Introduction
Avec une prévalence de 5 à 28%, la douleur de l’aine est un problème courant chez l’athlète mais le débat persiste concernant la nomenclature, la physiopathologie, le diagnostic et la gestion de la pubalgie du sportif (4,5). Le dilemme peut être la conséquence d’un diagnostic différentiel étendu comprenant l’ostéite pubienne, les fractures de stress, les fractures par avulsion, les hernies vraies, les neuropathies d’enclavement et les douleurs référées d’origine rachidienne ou sacro-iliaque (6,7). Cependant, la « athletic pubalgia » et les « sports hernias » sont des termes généraux, qui englobent un large éventail de blessures des tendons et des muscles s'insérant sur l'os pubien.
Bien que popularisé par les athlètes et les médias, le terme « sports hernias » est un terme non significatif, car il n'existe aucune hernie occulte.
Parmi l’ensemble des étiologies possibles, les douleurs de l’aine sont les plus courantes et la grande majorité implique une atteinte des muscles adductor longus et rectus abdominis, ainsi que de leurs insertions tendineuses ou aponévrotiques respectives sur l’os pubien (9,10).
Généralement, la symptomatologie se caractérise par une douleur aigue ou chronique localisée au niveau de l'os pubien, et pouvant irradier au muscle rectus abdominis et adductor longus.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est la modalité la plus sensible et spécifique permettant d’identifier avec précision les différentes lésions pouvant être observées dans ce contexte clinique (2,11) (figure 1).
Figure 1 : IRM pelvien en T2 montre une augmentation de l’intensité du signal au niveau de l’aponévrose commune des muscles rectus abdominis et adductor longus. La flèche jaune indique une lésion au niveau de l’aponévrose (à gauche) et ue augmentation de l’intensité du signal le long des tendons des 2 muscles (à droite).
Méthode
- Evaluation préopératoire :
L’examen clinique initial a pour principal objectif de mettre en évidence une éventuelle hernie inguinale et d’investiguer les zones d’insertions des différents tendons pouvant être responsable de la symptomatologie. Si la présence d’une hernie ne peut être exclue lors de l’examen, une évaluation échographique est réalisée afin de préciser le diagnostic.
En l’absence d’hernie, un traitement conservateur de 8 semaines est initié. Si celui-ci n’apporte pas d’amélioration, un examen IRM est réalisé afin de confirmer le diagnostic et de s’assurer qu’il n’existe pas d’autres étiologies de symptomatologie similaire tel qu’une pathologie de hanche, une ostéite pubienne, une fracture ou une neuropathie d’enclavement.
- Réparation et ténotomie des adducteurs :
La voie d’abord est réalisée par une incision inguinale de 4cm directement au-dessus de l’anneau superficiel. La dissection s’étend du fascia de Scarpa à l’aponévrose oblique externe (figure 2). S’il existe des fissures au niveau de cette aponévrose, elles sont suturées car elles peuvent être responsable de neuropathies d’enclavements.
Figure 2 : localisation de l’incision.
Le cordon spermatique est disséqué au niveau du tubercule pubien et investigué pour exclure la présence d’un sac herniaire (figure 3).
Figure 3 : Le cordon spermatique (SC) est disséqué au niveau du tubercule pubien (PT) et rétracté latéralement exposant le tendon conjoint (CT).
Une incision est ensuite réalisée le long du fascia du tendon conjoint afin d’exposer le muscle rectus abdominis (figure 4). La gaine antérieure du rectus abdominis est libérée de l’os pubien. Une incision au niveau de l’aponévrose du tendon conjoint s’étendant inférieurement et latéralement par rapport au tubercule pubien permet de mettre en évidence ce dernier ainsi que le tendon de l’adductor longus.
Figure 4 : L’incision se réalise le long du tendon conjoint, elle est ensuite étendue supérieurement, inférieurement et latéralement exposant le rectus abdominis (RA).
La ténotomie divise le vecteur de force vertical (aponévrose commune) qui intègre le tendon de l’adductor longus et la gaine du rectus abdominis afin de dissiper les contraintes au niveau de l’os pubien (figure 5).
La ténotomie est réalisée à 1-2cm du tubercule pubien et s’étend inférieurement et médialement, la manœuvre vise à séparer le tendon du muscle adductor longus des fascias le recouvrant.
Figure 5 : Ténotomie de l’adductor longus (AL) et du rectus abdominis (RA).
La phase de réhabilitation suivant l’intervention se doit d’être progressive afin de garantir le processus de cicatrisation. Les 2 premières semaines post-opératoires se composeront d’étirements doux, de mobilisation passive et d’exercices de marche. Lors des semaines suivantes les activités aérobics, tel que vélo et natation, pourront progressivement être incorporée à la réhabilitation.
A partir de la 4ème semaine, la course pourra être reprise ainsi que les exercices de renforcement de la sangle abdominale et des membres inférieurs en évitant les exercices de squat et de fente qui ne seront entamés qu’à partir de la 6ème semaine. A ce stade, les activités explosives avec changement de direction pourront être initiée de manière raisonnée. Le retour au sport peut généralement être envisagé entre la 6ème et 8ème semaine post-opératoire.
Résultats
Cette procédure a été réalisée sur 22 athlètes dont 40,91% d’amateurs. Lors de l’examen par IRM, l’ensemble des sujets présentait des signes de lésions au niveau du rectus abdominis et de l’adductor longus. Tous les athlètes ont pu reprendre leur activité initiale dans le délai prévu de 6-8 semaines et aucune chirurgie supplémentaire n’a dû être réalisée.
Discussion
Il existe de nombreuses techniques opératoires utilisant différentes sutures de herniorraphie. Le taux moyen, toutes techniques confondues, varie entre 77 et 96% de retour à l’activité physique initiale. La variation dans les résultats observés peut s’expliquer par des critères de diagnostic différents et l’inclusion dans certaines études d’athlètes présentant une hernie vraie. De plus, certaines d’entre elles ne comportaient pas de ténotomie des adducteurs.
Les études récentes sur les techniques ouvertes et laparoscopiques, qui ont inclus une ténotomie des adducteurs, démontrent un taux de retour à l’activité totale de 95,4 à 100%.
Par conséquent, une réparation du plancher inguinal avec suture ou maillage et une ténotomie simultanée répond à la fois aux contraintes de forces sur l’os pubien, ainsi qu’à la faiblesse du plancher inguinal et s’avère donc être la stratégie la plus optimale.
La libération chirurgicale de l’aponévrose du rectus abdominis soulage les contraintes de forces supérieures sur l’os pubien et la suture renforce la paroi postérieure et latéralise la force vectorielle du muscle rectus abdominis.
La ténotomie divise le vecteur de force longitudinal et permet d’accroitre la réparation tendineuse par diminution des tensions locales. En outre, les libérations fasciales et la ténotomie soulagent les cicatrices induites par la tendinopathie chronique et permettent à la région de retrouver ses propensions initiales.
La ténotomie partielle ne s’étend pas aux muscles sous-jacents et ne divise pas les structures nerveuses associées. Cela évite l’atrophie musculaire ou les changements dans l’innervation. Dans l’ensemble, les auteurs rapportent que le point crucial de la technique est la division de la force vectorielle longitudinale de l’os pubien.
Les études randomisées ont démontré que la chirurgie était plus efficace que le traitement conservateur pour un retour à l’activité complète dans un délai de 3 mois, celle-ci peut être recommandée dans les cas chroniques où le traitement conservateur n’a pas apporté d’amélioration notable de la symptomatologie.
Conclusion
Les contraintes répétées au niveau de la région inguinale peuvent entraîner une faiblesse du plancher inguinal. Il existe plusieurs techniques chirurgicales visant à le renforcer mais celles qui sont combinées avec une ténotomie des adducteurs ont démontrés des taux de reprise d’activité plus élevés. La présente technique offre une alternative afin d’éviter les complications liées au maillage en utilisant une seule incision. Chez les athlètes une incision de 4cm est généralement suffisante car beaucoup d’entre eux ont un taux de masse grasse faible. La chirurgie peut être recommandée dans les cas chroniques où le traitement conservateur n’a pas apporté d’amélioration. Un programme de réadaptation progressif est également essentiel au processus de récupération.
Article de référence
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