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Thérapie active : Ecole du dos vs Mc Kenzie



Les douleurs lombaires chroniques non spécifiques (définies comme des « douleurs lombaires d’une durée d’au moins 12 semaines et sans cause spécifique ») [1, 2] sont parmi les localisations de douleurs les plus courantes dans la population actuelle [3]. La lombalgie chronique est fréquemment associée à des facteurs physiques (handicap) et psychologiques (stress, états dépressifs…) et à un taux d’absentéisme au travail plus important. Etant donné la prévalence importante de cette pathologie au sein de la population et particulièrement celle du secteur tertiaire, les coûts de santé associés aux soins et aux arrêts de travail sont élevés [4]. Environ 60% des patients lombalgiques chroniques ne se considèrent pas entièrement rétablis une année après le déclenchement des premiers symptômes avec des douleurs modérées persistantes et une incapacité dans certaines tâches quotidiennes [5,6]. Ainsi, beaucoup d’entre eux sont devenus des « addicts » des services de santé afin de trouver le traitement qui pourra diminuer totalement leurs symptômes.
A l’heure actuelle, les traitements combinant éducation thérapeutique et exercices supervisés de renforcement du tronc sont considérés dans la littérature et chez les praticiens comme les interventions thérapeutiques les plus efficaces chez les lombalgiques chroniques aux étiologies non spécifiques [7,8]. En effet, les  bénéfices cliniques de ces méthodes actives tendent à persister au moins 6 mois après la période de traitement comparés à des méthodes classiques passives [8]. De plus, il existe également des preuves que ces programmes d’exercices actifs participent également à la réduction des récidives [9]. Les deux méthodes les plus connues aujourd’hui que sont l’Ecole du dos (approche thérapeutique de groupe) et la méthode Mc Kenzie (approche thérapeutique individuelle) sont des méthodes intéressantes car elles incluent à la fois l’éducation thérapeutique du patient sur sa pathologie et un programme d’exercices actifs à réaliser au cabinet et à domicile [10, 11].


L’école du dos fut développé en 1969 en Suède par Mariane Zachrisson Forssel dans le but de gérer les épisodes de lombalgie des patients et de prévenir les récidives. Le programme est composé de 4 sessions d’une durée de 45 min environ contenant chacune une partie théorique et pratique avec des exercices ayant pour cible la mobilité, la souplesse et le renforcement musculaire.
La méthode Mc Kenzie quant à elle (connue aussi sous l’appellation « Diagnostic and Mechanical Therapy ») fut proposée par Robin Mc Kenzie en 1981 et se base sur trois éléments. Le premier est le bilan qui permet de classifier, en fonction de la réponse du sujet à des postures ou mouvements répétés, le syndrome du patient (syndrome postural, dérangement et dysfonction). Puis suit les exercices de management du patient basés sur la préférence directionnelle trouvée lors du bilan (diminution de la douleur, centralisation des symptômes ou amélioration de l’amplitude articulaire) et enfin la prévention qui donne aux patients des outils théoriques et pratiques pour prévenir les récidives et gérer de façon autonome les rechutes le cas échéant [12, 13].

A l’heure actuelle, aucune étude n’a directement comparé l’efficacité de ces deux méthodes actives chez des sujets lombalgiques chroniques. Ainsi, l’objectif de cet essai contrôlé randomisé paru en 2013 dans la revue Physical Therapy [14] était de comparer les résultats cliniques de la méthode Mc Kenzie par rapport à celle de l’Ecole du dos chez des patients lombalgiques chroniques non spécifiques au niveau de critères comme l’intensité de la douleur, l’incapacité, la qualité de vie et l’amplitude de mouvement de flexion du tronc.

Conduite dans une clinique du Brésil à Sao Paulo de juillet 2012 à février 2012, l’étude s’appuya sur un panel de 148 patients répartis équitablement en deux groupes « Ecole du dos » ou « Mc Kenzie ».

Un programme de 4 semaines avec une séance par semaine dirigée par un thérapeute de façon collective (Ecole du dos) ou individuelle (Mc Kenzie) et des exercices à réaliser quotidiennement était donné aux patients de l’étude (Table 1).
 


Les résultats cliniques furent enregistrés à 1, 3 et 6 mois et une très bonne compliance des patients fut notée (> 98% dans l’ensemble des deux groupes). Les premiers résultats mesurés à 1 mois furent l’intensité de la douleur (échelle numérique 0-10 [15]), l’incapacité (Rolland Morris Disability Questionnaire [16], la qualité de vie (World Health Organization Quality of Life-BREF intrument [17]) et l’amplitude de flexion du tronc (inclinomètre [18]). Les mesures effectuées à 3 et 6 mois furent les mêmes exceptée l’amplitude de flexion du tronc.

Les résultats ont démontré qu’après 1 mois de traitement il existait une réduction de la douleur et de l’incapacité des patients dans les deux groupes de travail. La plupart des améliorations cliniques observées à court terme furent maintenues à 3 et 6 mois. Les sujets du groupe Mc Kenzie ont eu de meilleurs résultats au niveau du marqueur « incapacité » à 1 mois mais non au niveau de l’intensité de la douleur par rapport au groupe « Ecole du dos ». Il en est de même à 6 mois concernant la qualité de vie.
Un résultat clinique devient important quand au moins une amélioration de 20% par rapport à l’état initial est trouvée. C’est-à-dire au moins 2 points à l’EVA pour la douleur et 5 points pour le questionnaire Rolland-Morris concernant l’incapacité [19,20]. La grandeur moyenne trouvée pour cette dernière dans cette étude est faible (2.37 points sur une échelle de 0-24) mais basée sur l’analyse précise du nombre de sujets, pour 4 patients traités avec la méthode Mc Kenzie, 1 patient améliore d’au moins 5 points son score d’incapacité sur le questionnaire de Rolland-Morris, ce qui peut finalement être considéré comme un résultat clinique important. Et de même, dans la totalité des deux échantillons, un nombre plus important de sujet du groupe Mc Kenzie a atteint cette différence minimale (n=39) par rapport au groupe Ecole du dos (n=22) ce qui là aussi est un résultat non négligeable à prendre en compte.

Les résultats de cette étude nous prouvent que les méthodes actives ont une efficacité certaine par rapport aux méthodes passives sur le moyen et long terme. Et si aucun groupe contrôle « sans traitement » a été inclus dans cette étude, ce qui pourrait sembler comme un véritable biais, c’est pour la simple raison que cette décision est basée sur une revue Cochrane récente étudiant les effets de l’exercice physique sur l’intensité de la douleur chez des patients lombalgiques chroniques. Cette revue concluait alors que les thérapies physiques (selon les exercices choisis) étaient au moins de 10 points supérieurs (échelle de 0-100) à une absence de traitement [21].

Pour conclure, nous pourrions dire que si les deux méthodes semblent donner des résultats sensiblement identiques, il serait cependant intéressant, dans une étude ultérieure, de se pencher sur plusieurs aspects non pris en compte ici comme le coût financier de chaque méthode pour le patient, la bonne dose d’exercice à donner, la sensibilité physique (réponse clinique) et psychique (compliance) du patient à une méthode. Car chacune des deux méthodes présentées dans cette recherche peut correspondre à un type de patient et non à un autre. Par exemple, un patient autonome, très volontaire ou ayant tout simplement ressenti le phénomène de centralisation adhérera bien plus facilement à la méthode Mc Kenzie qu’un patient plus passif ayant besoin d’une prise en charge supervisée et répondant mieux à un esprit thérapeutique de groupe où soin et social vont de pair.


Et croyez-moi, encore la semaine dernière j’ai dû me résigner à continuer la méthode Mc Kenzie avec une jeune patiente. Consciente de l’efficacité de la méthode sur ses douleurs lombaires et pourtant en vacance, elle ne « trouvait pas le temps » de faire les exercices à la maison et réclamait plutôt un massage qui lui « détendrait le dos ». Que voulez-vous ? Nous avons donc repris, à mon regret, du soin manuel, le travail de gainage musculaire profond et superficiel et sur Huber. No comment... Etre professionnel, n’est-ce donc pas aussi adapter ses techniques aux patients même si on en préférerait d’autres ?
Si on aime chez Kinesport la maxime « ne choisissez pas la technique que vous préférez mais préférez la technique que vous choisissez », elle prend encore ici tout son sens.


Texte écrit par Arnaud Douville de franssu
[1] Airaksinen O, Brox JI, Cedraschi C, et al.Chapter 4: European guidelines for the management of chronic nonspecific low back pain. Eur Spine J. 2006;15(suppl 2):S192–S300.
 
[2] Waddell G. The Back Pain Revolution. 2nd ed. London, United Kingdom: Churchill Livingstone; 2004.
 
[3] Hoy D, Bain C, Williams G, et al. A systematic review of the global prevalence of low back pain. Arthritis Rheum. 2012;64: 2028–2037.
 
[4] Dagenais S, Caro J, Haldeman S. A systematic review of low back pain cost of illness studies in the United States and internationally.Spine J. 2008;8:8 –20.
 
[5] Costa Lda C, Maher CG, McAuley JH, et al. Prognosis for patients with chronic low back pain: inception cohort study. BMJ. 2009;339:b3829.
 
[6] da C Menezes Costa L, Maher CG, Hancock MJ, et al. The prognosis of acute and persistent low back pain: a meta-analysis.CMAJ. 2012;184:E613–E624.
 
[7] van Tulder MW. Chapter 1: European guidelines. Eur Spine J. 2006;15:134–135.
 
[8] van Middelkoop M, Rubinstein SM, KuijpersT, et al. A systematic review on the effectiveness ofphysical and rehabilitationinterventions for chronic non-specific low back pain. Eur Spine J. 2011;20:19 –39.
 
[9] Choi BK, Verbeek JH, Tam WW, Jiang JY.Exercises for prevention of recurrences of low-back pain. Cochrane Database Syst Rev. 2012;(1):CD006555.
 
[10] Machado LA, de Souza MV, Ferreira PH, Ferreira ML. The McKenzie method for low back pain: a systematic review of the literature with a meta-analysis approach. Spine (Phila Pa 1976). 2006;31:254–262.
 
[11] Martijn H, Van Tukder MW, Rosmin E, et al. Back schools for non-specific lowback pain. Cochrane Database Syst Rev. 2012;(1):CD006555.
 
[12] McKenzie R, May S. The Lumbar Spine Mechanical Diagnosis and Therapy. Vol2. 2nd ed. Waikanae, New Zealand: Spinal Publications; 2003.
 
[13] McKenzie R, May S. The Lumbar SpineMechanical Diagnosis and Therapy. Vol 1. 2nd ed. Waikanae, New Zealand: SpinalPublications; 2003.
 
[14] L. Pena Costa Gondo, F. Navarro Cyrillo, R Alqualo Costa and al. Exercises in Patients With Chronic Nonspecific Low Back Pain: A Randomized Controlled Trial. Phys Ther. 2013
 
[15] Costa LO, Maher CG, Latimer J, et al. Clinimetric testing of three self-report outcome measures for low back pain patients in Brazil: which one is the best? Spine (Phila Pa 1976). 2008;33:2459–2463.
 
[16] Costa LO, Maher CG, Latimer J, et al. Clinimetric testing of three self-report outcome measures for low back pain patients in Brazil: which one is the best? Spine (Phila Pa 1976). 2008;33:2459–2463.
 
[17] Fleck MP, Louzada S, Xavier M, et al. Application of the Portuguese version of the abbreviated instrument of quality life WHOQOL-BREF [article in Portuguese]. Rev Sau´de Pu´blica. 2000;34:178–183.
 
[18] Istituto Code de Pesquisa ICP. ICP SoftwareSolution Pack [computer program]. Rio de Janeiro, Brazil. 2008.
 
[19] Ostelo RW, Deyo RA, Stratford PW, et al.Interpreting change scores for pain andfunctional status in low back pain:towards international consensus regarding minimal important change. Spine (Phila
Pa 1976). 2008;33:90 –94.
 
[20] Bombardier C, Hayden J, Beaton DE. Minimal clinically important difference; lowback pain: outcome measures. J Rheumatol. 2001;28:431–438.
 
[21] Hayden J, van Tulder MW, Malmivaara A, Koes BW. Exercise therapy for treatment of non-specific low back pain. Cochrane Database Syst Rev. 2012;(3):CD000335