représentant environ 18% des fractures sous le niveau du coude [1]. Chez les athlètes, comme au sein de la population générale, les mécanismes les plus fréquents incluent une chute sur la main tendue et un choc direct avec contact (avec une balle, un casque, ou un autre athlète). Les fractures métacarpiennes sont les plus communes dans les sports de contact comme le basketball, le football, le hockey, bien qu’elles puissent aussi survenir dans des sports comme le baseball. Historiquement, la plupart de ces fractures sont prises en charge sans chirurgie, avec une immobilisation fonctionnelle ; cependant, un nombre croissant de stratégies chirurgicales ont rendu la prise en charge chirurgicale plus populaire au cours des 30 dernières années [2]. Le traitement non chirurgical continue d’être le traitement principal, mais des facteurs spécifiques à l’athlète contribuent à l’augmentation des décisions chirurgicales, comme la fixation interne qui peut diminuer la période nécessaire d’immobilisation.

Anatomie

L’anatomie des métacarpiens du pouce et des doigts joue un rôle primordial dans la prise de décision chirurgicale ou non. Des considérations spécifiques incluent l’articulation carpo-métacarpienne (CMC) en proximal et l’articulation métacarpo-phalangienne en distal. Alors que les fractures déplacées des articulations distales ne sont généralement pas bien tolérées sur aucun doigt, l’articulation CMC peut être oubliée. 
En général, les fractures diaphysaires isolées présentent une stabilité considérable, attribuable aux origines des interosseux dorsaux et palmaires et à l’influence des ligaments intermétacarpiens en distal. Ces caractéristiques intrinsèques, de même que les tendons extrinsèques des tendons des fléchisseurs et des extenseurs, contribuent aux forces déformantes dans le cadre de ces fractures.

Evaluation et prise en charge initiale

Une absence d’amplitudes articulaires complètes et des déformations angulaires doivent alerter le clinicien sur une possible fracture métacarpienne, devant un patient avec des douleurs et rapportant un choc à haute énergie. Des radiographies de fractures de la diaphyse métacarpienne permettent une bonne visibilité des mécanismes de blessures (transverse, oblique, spiralée, comminutive). Des imageries avancées, telles que la tomographie, sont habituellement réservées aux fractures de la base du métacarpien, moins pour les fractures de la tête. Dans ces situations, la tomographie peut être utilisée pour déterminer le degré de déformation intra-articulaire et appuyer ou non la nécessité d’une intervention chirurgicale. L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) est rarement indiquée pour évaluer les fractures, sauf pour les avulsions des ligaments collatéraux du pouce.
La prise en charge initiale d’une blessure suspectée du métacarpien commence sur le terrain par une évaluation rapide de la peau, de l’alignement et du statut neuro-vasculaire. Une attelle ou un strapping peut permettre à l’athlète de retourner sur le terrain si cela est raisonnable, en se basant sur l’évaluation de la douleur de l’athlète et sur les positions fonctionnelles nécessaires de sa main.
L’une des positions d’immobilisation pouvant être utilisée, si possible, est la position intrinsèque +, où les métacarpo-phalangiennes sont fléchies et les inter-phalangiennes tendues, afin de minimiser les phénomènes de raideur et de diminuer les forces déformantes en relâchant les intrinsèques. 

Prise en charge des fractures métacarpiennes des doigts II à V

-    Fractures des têtes métacarpiennes

Il s’agit du type de fractures métacarpiennes le moins fréquent. Les auteurs choisissent un traitement chirurgical pour les petites fractures avec avulsion de la tête métacarpienne en extra-articulaire, lorsque l’articulation métacarpo-phalangienne est stable à l’examen clinique. Une fixation par chirurgie autorise les mobilisations précoces afin de diminuer la raideur, et peut permettre un retour plus précoce sur le terrain.
Les athlètes avec des fractures comminutives sévères de la tête du métacarpien posent un véritable challenge. Les techniques telles que la fixation externe, l’arthroplastie de l’articulation MCP et la fusion, peuvent être considérées mais en prise en charge immédiate, sauf que des effets négatifs au long terme peuvent apparaître au cours de la carrière de l’athlète.

-    Fractures du col du métacarpien

Cette zone du métacarpien est l’une des plus fragiles, d’où la forte incidence de ces fractures [4]. La grande majorité de ces fractures sont prises en charge sans chirurgie, étant donné qu’un degré significatif d’angulation peut exister avant une déficience fonctionnelle. Des déformations esthétiques peuvent résulter de ce genre de fractures, ce qui peut ne pas être toléré chez l’athlète, en fonction du sport pratiqué et de ses caractéristiques techniques. Par exemple, un joueur de baseball se doit d’être capable de tenir sa batte sans difficulté, ce qui peut être entravé par la présence d’une déformation. Des systèmes de strapping peuvent être utilisés, via notamment la réalisation de syndactylie. Ceci permet à l’athlète ne pouvant pas porter d’attelle de retourner sur le terrain malgré l’immobilisation. Ce système ne doit pas excéder 5 à 6 semaines.
Les indications concrètes de prise en charge chirurgicale des fractures du col du métacarpien incluent les fractures sévèrement angulées ou les fractures instables, de même que les déformations en rotation.
Une petite, si ce n’est aucune, déformation en rotation est acceptable chez l’athlète qui utilise sa main pour serrer ou lancer, du fait de l’effet délétère sur la force de préhension.
Après intervention chirurgicale, la mobilisation articulaire immédiate est largement encouragée, en mettant l’accent sur les IPP et les MCP. Les décisions de retour ou non à la compétition doivent être prises après évaluation rigoureuse et personnalisée du sujet.

-    Fractures de la diaphyse métacarpienne

Elles sont décrites par leur apparence radiographique, ce qui suggère le mécanisme de fracture et indique la stabilité de la fracture ainsi que la déformation attendue. Bien que les considérations et la prise en charge soient similaires avec les fractures du col, il existe quelques différences clés dans l’approche de ces fractures, en particulier par rapport à l’angulation induite qui doit être moindre car elle sera moins bien tolérée que la précédente.
Les indications de la chirurgie sont les angulations trop prononcées, les hyper-rotations, les fractures multiples, l’incapacité à traiter avec une immobilisation par attelle, et les fractures ouvertes.
Après chirurgie, il est important de contrôler l’apparition des phénomènes oedémateux et de réaliser des mobilisations précoces afin de lutter contre la possible apparition d’adhérences au niveau des tendons. Si la fixation permet une stabilité rapide, l’athlète pourra retourner sur le terrain 2 à 3 semaines avec attelle protectrice.

-    Fractures de la base du métacarpien

Les fractures extra-articulaires de la base du métacarpien sont prises en charge en utilisant des principes similaires à celles de la diaphyse du métacarpien.
En l’absence d’instabilité de l’articulation CMC, qui peut être réduite et stabilisée grâce à la stabilité inhérente de l’articulation, un traitement fonctionnel avec mobilisation précoce peut être une bonne option. Basée sur un contrôle de la douleur, cette approche non chirurgicale peut permettre à l’athlète de poursuivre la compétition. Chez les athlètes avec un inconfort persistant limitant les activités après saignement d’une fracture intra-articulaire de la base, une fusion de la CMC peut permettre le soulagement de la douleur et avec peu de limitations fonctionnelles.


Prise en charge des fractures du métacarpien du pouce

-    Fractures extra-articulaires

Les principes de prise en charge de ces fractures sont similaires à ceux des métacarpiens des doigts. Etant donné l’étendue des amplitudes articulaires du pouce, des degrés d’angulation plus élevés sont bien tolérés, de telle manière que la déformation puisse être compensée sans déficit fonctionnel.
Le traitement conservateur inclut une immobilisation avec une attelle de pouce. En chirurgie, c’est une approche dorsale qui est utilisée, ou médio-latérale, selon le schéma de fracture.

-    Fractures intra-articulaires de la base du pouce

Fractures de Bennett

Du fait de l’importance du pouce dans la fonction de la main, ces fractures sont très discutées et représentent surtout un vaste sujet de recherche. La fracture de Bennett correspond à une fracture intra-articulaire avec séparation en 2 fragments le plus souvent, et peut être la conséquence d'un coup reçu plutôt qu'un coup porté, dans les sports de combat. Ces fractures entraînent le plus souvent un traitement fonctionnel avec une attelle d’immobilisation, mais des prises en charge plus récentes incluent une chirurgie (ayant pour objectif une réduction de la fracture et une congruence de l’articulation).
L’immobilisation post-opératoire, le mouvement et les activités varient, en se basant sur les caractéristiques de la fracture et la stabilité de la fixation. L’attelle en place laisse l’articulation inter-phalangienne libre et permet les amplitudes articulaires de toutes les articulations du pouce. Une instabilité peut être présente après chirurgie, et le haut niveau de stress placé sur le pouce en compétition peut rendre le retour sur le terrain difficile, en général pas avant 6 à 8 semaines.

Fractures de Rolando

Ce terme se réfère à toute fracture intra-articulaire de la base du métacarpien du pouce. La difficulté de traitement est attribuable au degré de fragmentation articulaire.
La prise en charge post-opératoire requière de grandes précautions du fait de la difficulté de réduction et de stabilisation. Les athlètes doivent être informés des risques accrus d’arthrose, comme pour toute fracture intra-articulaire, et la possible nécessité d’une arthrodèse dans le futur [20].


Rééducation et retour au sport

La plupart des fractures métacarpiennes liées au sport présentent des déplacements très petits. Les athlètes pouvant participer aux compétitions de manière efficace avec une attelle fonctionnelle peuvent retourner immédiatement sur le terrain ; des radiographies régulières sont utilisées pour confirmer le maintien de l’alignement. Chez les athlètes nécessitant une fixation par chirurgie, la rééducation et le retour au sport sont déterminés par la combinaison des éléments liés au sport et par la stabilité de la fixation de la fracture. Pour les athlètes capables de suivre les compétitions sans une dextérité normale, un retour tôt au sport peut être possible avec le port d’une attelle.


Conclusion

Les fractures des métacarpiens sont relativement communes chez les athlètes. La grande majorité de ces fractures bénéficient d’un traitement fonctionnel avec une attelle protectrice et un retour rapide au sport. Une mobilisation précoce est importante, sans égard au type de traitement (chirurgical ou non). Les indications pour une réduction et une stabilisation sont quelque peu différentes dans la population athlétique que dans la population générale, du fait de la nécessité d’une fonction optimale de la main et d’un retour rapide au sport.
Lorsque le schéma de fracture nécessite une chirurgie, une fixation interne stable est l’objectif. Un thérapeute expérimenté de la main peut réaliser une attelle fonctionnelle permettant de répondre aux besoins spécifiques de l’athlète, permettant une participation de l’athlète quelques jour après chirurgie.
Les résultats sont généralement très bons pour les fractures extra-articulaire des métacarpiens, en revanche le pronostic des fractures intra-articulaires est plus réservé, en particulier pour les fractures impliquant la base du pouce. 
De telles fractures requièrent une cicatrisation post-opératoire plus longue, un retour au sport retardé et la possibilité de limitations articulaires à long terme.


Article de référence

Duretti T. Fufa, MDa, Charles A. Goldfarb.  Fractures of the Thumb and Finger Metacarpals in Athletes. Hand Clin 28 (2012) 379–388.
Références

[1] Chung KC, Spilson SV. The frequency and epidemiology of hand and forearm fractures in the United States. J Hand Surg Am 2001;26:908–15.

[2] Stern PJ. Management of fractures of the hand over the last 25 years. J Hand Surg Am 2000;123:54–537.

[3] Malinowski RW, Strate RG, Perry JF, et al. The management of human bite injuries of the hand. J Trauma 1979;19(9):655–9.

[4] Henry MH. Fractures and dislocations of the hand. In: Bucholz RW, Heckman JD, Court-Brown C, editors. Rockwood and Green’s fractures in adults. 6th edition. Philadelphia: Lippincott Williams & Wilkins; 2006. p. 772–857.

[20] Foster RJ, Hastings H. Treatment of Bennett, Rolando and vertical intraarticular trapezial fractures. Clin Orthop 1987;214:121–9.