Introduction
L'objectif des nageurs d'élite est d'améliorer leurs performances lors des courses et leur temps de course pour tenter de gagner des compétitions. Les différences de temps entre les victoires et les défaites sont de petite taille. L'entraînement a traditionnellement mis l'accent sur la force des muscles squelettiques et leur endurance ; récemment, l'accent a récemment déplacé sur l'entraînement des muscles inspiratoires [1-4].
Un système pulmonaire sans entraînement était à l'origine considéré comme capable de faire face aux contraintes supplémentaires imposée par l'exercice [5], cependant plusieurs études ont démontré que l'entraînement du système musculaire inspiratoire à l'aide d'un régime d'entraînement des muscles inspiratoires (REMI) avait des avantages supplémentaires. Le REMI a été démontré comme améliorant la performance d'exercice de sujets non entraînés [6-8] et entraînés dans plusieurs sports d'endurance [9-13] ainsi que pendant des sprints répétés [14,15].
Les compétitions de natation présentent plusieurs défis uniques pour le système respiratoire. Une régulation précise du schéma respiratoire à des débits élevés et des volumes pulmonaires importants est requise. L'entraînement de natation a été montré comme améliorant la fonction des muscles inspiratoires [3], ce qui suggère que la natation offre une charge supplémentaire à la dynamique inspiratoire [16-18].
L'effet du REMI chez les nageurs de compétition a été évalué précédemment. Une étude a révélé qu'un entraînement supplémentaire des muscles respiratoires avec 12 semaines d'entraînement des muscles inspiratoires et expiratoires améliorait les variables dynamiques de la fonction pulmonaire, dont le volume inspiratoire forcé en 1 seconde (VIF1) et le volume expiratoire forcé en 1 seconde (VEF1). Il n'y avait aucune amélioration supplémentaire supérieure à celui d'un entraînement de natation seul sur la réponse ventilatoire à l'hypercapnie, la fonction pulmonaire, la puissance respiratoire durable ou la performance de nage. L'étude a conclu que l'entraînement de natation lui-même peut bien agir comme forme de REMI [4].
Une étude récente du groupe de Kilding a évalué le rôle de 6 semaines de REMI dans un faux essai contrôlé sur 16 nageurs compétitifs au niveau d'un club. Le REMI était composé de 30 répétitions, 2 fois par jour, au moyen d'un dispositif de seuil de pression à main. Le groupe avec REMI avait une petite amélioration du temps de nage aux 100 et 200 m avec des effets plus importants pour la pression inspiratoire maximale et les taux de perception de l'effort par rapport au groupe contrôle [2].
Bien qu'une période d'entraînement par REMI en conjonction avec un entraînement de natation normal ait été évaluée, l'effet d'un échauffement spécifique par REMI ne l'a pas été. Un échauffement est couramment utilisé par les nageurs avant une course. Il y a peu d'études démontrant les effets d'un échauffement du corps entier sur la performance, mais on pense que l'échauffement peut améliorer les performances athlétiques [19-21] à travers une variété de réponses biomécaniques, physiologiques et biochimiques [20-23] ainsi que par une accélération de la consommation d'oxygène en réponse à un exercice ultérieur [24,25].
Des exercices (sous la forme d'un échauffement) peuvent modifier le profil métabolique de l'exercice en accélérant l'absorption globale de l'oxygène [24]. Un échauffement est également destiné à réduire le risque de blessure [26].
Objectifs
Les auteurs ont décidé d'examiner si l'incorporation d'un échauffement en REMI améliorerait les performances au 100 m nage libre, la fonction pulmonaire et les marqueurs systémiques du stress induit par l'exercice chez les nageurs d'élite.
Schéma d'étude
Un total de 17 participants a d'abord été contacté ; toutefois, deux participants n'étaient pas en mesure de s'engager pour les 4 sessions. Un total de 15 participants de l'équipe de natation d'élite de l'Université de Loughborough ont été recrutés dans cette étude cross-over randomisée en simple aveugle. Les spécialités de nage des athlètes étaient la nage papillon (n = 3), la brasse (n = 2), le dos crawlé (n = 3) et la nage libre (n = 7). Il y avait un total de 9 nageurs et 6 nageuses. Chaque nageur était attribué au hasard à l'un des 4 protocoles d'échauffement différents chaque semaine pour une période de 4 semaines consécutives. Les sessions ont toutes eu lieu à 09h00 le mardi matin.
Le critère principal était le temps réalisé au 100 m nage libre après un échauffement dans une piscine de 25 m.
Les critères secondaires incluaient les paramètres physiologiques suivants, qui ont été mesurés avant et après les protocoles d'échauffement et avant et après le 100 m nage libre :
1. l'oxyde nitrique expiré à 50 mL/s
2. la spirométrie : capacité vitale forcée (CVF), CVF pour cent prédictive, ratio VEF1 / CVF, le ratio en pourcentage prédit, le peak flow, le peak flow prédit
3. les pressions inspiratoire et expiratoire maximales (cm H2O)
4. le lactate sanguin capillaire mesuré au lobe de l'oreille
5. la fréquence cardiaque (bpm) et la saturation artérielle en oxygène du sang (PAO2)
6. le taux de l'échelle de perception de l'effort [27]
7. l'échelle de dyspnée [27].
Les quatre protocoles d'échauffement étaient :
- Protocole 1 : échauffement standard en piscine composé de 2 500 m (100 x 25 m de long), avec un mélange des 4 courses (papillon, dos, brasse et nage libre), travail d'une seule jambe (coups de pied avec un flotteur), travail d'un seul bras (en utilisant une bouée à tracter) et travail sous l'eau.
- Protocole 2 : échauffement spécifique des muscles respiratoires, en utilisant un dispositif appelé le Powerbreathe. Le protocole standard était constitué de 2 séries de 30 inspirations à 40% de la pression musculaire inspiratoire maximale. 40% de charge ont été utilisés pour prévenir la fatigue induite au cours de l'échauffement.
- Protocole 3 : réalisation d'un échauffement standard en piscine (protocole 1), suivi par un faux échauffement par des exercices des muscles inspiratoires avec une résistance égale à 15% de la pression inspiratoire maximale.
- Protocole 4 : échauffement standard en piscine (protocole 1) suivi par l'échauffement spécifique des muscles inspiratoires (protocole 2).
Analyse statistique
L'analyse a été effectuée en utilisant des ANOVA avec mesures répétées pour détecter les différences de temps de course au 100 m nage libre des 4 différents protocoles d'échauffement.
Résultats
Les 15 participants ont suivi 100% des séances et 100% des mesures physiologiques.
Il y avait des différences significatives entre les 4 protocoles d'échauffement différents et les temps résultant au 100 m nage libre.
Le protocole le plus rapide était l'échauffement avec nage + exercices des muscles inspiratoires, avec un temps au 100 m de 57,05 s (voir table 2). Cet échauffement était :
- nettement plus rapide que celui avec exercices des muscles inspiratoires seulement (différence moyenne = 1,18 s, IC 95% 0,44 à 1,92, p < 0,01) et celui avec nage seulement (différence moyenne = 0,62 s, IC 95% 0,001 à 1,23, p = 0,05).
- plus rapide que celui avec nage + faux échauffement des muscles inspiratoires, mais avec une différence non statistiquement significative (différence moyenne = 0,33 s, IC 95% -0,44 à 1,11, p = 1,00).
L'échauffement avec exercices des muscles inspiratoires seulement était également significativement plus rapide que celui avec nage et faux échauffement des muscles inspiratoires (différence moyenne = 0,85 s, IC 95% 0,05 à 1,65, p = 0,035).
Il n'y avait pas de différence significative entre les autres protocoles d'échauffement. Il n'y avait pas non plus de différence des paramètres physiologiques entre les 4 protocoles d'échauffement.
Discussion
L'utilisation d'un échauffement de natation comportant des exercices des muscles inspiratoires apparaît avoir des avantages significatifs en terme de performance. L'utilisation d'un échauffement combinant de la nage à exercices des muscles inspiratoires (avec le dispositif Powerbreathe) améliore la performance au 100 m nage de 0,62 s comparé à un échauffement de nage standard seul et aboutit au meilleur temps au 100 m nage (57,05 s). Il n'y avait pas de différence significative observée pour les paramètres physiologiques mesurés dans les 4 protocoles d'échauffement différents.
A la connaissance des auteurs, cette étude est la première étude contrôlée randomisée à propos des exercices des muscles inspiratoires comme un complément à l'échauffement en natation et à la performance. La taille de l'échantillon était compatible avec une autre étude [2] évaluant les exercices des muscles inspiratoires comme une aide à l'entraînement en natation. Les autres points forts sont que chaque participant agissait sous son propre contrôle, les mesures étant accomplies au même moment de la journée, et avec l'utilisation d'un technique fausse.
Cette étude présente cependant des faiblesses similaires à d'autres études dans ce domaine ; le nombre de participants était relativement faible, la performance de nage peut varier de petites différences de manière imprévisible, et il n'y a pas eu de groupe sans échauffement du tout. Le fait qu'il n'y avait pas de différence significative entre l'échauffement avec les faux exercices des muscles inspiratoires associés à de la nage versus celui avec la nage seule est rassurant et suggère que les faux exercices des muscles inspiratoires étaient un vrai placebo.
Des explications sur les mécanismes précis des améliorations de performance observées dans cette étude et dans d'autres ont été proposées. Cela inclut une augmentation du seuil d'activation du metaboreflex des muscles inspiratoires [28-30] et une modification de la perception de la fatigue par un contrôle métabolique central [31]. D'autres études suggèrent que le mécanisme d'échauffement spécifique des muscles respiratoires est neuronal à l'origine [16,32]. Il est possible que ces effets se soient produits dans cette étude également. Une autre explication est que l'utilisation d'exercices des muscles inspiratoires se traduit par une augmentation de la circulation sanguine vers les muscles respiratoires. Compte-tenu de l'utilisation d'exercices des muscles inspiratoires comme un échauffement avec une charge relativement faible sur une courte période de temps, il semble peu probable que les résultats obtenus avec l'échauffement avec exercices des muscles inspiratoires résulte en des changements physiologiques à long terme des muscles respiratoires. Conformément à cela, il n'y avait pas de différence des paramètres physiologiques entre les 4 protocoles d'échauffement.
Conclusion
En conclusion, les auteurs ont montré que les exercices des muscles inspiratoires utilisés comme un outil d'échauffement améliorent les performances de nage. Les mécanismes derrière ces améliorations nécessitent des études plus poussées. Compte tenu de l'ampleur des changements observés en terme de performance, l'utilisation d'exercices des muscles inspiratoires dans un régime échauffement doit être approfondie.
Quoi de neuf ?
-> Les exercices des muscles inspiratoires n'ont pas été utilisés en tant que régime d'échauffement précédemment. Traditionnellement, il ont été utilisés comme une aide à l'entraînement au long terme (plus de 6 semaines).
-> Les exercices des muscles inspiratoires en tant qu'échauffement en plus d'un échauffement de natation classique peuvent améliorer les performances de natation des nageurs d'élite.
-> Aucun paramètre physiologique ou biochimique n'a semblé changer avec l'utilisation d'un échauffement avec exercices des muscles inspiratoires.
Comment pourrait-il y avoir un impact sur la pratique clinique dans un proche avenir ?
-> Des études plus approfondies sont nécessaires pour l'utilisation d'exercices des muscles inspiratoires comme dispositif d'échauffement, mais cela reste un "plus" pratique, sûr et simple à l'échauffement de nage standard.
-> L'échauffement des muscles respiratoires et du système respiratoire en plus des systèmes cardiovasculaire et musculo-squelettique est susceptible de démontrer des bénéfices supplémentaires en terme de performance étant donnés les résultats de l'étude.
-> Les performances de nage en catégorie élite peuvent être améliorées avec l'utilisation d'un échauffement avec exercices des muscles inspiratoires, ce qui est bénéfique pour le succès au compétitions internationales.
Article de référence
Respiratory muscle specific warm-up and elite swimming performance. Wilson EE, et al. Br J Sports Med 2014;48:789–791.
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