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Syndrome des loges chronique : La claudication de l’athlète



Introduction


 
Le syndrome des loges (SDL), autrement appelé syndrome du tibial antérieur est une atteinte que l’on retrouve chez les athlètes d’endurance. Par définition, un effort est requis pour induire le syndrome, il n’est donc pas surprenant que 83% des personnes atteintes appartiennent à une population active comme les sportifs ou les militaires.
 
Similaire à la claudication que l’on observe chez la population âgée, où les symptômes apparaissent après un certain temps de déambulation, les symptômes du SDL se déclarent généralement après que le patient est accompli une certaine quantité et intensité d’activité aérobie. Il est souvent mal diagnostiqué ou mal interprété, comme étant une tension musculaire ou une périostite.
 
Nous passerons en revue tout ce qu’il y à savoir sur ce syndrome, de la physiopathologie jusqu’au retour au terrain.
 

Physiopathologie


 
La physiopathologie du SDL est physiquement basé sur la loi de Boyle-Mariott (thermodynamique), la pression et le volume étant proportionnellement inversés. Les loges fasciales sont relativement résistantes à l’augmentation en volume. De là, avec une augmentation de la perfusion musculaire dans un compartiment quasi inextensible, la pression augmente. Le retour veineux est bloqué, le gradient artério-veineux se restreint, le flux artériel diminue, et les nerfs traversant la loge subissent des offenses mécaniques et métaboliques.
Si la perfusion tissulaire décroît jusqu’à un certain seuil, une ischémie et une nécrose peuvent se produire, associés à une douleur intense.
 
Il n’est pas encore spécifiquement connu ce qui précipite ce syndrome chez certains individus et pas chez d’autres, pour une même quantité d’exercice. Un débit veineux anormal, une densité capillaire diminuée et une homéostasie anormale des artérioles ont été impliqués.
 
Rappel anatomique
 
LOGE Structures anatomiques
Antérieure Tibial antérieur, LEH, LEO, 3e fibulaire, artère tibiale antérieure, nerf fibulaire profond.
Latérale Long et court fibulaire, nerf fibulaire superficiel.
Postérieure profonde LFO, LFH, Tibial post, poplité, paquet vasculo-nerveux tibial
Postérieure superficielle Gastrocnémiens, soléaire, plantaire.
 

Syndrome des loges chronique : La claudication de l’athlète

Epidemiologie & Facteurs de risque

 
Loge Ant. 51% Loge Post Pfd 13%
Loge Lat 33% Loge Post Spf 3%
 
  • Les symptômes sont bilatéraux dans 79% des cas. L’âge moyen est de 26,6 ans. Comme précédemment cité, les athlètes et les militaires sont les plus touchés. On estime à 1/2000 le nombre de militaires aux États Unis chez qui ont diagnostique un SDL et à 17%, d’entre ceux qui se sont fait opérer, le nombre de militaires ayant recours à une dispense pour persistance des symptômes.
 
  • Chez les jeunes athlètes hommes, la prévalence est fortement reliée au niveau d’activité. Le type de course est également un facteur. Les coureurs ayant adopté une prise d’appui avant pied voient leurs symptômes se réduire.
 

Tableau clinique


 
Le syndrome se caractérise par une douleur chronique, répétitive, induite par l’exercice, et bilatérale, au niveau des jambes, qui subsiste de quelques minutes jusqu’à plusieurs heures après l’arrêt de l’activité. La douleur n’est pas forcément liée à la phase d’appui. On peut retrouver des déficits neurologiques temporaires, comme des fourmillements, ou une faiblesse, en fonction de la loge atteinte.
Un historique de traitement non chirurgical inefficace, comprenant des anti-inflammatoires, des étirements, repos prolongé, de la physiothérapie ou des massages, est commun.
 
 

Examen Physique & Diagnostic différentiel


 
L’examen au repos est souvent normal, avec peut être une raideur au niveau de la loge concernée. Il y a une possibilité de hernie musculaire à travers le fascia, au niveau antérieur ou latéral, signant une pression intra compartimentale élevée. Après l’effort, le patient présentera le tableau clinique précédemment cité. À l’examen neurologique, on peut détecter une perte de force des muscles de la loge concernée.
 
Souvent, l’historique du patient et un examen physique bien mené suffisent à identifier clairement un SDL. Il peut exister néanmoins des diagnostics différentiels de 4 ordres :
 
  • Vasculaire : syndrome d’entrapment de l’artère poplitée, anévrisme de l’artère poplité, thrombose veineuse
  • Osseuse : fracture de fatigue du tibia, périostite (shin splints)
  • Tissus mous : tensions musculaires, tendinopathie (TP, achille, fibulaire)
  • Neurologique : entrapment des nerfs fibulaires commun, fibulaire profond ou superficiel, ou du nerf tibial.
 

Test diagnostic



La mesure de la pression intra compartimentale (ICP) est considérée comme le « gold-standard » pour le diagnostic. Un ou plusieurs des critères (Pedowitz) suivant permet d’établir le diagnostic :
  1. Pression pré exercice ≥ 15 millimètres Hg
  2. 1 minute post exercice ≥ 30 millimètres Hg
  3. 5 minute post exercice ≥ 20 millimètres Hg

Syndrome des loges chronique : La claudication de l’athlète

Traitement

 
  • Conservateur : AINS, étirement, ultrasons, repos, électrothérapie, thérapie physique. Le traitement non chirurgical, sans restriction de l’activité, ne se montre pas efficace, avec 94% de patients finissant par se faire opérer. La course avec prise d’appui avant pied peut permettre une diminution de la pression de la loge antérieure. L’injection de toxine botulique a montré des résultats intéressants, mais nécessite des études complémentaires. Le traitement conservateur doit être envisagé avant le traitement chirurgical
  • Chirurgical : Si un seul compartiment est affecté, une   fasciotomie (avec ou sans fasciectomie) ouverte ou endoscopique peut être réalisée par une simple incision, spécifique en fonction de la loge concernée.

Syndrome des loges chronique : La claudication de l’athlète

Retour au terrain



Les revues de littérature actuelles rapportent qu’environ 66% des chirurgies sont réussies, avec 84% de satisfaction des patients après leur dernier examen de suivi. On rapporte jusqu’à 75% de retour au même niveau d’activité. Le taux de complication post chirurgie s’élève jusqu’à 15%.
 

Conclusion



Le syndrome des loges touche principalement une population active de sport d’endurance. Le diagnostic s’établit avec un historique caractéristique, l’élimination des diagnostics différentiels, et une mesure de l’ICP. Le traitement non chirurgical s’appuie sur une modification de l’activité, mais se révèle assez limité. Le traitement chirurgical semble indiqué dans ce genre d’atteinte, 75% des patients reprenant une activité d’un niveau équivalent après opération.
 

Article original



John C. Wuellner, Connor Nathe, Christopher D. Kreulen, Kevin J. Burnham and Eric Giza, Chronic Exertional Compartment Syndrome: The Athlete’s Claudication, Operative Techniques in Sports Medicine, http://dx.doi.org/10.1053/j.otsm.2017.03.004

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