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Une méta-analyse et une analyse systématique de la littérature sur les programmes de réadaptation en réalité virtuelle



Introduction :
Notre quotidien moderne impose aux individus d’effectuer un certain nombre de tâches dépendant de notre habilité physique. Les activités quotidiennes, telles que tourner une poignée porte ou monter des escaliers sont des exercices auxquels nous sommes bien rodé. Malheureusement, de nombreux troubles neurologiques et événements de la vie peuvent réduire les capacités physiques des individus, parmi les plus répandus sont la maladie de Parkinson (50 000 à 60 000 nouveaux cas chaque année aux États-Unis) et la paralysie cérébrale (10 000 nouveaux cas chaque année aux États-Unis).
Pour ces individus, la réalisation des tâches susmentionnées présente un niveau de difficulté d’une autre envergure avec des conséquences importantes sur la qualité de vie. Pour cette raison, les chercheurs ont porté un grand intérêt à la réhabilitation des capacités physiques.
Récemment, des programmes de rééducation physique ont commencé à utiliser des dispositifs offrant une expérience visuelle correspondant à la répétition des mouvements corporels. La plus répandue et la plus prometteuse de ces nouvelles applications est probablement la réalité virtuelle (VR) - l’axe de cet article. Celle-ci correspond à une simulation numérique d'un environnement pouvant imiter une présence physique dans des mondes réels ou imaginaires.
Actuellement, le matériel VR le plus avant-gardiste sont les lunettes (Head Mounted Display HMD). L’ensemble du champ de vision de l’utilisateur devient l’affichage du matériel et le HMD suit les mouvements de la tête pour aligner la présentation visuelle. 
Les programmes de VR ont été appliqués pour développer quatre résultats principaux : contrôle moteur, équilibre, habilité à la marche et force. 
Malgré l'application de technologies de pointe, les recherches existantes sur les programmes de réhabilitation par VR (VRR) ont montré des résultats variés, ce qui a incité les chercheurs et les praticiens à rester prudent quant à l'impact et aux avantages réels des programmes de VRR.
Cependant, de nombreux auteurs ont montré que les programmes de VRR peuvent développer des résultats physiques intéressants, certains montrant même que leurs programmes surpassent les programmes de réadaptation traditionnels. D'autre part, d'autres auteurs ont constaté des résultats médiocres lors du test des programmes de VRR.
En outre, les effets des programmes de VRR ont été justifiés de diverses manières, laissant les chercheurs et les praticiens incertains des mécanismes susceptibles de rendre les programmes de VRR plus efficaces que des programmes de réadaptation comparables.
Ainsi, deux questions de recherche importantes pour les programmes de VRR sont restées sans réponse : 
Les programmes de VRR sont-ils efficaces ? Et si oui, pourquoi les programmes de VRR sont-ils efficaces ?
Dans la présente étude, la revue systématique de la littérature a identifié trois mécanismes qui étaient couramment suggérés pour provoquer le succès ou l'échec du programme de VRR, et ces mécanismes ont été observés dans toutes les recherches portant sur tous les résultats.
L'excitation accrue, la fidélité physique et la fidélité cognitive.

L’excitation accrue :
Dans les programmes de rééducation typiques, les patients perçoivent souvent leurs expériences comme ennuyeuses et répétitives, en particulier lorsque les patients sont des enfants. Cette diminution de motivation aura des conséquences inévitables sur l’issue de la réhabilitation. Pour résoudre ce problème, il a été suggéré que la VR ajoute de l'enthousiasme à un programme de réhabilitation par ailleurs ennuyeux. Que ce soit pour explorer un nouveau monde ou effectuer des actions familières, les patients considèrent naturellement que les interactions avec un environnement de réalité virtuelle sont amusantes et intéressantes.
Pour tester les effets de la VR sur l'excitation et la motivation, les chercheurs ont développé plusieurs programmes de VRR dans lesquels les patients effectuent des activités ludiques. Les patients ont trouvé le programme VRR plus excitant et agréable qu'un programme de réadaptation traditionnel et ils ont déployé plus d'efforts au cours de ce programme par rapport à un programme de réadaptation classique. D'autres études ont également démontré que les programmes de VRR suscitaient un enthousiasme qui se traduisait par des réactions positives et une motivation accrue. Ces résultats ont été observés pour toute une gamme de mesures de résultats.
De même, ces avantages pour le plaisir et la motivation ont été observés dans des études avec des conceptions méthodologiques sophistiquées, y compris des études contrôlées longitudinales, et dans les quatre résultats de réadaptation primaire : contrôle moteur, équilibre, la marche et la force.
Malgré les avantages de l'excitation et de la motivation, très peu de ces études ont vérifié si une motivation accrue avait des effets bénéfiques sur les résultats de la réadaptation dans les programmes de VRR. Souvent, les études analysent l'engouement et la motivation isolément et les résultats de la réadaptation ne sont pas évalués.
Ensemble, ces études fournissent plusieurs déductions. Notamment, les patients perçoivent souvent les programmes VRR comme étant plus agréables que des programmes de réadaptation comparables, ce qui entraîne des avantages pour la motivation. Les auteurs doivent encore montrer, cependant, que cette motivation accrue amène explicitement les programmes de VRR à améliorer les résultats de la réadaptation au-delà des programmes de réadaptation comparables.
Bien qu'aucune recherche supplémentaire ne soit nécessaire pour démontrer que les programmes de VRR suscitent plaisir et motivation, des recherches futures sont certainement nécessaires pour montrer de manière empirique que plaisir et motivation sont les mécanismes de médiation entre les programmes de VRR et les résultats de la réadaptation. Par conséquent, bien que les programmes de VRR aient beaucoup démontré de plaisir et de motivation, beaucoup reste à découvrir.

Fidélité physique :
Souvent, les patients participant à des programmes de rééducation classiques développent leurs capacités en adoptant des comportements qui diffèrent des activités habituelles. Par exemple, pour développer le contrôle moteur, les patients sont amenés à réaliser des comportements abstraits, tels que bouger la main dans un cercle ou effectuer des tapotements avec les doigts, au lieu de réaliser des activités de contrôle moteur plus fonctionnelles, telles qu'écrire avec un crayon ou manipuler des objets.
Généralement, de tels comportements sont mis en œuvre pour développer des muscles spécifiques ou des aspects particuliers des capacités souhaitées mais également lorsque les patients ne peuvent pas effectuer des activités plus complexes. Cependant, de nombreux auteurs se sont interrogés sur la capacité de pratiques différentes à développer des résultats de réadaptation et plaident en faveur de « l’apprentissage par imitation », selon lequel les programmes de réadaptation peuvent être plus bénéfiques lorsque les patients adoptent des comportements qui imitent les tâches de transfert souhaitées. L'exécution des activités d'intérêt réelles fournit les indications pertinentes nécessaires pour apprendre l'activité souhaitée. Par exemple, les individus modifient leurs habitudes de marche lorsqu'ils traversent des surfaces en pente, et l'apparence visuelle d'une pente incite inconsciemment à ces modifications.
De plus, dans les programmes de rééducation classiques, les patients peuvent avoir besoin de « traduire » leurs capacités physiques acquises en application réelle. Ne réaliser que certains aspects des capacités peut influencer négativement l’acquisition des compétences. Bien que les patients puissent soulever leur bras, manœuvrer leurs doigts et faire pivoter leur poignet, ils peuvent ne pas être en mesure de faire chacune de ces activités de manière séquentielle pour écrire avec un crayon.
Par conséquent, de nombreux auteurs proposent que les stratégies adoptées dans les programmes de réadaptation tendent vers le développement de capacités plus fonctionnelles. Des tâches de rééducation similaires aux activités souhaitées peuvent activer des voies neurologiques, qui peuvent entraîner des bénéfices de rééducation cognitifs et physiques. En activant les voies neurologiques, les aspects pertinents du fonctionnement cognitif peuvent être renforcés, ce qui peut également développer des résultats physiques. Ainsi, la capacité à développer des voies neurologiques est particulièrement importante pour les efforts de réadaptation, qui peuvent être atteints par le biais de programmes réalistes.
Heureusement, les programmes de VRR peuvent être une solution à ces problèmes. Les technologies modernes peuvent présenter n'importe quel scénario dans un environnement de réalité virtuelle, permettant aux patients participant à un programme de VRR de développer des résultats en effectuant des comportements similaires. Par exemple, Holden et ses collègues (2002) ont créé un programme de contrôle moteur VRR dans lequel les patients effectuent leurs activités quotidiennes dans un environnement numérique, par exemple en plaçant une enveloppe dans une fente à courrier.
Les recherches existantes, cependant, ont fourni très peu de preuves que la fidélité physique améliore réellement les résultats de la réadaptation. Les auteurs ont montré que les programmes de VRR qui présentent des scénarios réalistes et des comportements pratiques rapides peuvent améliorer les résultats de la réadaptation mais les recherches n'ont pas encore montré que la fidélité physique en était la cause exacte de succès.
Actuellement, la recherche n’a pas encore démontré que la fidélité physique ou ces avantages entraînent de meilleurs résultats en matière de réadaptation (une question de recherche importante pour les enquêtes futures). Par conséquent, bien que la fidélité physique soit souvent considérée comme un avantage considérable des programmes de VRR, la recherche existante n’a pas encore confirmé cette notion.

Fidélité cognitive :
Lorsqu'ils suivent un programme de rééducation traditionnel, les patients adoptent souvent des comportements de pratique dans un environnement relativement dépourvu de stimulus. Cependant, lors de l'exécution de ces comportements en dehors d'un environnement clinique, de nombreuses exigences cognitives peuvent être présentes. En marchant, par exemple, on s'attend à ce que les gens tiennent une conversation et accordent leur attention à d'autres activités.
Les auteurs ont suggéré que la fidélité cognitive, c'est-à-dire la mesure dans laquelle un programme induit des processus psychologiques similaires à l'environnement, est un élément important d'un programme de réadaptation réussi.
Les chercheurs ont appliqué plusieurs méthodes pour augmenter la fidélité cognitive dans un programme de réadaptation typique. On demande souvent aux patients d'adopter des comportements pratiques tout en ayant une conversation non pertinente ou en résolvant des problèmes mathématiques. Bien que ces méthodes aient été couronnées de succès, les auteurs ont suggéré que des exigences cognitives encore plus réalistes permettraient d'obtenir d'autres avantages.
La réalité virtuelle peut présenter toute une gamme de scénarios exigeant une attention cognitive, empêchant les patients de se consacrer entièrement à l’exécution de la tâche.
Plusieurs auteurs ont également testé des programmes VRR avec une fidélité cognitive accrue pour le développement de la marche. Mirelman et coll (2010) ont comparé un programme de VRR à un programme typique de tapis de course. Dans le VRR, les participants devaient « prendre des décisions en matière de négociation d’obstacles, tout en continuant de marcher. Ces décisions ont été rendues plus difficiles avec des facteurs de distraction, tels que des modifications de l'éclairage et des objets en mouvement ».
Le programme VRR a été plus efficace pour développer la vitesse de marche et la longueur de foulée dualtask, mais les deux programmes ont été tout aussi efficaces pour développer la vitesse de marche habituelle. Shema et coll (2013) ont utilisé un programme similaire. Les patients ont amélioré leur mobilité et diminué leur risque de chute, mais aucun groupe de comparaison n’a été utilisé.
Ces résultats fournissent plusieurs déductions remarquables. Les programmes de VRR avec une fidélité cognitive accrue peuvent améliorer la performance à deux tâches, mais, dans leur forme actuelle, ils ne procurent pas de plus grands avantages que les programmes traditionnels.

Discussion :
Le présent article avait pour objectif de répondre à deux questions de recherche importantes pour l’avenir des programmes de VRR. Le premier était : les programmes de VRR sont-ils efficaces ? 
La méta-analyse a révélé que les programmes VRR étaient globalement plus efficaces que les programmes classiques, démontrant un effet significatif et modéré.
Une variation notable a été observée pour la marche. Bien que leurs effets respectifs aient été extrêmement importants et positifs, ils n’ont été que marginalement significatifs, ce qui a mis en doute l’efficacité réelle des programmes de VRR pour le développement de la marche. De même, les VRR étaient plus efficaces pour développer le contrôle et l’équilibre moteurs, mais les effets étaient faibles.
Ensemble, ces résultats sont prometteurs pour l'efficacité des programmes de VRR. 
Par conséquent, la réponse à la première question de recherche de l’article actuel - Les programmes de VRR sont-ils efficaces ? - serait oui.
La deuxième question de recherche dans le présent article était : Pourquoi les programmes de VRR sont-ils efficaces ? 
À partir de cette revue systématique, trois mécanismes de médiation ont été proposés pour expliquer ce succès. Ce sont l'excitation accrue, la fidélité physique et la fidélité cognitive. 
Bien que récemment développés, les programmes de VRR ont déjà trouvé leur place dans la recherche et la pratique en réadaptation. Il y a quelques années à peine, les auteurs ne parvenaient toujours pas à savoir si les programmes de VRR procureraient des avantages autres que les programmes de réadaptation traditionnels (Holden et al., 2002 et 2005; Subramanian et al., 2013). À présent, il devrait être clair que les programmes de VRR sont en mesure de fournir des avantages supplémentaires aux programmes traditionnels. Cependant, il n'est toujours pas clair si leurs coûts sont inférieurs aux avantages, et une analyse coûts-avantages doit être menée avant d'appliquer cette nouvelle technologie.

Conclusion :
Bien que les programmes de VRR soient relativement nouveaux, ils sont déjà plus efficaces que les programmes de réadaptation traditionnels.  Alternativement, on ignore encore beaucoup sur le mécanisme de médiation qui contribue au succès du VRR. Trois mécanismes ont été proposés dans la littérature : plaisir, fidélité physique et fidélité cognitive. Les auteurs ont montré que le VRR incitait au plaisir et à la motivation, mais ces deux facteurs n’ont toujours pas été démontrés comme la cause de l’amélioration des résultats.
De même, peu de résultats de fidélité physique et cognitive ont été démontrés de manière empirique. La réponse à la question - pourquoi les programmes de VRR sont-ils efficaces ? - est encore inconnu, bien que certaines solutions possibles aient été suggérées.
Les applications actuelles du VRR sont prometteuses et plusieurs pistes de recherche et de pratique futures permettront probablement de développer davantage ces programmes afin d’obtenir des résultats encore meilleurs.

Article de référence : 
Howard, M. C. (2017). A meta-analysis and systematic literature review of virtual reality rehabilitation programs. Computers in Human Behavior, 70, 317-327.