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Répercussions cliniques des dyskinésies scapulaires dans les pathologies de l’épaule : la déclaration de consensus 2013 de la conférence sur la scapula. Partie 2

Par Pierre Moitry



Répercussions cliniques des dyskinésies scapulaires dans les pathologies de l’épaule : la déclaration de consensus 2013 de la conférence sur la scapula. Partie 2
 Scapula et activités sportives : ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas
 
En tant que segment central de la chaîne cinétique, la scapula joue un rôle majeur dans la performance sportive.
Les activités réalisées au-dessus de la tête (overhead tasks) sont réalisées via l’utilisation et l’intégration de multiples segments corporels et muscles. L’activation séquentielle de groupes musculaires spécifiques aboutissant à la performance d’une action dynamique donnée est appelée chaine cinétique fonctionnelle. Lors d’un lancer ou d’un service, la scapula est le lien essentiel entre les grands segments centraux du corps (qui fournissent la stabilité et génèrent la force) et les petits segments du bras qui produisent la mobilité et appliquent la force sur la balle / raquette. La scapula est l’élément de la chaîne cinétique qui permet le transfert d’énergie du pelvis/muscles du tronc vers le bras en mouvement.
 
Une chaîne cinétique est utilisée de manière appropriée lorsque les différents segments corporels contribuent de manière optimale à la performance / l’exécution d’une activité spécifique. Lors d’un service de tennis, une série d’actions séquentielles a été décrit. Elle commence au niveau des membres inférieurs et se termine au niveau des segments du membre supérieur. Le mouvement le plus efficace pour le service comprend une flexion adéquate des genoux, une rotation du tronc et une stabilité centrale qui permet une rétraction maximale de la scapula et donc une augmentation du phénomène de stockage/restitution d’énergie.

Chez les joueurs de baseball, le lancer s’effectue selon une chaine cinétique similaire. La scapula est entre le tronc et le bras ; pour optimiser son potentiel tout en minimisant le risque de blessure il faut que les éléments de la chaîne cinétique situés en amont du bras soient utilisés de manière adéquate. Pour obtenir un contrôle optimal de la scapula, le lanceur doit contrôler le tronc sur sa jambe arrière, être en pronation maximale de l’avant-bras. Sa jambe avant et les hanches sont dirigées vers la cible, et le tronc et les hanches tournent de manière synchronisée en direction de la cible. Cela permet une rétraction scapulaire maximale et donc la possibilité d’avoir une adbuction horizontale et une rotation externe maximale de la gléno-humérale, augmentant alors la capacité à produire une vitesse maximale.
Dans ces deux exemples, les grands segments et muscles sont à la fois les initiateurs et les régulateurs de la fonction. Cependant, l’altération d’un segment particulier de la chaîne cinétique peut provoquer une diminution de la performance ou une lésion d’un segment plus distal.

 
Conséquences cliniques
 
Les sportifs réalisant des gestes au-dessus de la tête ont des mouvements et des postures légèrement asymétriques, du fait de leur pratique. Les différences retrouvées  sont :
 
- augmentation ou diminution de la sonnette latérale,
- augmentation de la rotation interne de la scapula,
- et/ou des changements variables de bascule antérieure/postérieure.
 
Les données récentes ont confirmé que les athlètes ont des compensations de position spécifiques à leur sport, mais que les mouvements du bras sont similaires. Ces constatations signifient qu’une évaluation est nécessaire pour dépister des compensations anormales, et qu’une altération ne doit être traitée que s’il s’avère qu’elle est en lien avec la lésion. 
Les muscles clés pour la stabilité et la mobilité de la scapula sont : le trapèze inférieur, le trapèze supérieur et le dentelé antérieur.
 
Chez le nageur
 
Chez des sportifs réalisant des mouvements au-dessus de la tête, un déséquilibre ou une faiblesse des muscles de la scapula affecte négativement la performance musculaire et le contrôle neuromusculaire. Chez des nageurs sans douleur d’épaule, la prévalence de dyskinésie scapulaire allait jusqu’à 82% après une seule session d’entraînement. La faiblesse des muscles scapulaires provoque une protraction excessive de la scapula se traduisant par une proéminence du bord médial de la scapula, une posture arrondie en avant de l’épaule, ce qui peut altérer la puissance fournie par les muscles de la coiffe lors d’une élévation du bras. On présume également que cette position délétère réduit l’espace sous acromial, augmentant les symptômes en cas de conflit. La proéminence du bord médial semble être le résultat d’activations musculaires anormales, dues :
 
- à des hypo-extensibilités musculaires provoquant des raideurs en rotations,
- à une hypo-extensibilité du petit pectoral
- à des faiblesses, de la fatigue ou une lésion nerveuse.
 
Chez les athlètes de lancer
 
La dyskinésie scapulaire est un composant important en cas d’épaule douloureuse chez un lanceur. Elle est associée à des lésions du labrum, des conflits postéro-supérieur et des pathologies du coude. C’est un élément qui fait partie du tableau clinique de l’épaule à risque, et son évaluation devrait faire partie de l’évaluation de routine en pré-participation.
Les causes communes de douleur d’épaule sont le GIRD et le TROM (RE+RI à 90° d’abduction). Ces modifications d’amplitude peuvent résulter de modifications capsulaire, musculaire voire osseuses. Cela provoque une dyskinésie scapulaire à type de protraction, liée à un effet wind-up (décollement du bord médial) : lorsque le bras va en flexion, rotation interne et adduction horizontale, la scapula est tirée en rotation médiale et bascule antérieure.
La fonction scapulaire est un facteur clé pour une participation optimale à un sport. La recherche de dyskinésie et la restauration de la capacité de rétraction de la scapula devrait être faire entièrement partie de la stratégie de prévention. Par ailleurs, la dyskinésie scapulaire liée à la fatigue est une cause d’erreur de proprioception du bras. Cependant, la relation exacte entre la position de la scapula et/ou le geste et la blessure n’est pas claire. La dyskinésie scapulaire a été décrite comme une réponse non spécifique à une situation douloureuse, mais pas comme une réponse spécifique ou une cause établie de pathologie GH précises.
De nombreuses pathologies des tissus mous de l’épaule (conflit sous acromial, conflit postéro-supérieur, laxité capsulaire antérieure, lésion du labrum, faiblesse de la coiffe des rotateurs) sont associées à une dyskinésie scapulaire, chez des athlètes de lancer souffrant de douleurs d’épaule. Néanmoins, la présence d’asymétrie scapulaire chez des athlètes avec et sans douleur d’épaule prête à confusion. A l’heure actuelle, il n’est pas établi que la dysfonction scapulaire soit la cause des pathologies d’épaule parmi des lanceurs.