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Températures du genou mesurées in vivo après reconstruction du ligament croisé antérieur par arthroscopie suivie de cryothérapie par coldpack ou par extraction de la chaleur contrôlée par ordinateur



Introduction
 
La cryothérapie (CT) est couramment utilisée dans plusieurs domaines de la pratique kinésithérapique (traitements post-opératoires orthopédiques, traumatologie, chirurgie faciale, prévention de la douleur dans le sport, …) [1], et ce, via plusieurs modalités d’application (vessie, ice-pack, appareil réfrigérant, air pulsé, …). Il est pensé depuis plusieurs années, la plupart du temps à partir de preuve empirique, que la CT après ligamentoplastie du ligament croisé antérieur (LCA) contribue à réduire l’œdème, l’inflammation, la formation de l’hématome, la douleur, la nécessité de prise d’antalgiques et permet une rééducation plus rapide [2]. Ces propriétés empiriques ont été étudiées avec différents types de CT. Des auteurs ont rapporté qu’elle diminuait la nécessité de prise de médicaments et qu’elle améliorait la rééducation après ligamentoplastie du LCA [3,4,5], alors que d’autres ont échoué à confirmer de tels effets bénéfiques [6,7].
L’objectif de l'étude présentée ici [8], parue en septembre 2014, était de réaliser des mesures in vivo à long terme avec une haute précision de la distribution de la température sur la peau, dans le tissu sous-cutané et dans l’articulation du genou après ligamentoplastie du LCA suivie de CT.
Les données des mesures in vivo de la température ont été prises grâce à une approche innovante : remplacer les cathéters standards de drainage par ceux équipés de thermistances (semi-conducteurs thermosensibles dont la résistance varie avec la température). L’efficacité de deux modalités de CT a été évaluée : la CT standard à l’aide de coldpack et celle assistée par ordinateur avec des protocoles pré-programmés. L’hypothèse est que le refroidissement est plus efficace et contrôlable s'il est assistée par ordinateur que celui par coldpack.
 
 
Matériel et mÉthodes
 
Protocole général
 
Le critère d’inclusion était : patient en attente d’une ligamentoplastie du LCA. Il n’y avait pas de critères d’exclusion. Avant de signer leur consentement, tous les patients ont été informés du protocole de l’étude. Vingt patients ont pris part à l’étude, les seize premiers ont été alloués de manière alternée au groupe A (coldpack) et B (genouillère cryothérapeutique). Les quatre derniers ont été assignés au groupe B pour augmenter la puissance statistique des mesures des températures. Ces allocations dans les groupes ne dépendaient ni des caractéristiques des patients, ni d’autres critères. La CT a été effectuée sur 12 heures et les mesures de températures sur 16 heures après chirurgie. Les données des patients pour chaque  groupe avant la chirurgie sont rapportées dans le Tableau I.
 
Technique chirurgicale
 
Toutes les opérations ont été effectuées par les trois mêmes chirurgiens. La technique était une ligamentoplastie du LCA sous arthroscopie, de type Kenneth-Jones (tendon rotulien) à un faisceau.
 
Mesures de la température
 
La température a été mesurée grâce à huit thermistances placées comme suit :
 
- 1 intra-articulaire au niveau de l’échancrure intercondylaire (ICN),
- 1 en sous-cutané le long du bord médial de la patella (SC),
- 4 cutanées au niveau médial, latéral, antérieur et postérieur de l’interligne articulaire du genou (SK),
- 1 en-dessous du colpack ou de la genouillère (BA),
- 1 sur l’appareil de mesure fixé à la partie inférieure de la jambe du patient (DE).
 
Les températures ont été enregistrées toutes les secondes pendant 16 heures à partir de la mise en place des capteurs après la chirurgie, couvrant la période de CT et après celle-ci.
 
Traitement
 
Après la chirurgie, les températures ont commencé à être enregistrées. La CT a été débutée approximativement trente minutes après le début de l’enregistrement. La température dans l’échancrure intercondylaire n’était pas différente significativement entre les deux groupes juste après la chirurgie et juste avant la CT.
 
Groupe A : coldpack
 
Pose de coldpack, de dimensions 370 x 290 mm (surface de 0,11 mm²) refroidi dans un congélateur à -12,2 +/- 1,5 °C, sur la partie antérieure du genou et avec une compression à l’aide d’un bandage. Le protocole était de 6 sessions de 2 heures d’intervalle composées de 20 minutes de CT et 100 minutes sans CT.
 
Groupe B : CT contrôlée par ordinateur
 
Utilisation du Cryoceutical Treatment (cTreatment®, CTS100, Waegener, Beerse, Belgium) composé d’une genouillère (cPad, de 0,10 m² de surface), d’un serveur (cServer) avec des protocoles pré-programmés (cProtocol). Un liquide circule dans la genouillère, refroidi à une certaine température, afin d’extraire l’énergie calorifique des zones profondes du genou. La compression de la genouillère et celle des coldpacks devaient être identiques. Le protocole consistait en 6 sessions de 2 heures telles que :
- les deux premières sessions : liquide circulant à 9 °C pendant 90 minutes puis 30 minutes sans circulation (mais avec la genouillère toujours posée),
- les deux sessions suivantes : liquide circulant à 13 °C sans interruption,
- les deux dernières : liquide circulant à 9 °C sans interruption.
 
Plusieurs autres données ont été récoltées au cours du protocole : la douleur, la circonférence du genou, le nombre de prise d’analgésiques, le temps écoulé avant la première prise d’analgésique, le nombre d’analgésiques par heure, la température tympanique.
 
Analyse statistique
 
Les mesures de température analysées dans les deux groupes ont été celles enregistrées pendant les deux premières sessions. Le seuil de significativité était à p < 0,05.
 
 
Résultats
 
Les différentes températures moyennes des deux groupes sont rapportées dans le Tableau II.
La différence de température entre l’échancrure intercondylaire et le tissu sous-cutané était significativement plus importante dans le groupe avec contrôle de la CT comparé à celui avec coldpack. De plus, dans le groupe avec contrôle de la CT, les températures sous-cutanée et cutanée étaient plus petites. Tout ceci indique une meilleure efficacité d’extraction et de transfert de chaleur dans le groupe avec genouillère. Il n’y avait aucune différence statistiquement significative entre les groupes pour les températures sous le bandage, ce qui implique que le flux d’énergie des deux méthodes était similaire.

Les effets cliniques de la CT sont compilés dans le Tableau III. Seuls le nombre d’analgésiques pris et leur fréquence par heure étaient significativement plus importants dans le groupe avec coldpack. Il n’y a aucune différence statistiquement significative entre les deux groupes pour les autres variables.
 
 
Discussion
 
Le résultat le plus important de cette étude était que l’extraction d’énergie par la CT contrôlée par ordinateur est plus efficace et contrôlable que par coldpack. En effet, une température constante peut être plus facilement maintenue grâce au contrôle par ordinateur. Pour avoir le même effet avec les coldpacks, il faudrait les remplacer plus fréquemment. De précédentes simulations par ordinateur ont montré qu’une période de 30 minutes pourrait apporter de telles conditions mais avec des risques additionnels de gelures et de dommage nerveux [9].
Les groupes étaient différents statistiquement (Tableau I) par l’âge et l’indice de masse corporel (IMC). Néanmoins, l’âge n’apparaît pas être décisif puisque les variations de températures ne semblent pas être dépendantes de lui. L’épaisseur de la couche graisseuse sous-cutanée de chaque patient n’a pas été déterminée. La différence d’épaisseur de cette couche entre les patients pourrait avoir causé des différences considérables de réponse au CT entre eux. Mais l’IMC était statistiquement plus important dans le groupe avec CT contrôlée par ordinateur, le même groupe dont le CT était significativement plus efficace.
Cette étude comporte quelques limites. Les protocoles de CT étaient différents. La compression appliquée dans le groupe coldpack et le groupe genouillère n’a pas été quantifiée mais a été considérée comme égale. De même, la survenue et la quantité de saignements intra-articulaires n’ont pas été évaluées pour chaque patient. L’utilisation de différents types d’anesthésie pour la chirurgie pourrait aussi créer des biais dans les résultats. Enfin, bien que la douleur ait été renseignée, ses résultats ont été exclus du fait du nombre de patients ne l’ayant pas rapportée.
 
 
Conclusion
 
Malgré des températures de liquide plus élevées qu’un coldpack, la CT contrôlée par ordinateur est significativement plus efficace que la méthode classique (coldpack) à la fois pour les tissus profonds et superficiels du genou.
 
NB : Vous pouvez retrouver le descriptif du dispositif cTreatment® sur cette page web : http://www.waegener.com/en/ctreatment-technology
Références
 
[1] Grana W (1994) Cold modalities. In: DeLee JC, Drez D (eds) Orthopaedic sports medicine: principles and practice. WB Saunders, Philadelphia, pp 203–207.
 
[2] Schaubel HJ (1946) The local use of ice after orthopedic procedures. Am J Surg 72:711–714.
 
[3] Cohn BT, Draeger RI, Jackson DW (1989) The effects of cold therapy in the postoperative management of pain in patients undergoing anterior cruciate ligament reconstruction. Am J Sports Med 17:344–349.
 
[4] Glenn RE Jr, Spindler KP, Warren TA, McCarty EC, Secic M (2004) Cryotherapy decreases intraarticular temperature after ACL reconstruction. Clin Orthop Relat Res 421:268–272.
 
[5] Shelbourne KD, Rubinstein RA Jr, McCarroll JR, Weaver J (1994) Postoperative cryotherapy for the knee in ACL reconstructive surgery. Orthopedics 2:165–170.
 
[6] Daniel DM, Stone ML, Arendt DL (1994) The effect of cold therapy on pain, swelling, and range of motion after anterior cruciate ligament reconstructive surgery. Arthroscopy 10: 530–533.
 
[7] Konrath GA, Lock T, Goitz HT, Scheider J (1996) The use of cold therapy after anterior cruciate ligament reconstruction. Am J Sports Med 24:629–633.
 
[8] Rashkovska A, Trobec R, Avbelj V, Veselko M. Knee temperatures measured in vivo after arthroscopic ACL reconstruction followed by cryotherapy with gel-packs or computer controlled heat extraction. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc. 2014 Sep;22(9):2048-56. doi: 10.1007/s00167-013-2605-x. Epub 2013 Jul 23.
 
[9] McGuire DA, Hendricks SD (2006) Incidences of frostbite in arthroscopic knee surgery postoperative cryotherapy rehabilitation. Arthroscopy 22:1141e1–1141e6.