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Suivi de la réponse à l’entraînement de la température cutanée par la thermographie infrarouge




Effets de l’entraînement

Les effets physiologiques de l’entraînement sont raisonnablement bien établis  par rapport aux réponses hormonales [1,2], morphologiques [3], osseuses [4], neurologiques [5] et encore  cardio-vasculaires [6] ou encore au regard du type d’entraînement [7]. Cependant, les réponses de la température locale, particulièrement les effets aigus des séances d’entraînement sur les articulations et les muscles, et les changements qui ont lieu durant les processus de récupération, n’ont pas encore été bien décrits.
Il ne fait aucun doute que la température centrale est en relation directe avec l’intensité de l’exercice physique  [8,9]. Certaines études ont mis l’accent sur la mesure de la réponse de la température centrale par l’utilisation de gélules gastro-intestinales, ou en prenant la température rectale, œsophagienne ou tympanique durant et après l’exercice [9-13]. Celles-ci ont rapporté différentes réponses de la température en fonction de certaines régions du corps. La réponse thermique peut varier durant les périodes de récupération, les régions musculaires et articulaires impliquées dans le mouvement ont une activité métabolique plus élevée avec une récupération tissulaire et énergétique plus rapide par l’augmentation de la vascularisation [2,16].

La Thermographie Infrarouge – Définition

La thermographie infrarouge (TIR) [17] est une technique peu couteuse, non invasive, permettant d’enregistrer rapidement l’énergie libérée par le corps [18]. Il a récemment été démontré qu’une image thermique haute résolution pouvait fournir des informations intéressantes sur le système complexe de thermorégulation du corps [19]. Le développement d’outils de suivi TIR rapides et faciles à mettre en place, nous permet d’obtenir des profils thermiques globaux et ciblés de l’homme, avec les régions corporelles les plus intéressantes (RCI), ainsi que de fournir des informations intéressantes sur les réponses physiologiques après l’exercice physique. L’influence de l’activité physique sur la température cutanée (T°c) [20] et la validité de l’évaluation de la distribution de la T°c par thermographie infrarouge sont bien connues.
Néanmoins, il y a un manque d’études sur l’évolution à long terme de la T°c  après un exercice de force d’intensité modérée ou après un entraînement aérobie. Par conséquent, il semblait intéressant pour les auteurs de cette étude de s’intéresser au comportement thermique à long terme de la peau après l’exercice, comme marqueur de l’activité des structures sous-jacentes. L’analyse de la réponse thermique peut fournir à l’équipe technique (praticiens, préparateurs physiques, entraîneurs) des informations importantes sur l’état de forme de l’athlète et de sa capacité à poursuivre un entraînement à un niveau d’intensité donnée. Il est bien établi que la température centrale diminue progressivement après une longue période de travail physique [8,21]. Cependant, à la connaissance des auteurs, il n’y a pas de recherches sur les réponses thermiques locales et spécifiques des articulations et muscles juste après l’exercice et au cours du processus de récupération.

Objectifs de l’étude
L’objectif de l’étude, présentée pour ce Speed Meeting Thermographie et Prévention, était d’utiliser la TIR pour déterminer l’évolution de la T°c sur les muscles et les articulations après un entraînement aérobie et de la force dans le but de mieux comprendre l’impact de l’activité physique sur la thermorégulation et le système métabolique.
Les auteurs émettent l’hypothèse que la réponse de la température cutanée plus de 8h après l’entraînement sera différente entre articulations et muscles, différente entre un travail aérobie et un travail de type musculation.
Quelles conclusions ?
Compte tenu des réponses spécifiques à certaines régions corporelles, la température cutanée présente des réponses spécifiques au travail de la force et à l’entraînement aérobie. Les principaux changements de la T°c observés dans le muscle (cage thoracique et cuisse) ont été une diminution immédiate de la température (par rapport aux valeurs initiales) et une augmentation progressive de la T°c durant les 8 premières heures post-exercice avec un pic se situant autour de 6h post-exercice.  La différence de température durant cette période de récupération n’était jamais plus haute que de 1° par rapport aux valeurs initiales. L’impact des exercices sur la T°c en regard des articulations (genou et coude) était plus faible et plus hétérogène par rapport aux augmentations et diminutions modérées des températures sur les régions corporelles les plus intéressantes lors du travail de force. Les effets ont été plus significatifs après entraînement aérobie dans la partie antérieure et postérieure du coude après seulement 1 ou 2 heures de récupération.
Par conséquent, l’utilisation de la TIR peut fournir des informations importantes sur les adaptations locales de la T°c après effort physique et récupération. Cela peut permettre d’indiquer si l’athlète a suffisamment récupéré pour réaliser un entraînement efficace et complet. Si cette théorie est confirmée par de nouvelles études, la TIR pourrait être un outil pratique et facile d’utilisation pour le suivi de la charge d’entraînement des athlètes.
Recommandations 
L’utilisation de la thermographie peut se révéler être un outil précieux pour un staff technique. L’évaluation locale de l’activité métabolique générée par un entraînement et le retour ultérieur à la température cutanée initiale peut être un marqueur valable pour autoriser un sportif à réitérer une performance. Les thérapeutes peuvent utiliser cet outil pour la surveillance des effets individuels de certaines techniques sur les patients. L’absence de différence de température peut être considérée comme marqueur d’équilibre minimisant le risque de blessures.
L’utilisation régulière de la thermographie lors des entraînements permettra de créer un profil thermique de l’athlète, avec une attention particulière accordée aux régions les plus exposées à la charge de travail et aux blessures. L’augmentation de la T°c dans ces régions peut être un bon indicateur d’une récupération incomplète. Cette information peut aider les thérapeutes ou préparateurs à diminuer voir arrêter un entraînement tant que la T°c revient au niveau de base. 
Article original :
Ismael Fernández-Cuevas, Manuel Sillero-Quintana, Miguel Angel Garcia-Concepcion, Juan Ribot Serrano, Pedro Gomez-Carmona, Joao CB Marins. Monitoring Skin Thermal Response to Training with Infrared Thermography. New Studies in Athletics. 29:1; 57-71, 2014
Traduit par Erwann Le Corre
MK du Stade Français Rugby
Formateur chez KINESPORT
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