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Un suivi de 20 ans après l'implantation de chondrocytes autologues de première génération



Ogura T el al.
 

Introduction


Les lésions du cartilage articulaire posent un problème complexe car, une fois abîmé, il existe une capacité inhérente limitée de guérison spontanée du cartilage. L'implantation de chondrocytes autologues (ACI) a été réalisée pour la première fois à Göteborg, en Suède, en 1987 par Brittberg et ses collègues (8), et leur première cohorte de cas a été rapporté en 1994.
La terminologie actuelle désigne "l'ACI de première génération" comme l'utilisation d'un lambeau périosté autologue provenant du tibia ou du fémur pour couvrir la zone lésionnelle. Au fil des années, l'ACI a été accepté comme un traitement bien établi et prometteur, en particulier pour les lésions relativement importantes du genou. De plus, l'effet bénéfique de cette chirurgie sur le fardeau économique pour la société a été rapporté (23,28,34).
Bien que plusieurs études aient rapporté des résultats cliniques durables et améliorés après un ACI sur une période de longue durée (1,4,5,26,33,35,36,46), à ce jour, il n'y a pas de rapport avec plus de 20 ans de suivi.
Contrairement à d'autres études qui recherchent des lésions petites et simples à comparer dans des essais cliniques (2,21,49), cette série a cherché à traiter les patients présentant des lésions cartilagineuses importantes que nous voyons couramment dans notre clinique chez les patients qui souhaitent éviter une prothèse et conserver leurs genoux biologiques.
Par conséquent, le but de cette étude était d'évaluer les résultats cliniques à long terme de l'ACI dans cette population de patients avec un minimum de 20 ans de suivi.
 

Méthode


Les auteurs ont examiné de façon prospective les données recueillies auprès de 23 patients (24 genoux, âge moyen, 35,4 ans [13,52 ans]) traités par ACI pour le traitement des lésions cartilagineuses articulaires importantes.
Une moyenne de 2,1 lésions par genou a été traité sur une surface totale moyenne de 11,8 cm2 (2,4-30,5 cm2) par genou. L'analyse de survie Kaplan-Meier et les résultats fonctionnels ont été utilisé, y compris le système de classification modifié de Cincinnati, l'indice d'arthrose Western Ontario and McMaster Universities Osteoarthritis (WOMAC) et le formulaire 36 (SF-36). Les patients ont également complété une évaluation de la douleur avec une échelle visuelle analogique et une enquête de satisfaction.
 

Résultats


Dans l'ensemble, le taux de survie était de 63% (IC à 95%, 40% -78%) à 10 et 20 ans (figure 2). Neuf genoux ont été considérés comme un échec au cours du suivi.

Un suivi de 20 ans après l'implantation de chondrocytes autologues de première génération
  • Résultats fonctionnels :
Tous les résultats rapportés par les patients pour les genoux avec des greffes conservées ont montré une amélioration significative à 2, 5 et 20 ans après l'opération par rapport aux scores préopératoires (Figures 3-7 et Tableau 4).

Un suivi de 20 ans après l'implantation de chondrocytes autologues de première génération

Un suivi de 20 ans après l'implantation de chondrocytes autologues de première génération
Les plus grandes améliorations des scores cliniques ont été observé au cours des 2 premières années. Il y a eu des baisses du score EVA moyen et du score Cincinnati moyen après 5 ans ; cependant, ces scores sont restés significativement améliorés par rapport aux valeurs préopératoires.
En revanche, aucune baisse n'a été observée dans le score total WOMAC après 5 ans.
Pour les genoux dont le traitement s’est soldé par un échec au cours de la période d'étude, il y avait une différence significative dans le changement du score de Cincinnati modifié entre l’évaluation pré-opératoire après 2 ans de suivi (P = 0,0370).
  • Satisfaction :
Sur 15 interventions réussies, 14 patients ont évalué la fonction du genou comme étant meilleure après l'intervention chirurgicale, et ont évalué les résultats spécifiques au genou comme étant bons (n = 4) ou excellents (n = 10).
Tous étaient satisfaits de la procédure (tableau 6).

Un suivi de 20 ans après l'implantation de chondrocytes autologues de première génération
Parmi les 15 patients qui ont évalué leur genou comme bon (n = 5) ou excellent (n = 10) deux ans après l'opération, 11 patients ont évalué leur genou comme bon (n = 2) ou excellent (n = 9) 20 ans après l'opération.
Sur 4 patients qui ont évalué leur genou comme étant assez bon à deux ans après l'opération, 2 patients ont évalué leur genou comme bon (n = 1) ou excellent (n = 1) à 20 ans. De plus, de 2 patients qui ont évalué leur genou comme étant pauvre à 2 ans, 1 l’a évalué comme étant bon à 20 ans.
Sur les 9 genoux qui ont échoué, tous les patients ont répondu aux questions en moyenne 4 mois avant leur échec. Quatre de ces 9 patients ont évalué leur genou opéré comme étant meilleur qu’avant l’intervention.
Chez ces 4 patients, leur niveau de douleur évalué avec l’EVA a été significativement amélioré cliniquement, bien que l'amélioration du score de Cincinnati modifié ait été médiocre. Ainsi, leur niveau d'activité n'a pas été significativement amélioré, ce qui a entraîné une seconde intervention.
 
  • Echecs :
Neuf des 24 genoux ont été considérés comme un échec dans cette période d'étude (tableau 7).

Un suivi de 20 ans après l'implantation de chondrocytes autologues de première génération
Deux genoux ont échoué après un événement traumatique.
Globalement, le délai moyen d'échec après la chirurgie était de 3,6 ans (extrêmes, 0,4-10 ans).
Cinq des neuf genoux ont subi une révision ACI en moyenne à 1,7 ans (intervalle de 0,4 à 4,1 ans) après l'opération. Parmi ces 5 genoux, 4 ont été traités avec révision ACI, dont 1 a échoué à cause d'une lésion traumatique (accident de la route) après révision ACI et a été traitée avec une réintervention ACI.
Le genou restant a été converti en arthroplastie à 1,9 an après révision ACI.
Les 4 autres genoux sur 9 ont été convertis en arthroplastie à une moyenne de 5,9 ans (intervalle: 2,2-9,8 ans) après l'opération initiale en raison de la progression de la pathologie.
 

Discussion


Dans cette revue d'un ensemble de données recueillies prospectivement, les données de 23 patients (24 genoux) qui ont subi une ACI de première génération pour des lésions cartilagineuses articulaires symptomatiques de l'articulation du genou avec un minimum de 20 ans de suivi ont été analysé.
Les résultats ont démontré un taux de survie de 63% à 10 et 20 ans après ACI de première génération et des améliorations significatives de tous les résultats cliniques sauf le sous-score de rigidité et le score MCS SF-36 de WOMAC.
Les améliorations les plus importantes des résultats cliniques ont été observées deux ans après l'opération et ont duré jusqu'à 20 ans.
Ces patients présentaient de larges lésions cartilagineuses invalidantes après des échecs de chirurgie antérieurs et souhaitaient conserver leurs genoux biologiques, ce qui était possible dans 19 des 24 genoux, correspondant à un taux élevé de satisfaction des patients de 79% au cours du suivi.
A notre connaissance, il s’agit de la plus longue étude de suivi de réparation du cartilage décrivant les résultats cliniques après la première génération d’ACI avec un minimum de 20 ans de suivi.
Ces résultats étaient en accord avec ceux des études précédentes qui ont montré des améliorations cliniques significatives à long terme après un ACI. Une revue systématique récente a montré des résultats positifs chez 82% des patients avec un suivi moyen de 11,4 ans (43).
Des études antérieures ont rapporté que le taux d'échec était de 7% à 26% avec un recul moyen de 11,2 ans. Ces résultats étaient comparables avec ceux de la présente étude dont le taux d'échec était de 33% à 10 ans après l'opération (33).
De plus, étant donné qu'une récente revue systématique a montré que les lésions plus importantes présentaient un risque accru d'échec, la présente étude, incluant notamment des lésions cartilagineuses plus importantes que celles des études précédentes, a montré que l'ACI permettait un taux de survie suffisant dans le traitement des lésions importantes du cartilage avec plus de 20 ans de suivi.
La sous-analyse pour le taux de survie n'a pas trouvé de différence significative ; cependant, le meilleur taux de survie (100%) à 20 ans après l'opération a été trouvé pour une lésion de taille < 4,5 cm2, et le pire taux (25%) a été trouvé chez les patients ayant précédemment subit une technique de stimulation de moelle osseuse (MST).
Cette observation était en accord avec des études antérieures qui ont montré un taux d'échec accru en cas de lésion dont la taille était > 4,5 cm2 et ACI ultérieur après MST (5,32,33,37,42).
Ainsi, les indications des MST doivent être considérées avec précaution car elles peuvent affecter négativement les résultats de l'ACI en tant que procédure de sauvetage.
De plus, les patients qui ne comprennent pas les protocoles de physiothérapie postopératoires et qui ne sont pas disposés à modifier leurs activités pour des activités sans impact ou pivotantes pendant 12 à 18 mois après l'opération ne devraient pas être considérés comme candidats à l'ACI.
À ce jour, il n'y a pas de preuves solides concernant le bénéfice d'une combinaison de réparation du cartilage et d'ostéotomie par rapport à l'ostéotomie seule.

Seule une étude comparative permettra de déterminer le véritable avantage de l'ACI.
 
La plus grande amélioration des scores fonctionnels a été observé au cours des deux premières années de notre étude. Cette découverte était cohérente avec celles des études précédentes.
Peterson et al (44) ont montré que les résultats cliniques à 2 ans étaient maintenus lors du rapport final de l’évaluation de suivi à une moyenne de 6,5 ans.
Moseley et al (36) ont rapporté que 87% des patients ayant présenté une amélioration après 1 à 5 ans de suivi ont également montré une amélioration au cours d’une période de suivi plus longue de 6 à 10 ans.
De même, la présente étude a montré que 11 des 14 patients (79%) qui ont rapporté une amélioration (score d'état général modifié de Cincinnati avec une augmentation > à 2 points) 2 ans après l'opération ont également montré une amélioration à 10 et 20 ans de suivi.
De plus, il y avait une différence significative dans la variation du score de Cincinnati modifié entre l’évaluation préopératoire et à 2 ans pour les genoux qui ont été traité avec succès pendant 20 ans et les genoux qui ont finalement échoué (P = 0,0370).
Par conséquent, ces résultats indiquent que l'amélioration à 2 ans après l'opération, en particulier déterminée par le score de Cincinnati modifié supérieur à 2 points, était un prédicteur pour un résultat favorable jusqu'à 20 ans.
 
La présence de tissu hyalin contenant du collagène de type II après la réparation de par ACI était en corrélation avec des résultats cliniques bons à excellents (10,20,45).
Une étude de recherche fondamentale (47) a montré que le procollagène IIA, qui indique un phénotype chondroprogéniteur immature au lieu de chondrocytes matures, a augmenté de < 2% dans les 2 premières années postopératoires à 30% 3 à 5 ans après la chirurgie. Cette étude a suggéré que le tissu de réparation de cartilage produit après ACI prend probablement plus de 2 ans pour arriver à maturité.

Alors que tous les résultats, à l'exception du score de rigidité WOMAC et du score MCS SF-36 à chaque suivi, se sont significativement améliorés par rapport à l’évaluation initiale, nous avons constaté une légère baisse des scores EVA et Cincinnati modifiés après 5 ans. Cependant, la diminution observée n’était pas cliniquement significative.
Même s'il ne fait aucun doute que les effets du vieillissement diminuent la fonction physique, la chirurgie ACI a fourni une durabilité suffisante et un taux de satisfaction des patients très élevé.
Bien que le score de synthèse du composant physique du SF-36 se soit amélioré de manière significative, le score MCS du SF-36 n'a pas atteint une amélioration significative par rapport à la période préopératoire, sauf à 10 ans de recul.
 
En ce qui concerne la satisfaction rapportée par les patients, tous les patients avec des greffes conservées pendant plus de 20 ans étaient satisfaits de l'ACI.
Parmi les 9 genoux qui ont échoué au cours du suivi, 4 patients ont évalué leur genou comme étant meilleur qu’avant l’intervention, et ils étaient également satisfaits de l'intervention chirurgicale. La raison de leur satisfaction pourrait s'expliquer par le fait que leur niveau de douleur s'est amélioré significativement, bien que leur niveau d'activité soit resté médiocre.
 
Depuis sa première description en 1994, ACI a évolué dans ses indications et techniques pour traiter les «facteurs de fond» concomitants pour les anomalies chondrales et le remplacement de la membrane périostée.
L'utilisation du périoste est techniquement difficile à récolter et à manipuler, est douloureuse pour les patients en raison de la nécessité d'une incision supplémentaire pour la récolte prétibiale, et augmente le risque d'arthrofibrose lorsqu'il est prélevé au niveau fémoral (17).
L'utilisation du périoste a été abandonnée en 2007 pour l'utilisation d'une membrane de collagène, ce qui a rendu la procédure plus prévisible pour le patient et le chirurgien, diminuant le besoin de procédure chirurgicale subséquente jusqu'à 50%. Ce suivi de l'ACI de première génération est donc d'un intérêt historique et porte sur la durabilité du tissu de réparation formé par la procédure.
 
Des techniques pour traiter l'os sous-chondral sous-jacent altéré après MST pour réduire le risque d'échec en conjonction avec ACI sont en cours de développement (29,51) qui pourraient améliorer les taux de survie et les résultats fonctionnels dans cette cohorte de patients.
L'auteur principal (T.M.) commente également que certains des patients traités dans cette série peuvent ne pas répondre à un ensemble d'indications ACI plus raffinées en raison de l'étendue de la maladie ou d'autres facteurs sous-jacents non reconnus.
Par exemple, l'effet du tabagisme, des MST antérieurs échoués et de l'utilisation de narcotiques de base avant l’ACI ont tous été considéré comme ayant un effet négatif sur les résultats cliniques (19,32).

En outre, le coût de cette procédure devrait être pris en considération, car il a été noté que l'ACI est une procédure plus coûteuse que d'autres procédures de réparation du cartilage.

Cependant, plusieurs études ont démontré le rapport coût-efficacité de l'ACI en raison de l'amélioration durable des résultats à long terme (23,28,34).
 
En conclusion, cette petite étude de patients réalisée il y a 20 ans montre que l'ACI périostée de première génération apporte des améliorations cliniques fiables et durables sur 20 ans, avec la plus grande augmentation de la fonction et du soulagement de la douleur dans les 2 premières années. Les genoux biologiques ont été conservé chez 79% des patients âgés de 35,4 ans, en moyenne, au début de l'étude avec une large zone de lésions cartilagineuses de 11,8 cm2, en moyenne, par genou. De plus, une très grande satisfaction des patients (19/24, 79%) pendant la période de suivi a été constaté.
 

Article de référence


Ogura, T., Mosier, B. A., Bryant, T., & Minas, T. (2017). A 20-year follow-up after first-generation autologous chondrocyte implantation. The American journal of sports medicine45(12), 2751-2761.
 
 
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