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Tendinopathie et inflammation: nouvel épisode?



Tendinopathie et inflammation: nouvel épisode?
Comme nous avons tous pu le constater dans nos salles de soin en cabinet ou en club, la tendinopathie est une pathologie extrêmement fréquente et aux traitements, il faut bien se l’avouer, assez incertains. Nombreux et longs, ils démontrent par la même leurs propres faiblesses thérapeutiques.
 
Pourtant la recherche fondamentale sur le tendon est active. Depuis les années 1990-2000, les praticiens ont du accepter « la preuve irréfutable » que le terme « tendinite » devait être abandonné au profit du terme de « tendinopathie ». Mettant en évidence l’absence de cellules inflammatoires au sein du tendon, plusieurs études ont démontré que des mécanismes de surcharge tendineuse étaient principalement à l’origine de la dégénérescence tendineuse [1-4]. Prônant alors l’abandon des injections de corticostéroïdes et des AINS qui ne répondaient plus à la pathologie, plusieurs auteurs (Stanish, Alfredson…) ont encouragé la mise en place de traitements physiques basés sur des étirements et un travail excentrique [5-7].
 
Bien que l’aspect essentiellement « non-inflammatoire » des tendinopathies (tendinose et enthésopathie) ne peut être remis en question aujourd’hui, un article paru très récemment dans le BJSM (mars 2013) [8] tient à nuancer certaines considérations histo-pathologiques sur les tendinopathies et donner ainsi de « nouvelles » pistes de réflexion thérapeutiques. Ils considèrent en effet qu’aborder toutes les tendinopathies chroniques comme « entièrement » non-inflammatoires est une simplification excessive de la réalité au point de devenir trompeuse.
 
Depuis quelques temps, les thérapies physiques (étirements, protocole excentrique, ondes de choc, laser, crochetage, scrapping…), les injections (PRP, produits sclérosants (Polidocanol), acide botulique…) et les traitements chirurgicaux (peignage) sur des tendons dégénératifs ont conduit à une approche thérapeutique différente. Le but n’étant plus ici « anti-ite » mais « anti-ose » en maîtrisant le remodelage tendineux, la stimulation collagénique et la destruction de la néo-vasculo-innervation péri-tendineuse douloureuse.
 
Ils rappellent, en effet, que tout au long des dernières années, la tendinose chronique due à la dégénérescence tissulaire est devenu dorénavant le paradigme dominant mais que la dernière décennie ne nous a pas fourni pour autant de thérapies qui réussissent efficacement à «guérir» le tendon.
 
Ces auteurs pensent qu’il n'est pas certain que l'inflammation ne soit pas impliquée dans le développement ou la progression de la tendinopathie. Le fait que le terme de « tendinopathie » soit désormais le paradigme absolu peut avoir deux conséquences néfastes. D'abord, il simplifie la compréhension des processus pathologiques. Deuxièmement, il peut nous conduire à ignorer des traitements potentiellement efficaces dans la tendinopathie chronique.
 
Ils soulignent qu’il est possible qu'avec le temps, notre compréhension de la tendinopathie ressemblera davantage à notre compréhension actuelle des processus pathologiques de l'arthrose. On sait, à l’heure actuelle, que l'arthrose n’est pas simplement causée par le vieillissement et la surcharge mécanique du cartilage, mais qu’il est un processus actif avec infiltration de cellules inflammatoires [9, 10]. Pour établir une comparaison avec la tendinose, la surcharge mécanique du tissu cartilagineux reste un moteur essentiel de la pathologie arthrosique, mais les analyses histo-pathologiques suggèrent qu'elle est néanmoins médiée par des éléments de la réponse inflammatoire.
 
En outre, ils rappellent que même si l'inflammation n'est pas présente à un moment donné, cela ne signifie pas nécessairement qu'aucune inflammation n’a provoqué initialement de changements tendineux. Par exemple, dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), il n'est pas contesté que l'inflammation provoque des dégâts. Cependant, dans la PR traitée (en rémission clinique) les dégénérescence sont les principales constatations histologiques et ne sont pas accompagnées d'infiltrats inflammatoires. Ils surajoutent même qu’à l’échographie, une enthésopathie d’une arthrite inflammatoire confirmée est indiscernable de celle observée dans une tendinopathie.
 
La tendinopathie chronique devrait alors être considérée comme un processus de dégradation qui semble impliquer de nombreux aspects dégénératifs en commun avec d'autres affections rhumatologiques musculo-squelettiques.
 
Bien que les principaux moteurs de la formation de cette néo-vasculo-innervation douloureuse dans la tendinopathie chronique fassent encore l'objet de recherches en cours, il commence à y avoir des preuves tangibles que ce processus pourrait impliquer des éléments de la réponse inflammatoire
 
Conclusion :
Au cours de la dernière décennie, plusieurs modèles ont été proposés pour expliquer la physiopathologie de la tendinopathie mais tous ont suggéré un processus dégénératif par surcharge mécanique du tendon et donc « non-inflammatoire » par nature.
 
Cet article à voulu mettre en évidence les limites de ce point de vue actuel, énoncé désormais comme paradigme. Des outils de recherche plus modernes ont confirmé la présence de cellules inflammatoires, y compris de macrophages et lymphocytes dans les tendinopathies chroniques.
 
Attention, pour les auteurs, cela ne signifie pas que le traitement de la tendinopathie peut être réalisé en miroir de celui des tendinopathies chroniques dues à une arthrite inflammatoire. En effet, ces derniers ne préconisent évidemment pas de revenir au modèle de la « tendinite » et il ne fait aucun doute que l'abandon des anti-inflammatoires, principale stratégie thérapeutique dans les « tendinites », a eu un grand avantage pour le traitement des tendinoses ou enthésopathies, en mettant l'accent sur la réadaptation active du tendon.
 
Ils concluent alors que « la surcharge mécanique est encore susceptible d'être le facteur dominant impliqué dans l'initiation d'une réponse inflammatoire - le fait est qu’au moins une partie des dégâts causés par cette surcharge est médiée par un processus qui implique des éléments du processus inflammatoire. Si la science fondamentale impliquée dans la tendinopathie nous donne de nouvelles pistes potentielles de travail, il est à espérer que la recherche sur le tendon sera stimulée par une plus grande prise de conscience du potentiel de gestion et de ciblage de la réponse inflammatoire ».
 
Texte écrit par Arnaud Douville de franssu
[1] Puddu G, Ippolito E, Postacchini F. A classification of Achilles tendon disease. Am J Sports Med 1976; 4: 145–50
[2] Aström M, Rausing. Chronic Achilles tendinopathy. A survey of surgical and histopathologic findings. Clin Orthop Relat Res 1995;316:151–64.
[3] Józsa L, Kannus P. Histopathological findings in spontaneous tendon ruptures. Scand J Med Sci Sports 1997; 2: 113–18.
[4] Khan KM, Cook JL, Bonar F, et al. Histopathology of common tendinopathies. Update and implications for clinical management. Sports Med 1999; 27: 393–408
[5] Stanish W, Rubinivich M, Curwin S: Eccentric exercise in chronic tendinitis. Clinical Orthopaedics and Related Research 1986; 2008: 65-8
 
[6] Alfredson H, Pietilä T, Jonsson P, Lorentzon R : Heavy-load eccentric calf muscle training for the treatment of chronic Achilles tendinosis. Am J Sport Med 1998; 26: 360-6
 
[7] Purdam C, Johnsson P, Alfredson H, Lorentzon R, Cook J-L, Khan K: A pilot study of the eccentric decline squat in the management of painful chronic patellar tendinopathy. Br J Sports Med 2004; 38: 395-7
 
[8] Jonathan D Rees, Matthew Stride,  Alex Scott Tendons – time to revisit inflammation  Br J Sports Med Published Online First: 9 March 2013 
[9] Nakamura H, Yoshino S, Kato T, et al. T-cell mediated inflammatory pathway in osteoarthritis. Osteoarthritis Cartilage, 1999; 7:401–2.
[10] Shen PC, Wu CL, Jou IM, et al. T helper cells promote disease progression of osteoarthritis by inducing macrophage inflammatory protein-1γ. Osteoarthritis Cartilage 2011;19:728–36.