Dean Huffer et Al.
Introduction
La fasciite plantaire est l'un des troubles musculo-squelettiques les plus courants du pied traité en première intention. Elle résulterait d'une surcharge chronique due au mode de vie ou à l'exercice, affectant à la fois les personnes âgées et les athlètes. En plus des patients sédentaires d'âge moyen, la fascite plantaire est particulièrement répandue dans les activités de course et de danse qui nécessitent une flexion plantaire maximale de la cheville et une dorsiflexion de l'articulation métatarso-phalangienne. Les symptômes sont caractérisés par une douleur irradiant la partie médiale du talon, dans l'arche du pied. La douleur est souvent plus intense lors des premiers pas ou après une période d’inactivité. À mesure que la pathologie progresse, ces symptômes peuvent devenir très handicapants.
Objectif
Le but de cette revue est d'évaluer la littérature étudiant l’intérêt du renforcement musculaire dans le traitement de la fasciite plantaire et l'amélioration de la force des muscles intrinsèques du pied.
Méthodologie
Les bases de données bibliographiques consultées sont : PubMed, CINHAL, Web of Science, SPORTSDiscus, EBSCO Academic Search Complete et PEDRO.
Les mots clés utilisés pour la recherche sont : "fasciite plantaire" ET ("force" OU "renforcement" OU "entraînement de résistance") puis répétés avec les termes de recherche ("muscle intrinsèque du pied " OU " fléchisseur intrinsèque du pied") ET ("force" OU "renforcement" OU "entraînement avec résistance").
Les articles sélectionnés en fonction du titre et du résumé par rapport aux termes de recherche ont ensuite été examinés intégralement d’après les critères suivants :
- Une intervention spécifique du renforcement plantaire / des muscles intrinsèques du pied
- Des mesures pré-test et post-test pour évaluer l'efficacité de l’intervention
En raison de la nature hétérogène des études incluses, une analyse quantitative n’était pas réalisable. Les seuils suivants ont été rapportés pour classer les études selon leur qualité : excellente (26-28), bonne (20-25), passable (15-19) et médiocre (≤14)).
Résultats
Au total, sept essais cliniques publiés ont été retenus : quatre des sept articles étaient considérés comme des articles de haute qualité (score> 21), les trois autres ont été jugés de qualité moyenne (score> 14). Les études comprenaient quatre essais contrôlés randomisés (Lynn et al., 2012; Miller
et al., 2014; Rathleff et al., 2014; Johnson et al., 2015) et trois modèles de mesures pré / post-test (Hashimoto et al., 2014, Mulligan et al., 2013, Skou et al., 2012).
Les études ont pu être regroupés en trois catégories d'approche :
• Chaussures de running minimalistes et renforcement des muscles intrinsèques du pied (Miller et al., 2014, Johnson et al., 2015)
Miller et al. (2014) ont fourni une gamme de chaussures de course minimalistes avec un drop de 4 mm ou moins. Il a également stipulé une distance parcourue de 30 milles (48 km) par semaine sur 12 semaines. En comparaison, Johnson et al. (2015) ont prescrit un modèle spécifique de chaussure de course minimaliste avec un drop de 0mm (Vibram Five Fingers), et un kilométrage de 15-30 milles (24-48 km) par semaine pendant 10 semaines.
• Exercices de renforcement des muscles intrinsèques du pied (IFM), (Lynn et al., 2012, Mulligan et al., 2013, Hashimoto et al., 2013)
Le renforcement des IFM comprenait soit trois types d’exercices (Hashimoto et al., 2014), des exercices de plissage de serviettes (Lynn et al., 2012), des exercices de raccourcissement du pied (« short foot ») (Lynn et al., 2012 ; Mulligan et al., 2013). L'exercice du short foot consiste à raccourcir le pied sans fléchir les orteils, afin d’élever l'arche, en évitant d'engager le long fléchisseur des orteils. L'intervention consistait à réaliser un exercice sub-maximal qui reposait sur la technique d'activation des IFM plutôt que sur la force (Mulligan et al., 2013).
• Mise en charge de l’aponévrose plantaire (Skou et al., 2012, Rathleff et al., 2014).
Les exercices de mise en charge de l'aponévrose plantaire (Skou et al., 2012; Rathleff et al., 2014) consistaient à réaliser un protocole d’élévation du talon sur une jambe, avec les orteils en dorsiflexion sous un tissu (Skou et al., 2012) et sous une serviette (Rathleff et al. , 2014). L’étude de Rathleff et al. (2014) a été réalisée sur une durée importante avec un suivi d'un, deux, trois et 12 mois et a effectué une progression par augmentation de la charge alors que l’étude de Skou et al. (2012) correspondait seulement à une intervention ponctuelle.
Au total, 18 mesures de résultats ont été identifiées : dynamométrie de l'orteil (force du fléchisseur de l’Hallux), test de la musculature plantaire intrinsèque, hauteur naviculaire debout, chute naviculaire, indice de voûte plantaire, indice de rigidité de la voûte plantaire, déformation relative de l'arcade, tests de performance physique des membres inférieurs (: Star Excursion (Y-Balance) Test, saut en longueur à une jambe, saut vertical, et course de 50 mètres) …
L'imagerie échographique (USI) et l'imagerie par résonance magnétique (IRM) furent les deux autres mesures objectives réalisées : l’échographie pour mesurer l'épaisseur du fascia plantaire et la section transversale des IFM et l’IRM, également pour mesurer la section transversale des IFM mais aussi pour calculer les scores d'œdème osseux (BMES), une échelle d’imagerie à quatre grades (0 = pas d'œdème, 1 = remodelage, 2 = réaction de stress, 3 = fracture de contrainte et 4 = fracture complète).
Rathleff et al., (2014) ont mis en place la seule mesure subjective, l'indice fonctionnel du pied (FFI), questionnaire d'auto-évaluation qui évalue les multiples dimensions de la fonction du pied, quantifiant l'impact de la pathologie sur la douleur, l'incapacité et la limitation d’activité, les scores allant de 0 à 230, avec 0 ne reflétant aucune douleur, handicap ou limitations d'activité.
Cinq des sept études ont mis en évidence une amélioration de la force des IFM en réponse au renforcement (Lynn et al., 2012, Mulligan et al., 2013, Hashimoto et al., 2014, Miller et al., 2014, Johnson et al. , 2015).
En ce qui concerne la fasciite plantaire et la douleur au talon, Rathleff et al. (2014) ont constaté une amélioration de 29 points de l’indice fonctionnel du pied dans le groupe renforcement par rapport au groupe d'étirement.
Skou et al. (2012) n'ont trouvé aucun changement dans les mesures échographiques de l'épaisseur du fascia plantaire immédiatement après, alors que Rathleff et al. (2014) n'ont trouvé aucun changement significatif de l'épaisseur du fascia plantaire entre les groupes étirement et renforcement.
Discussion
Riddle et al. (2003) ont décrit les principaux facteurs de risque de fasciite plantaire comme étant :
- Une dorsiflexion réduite de la cheville
- L'obésité (IMC> 30 kg / m)
- La mise en charge liée au travail.
Malgré les conclusions de Riddle et al. (2003) indiquant que la dorsiflexion réduite de cheville semblait être le facteur de risque principal, Rathleff et al. (2014) ont signalé une réduction plus importante du score de l’indice fonctionnel du pied au premier recueil de données (3 mois) dans le groupe renforcement musculaire par rapport au groupe étirement.
En termes de population sportive, on a constaté que le risque relatif de blessures augmente significativement chez les hommes et les femmes courant plus de 64 miles (40 km) par semaine, ce qui est encore considéré comme étant faible kilométrage. Miller et al. (2014), 30 milles (48km) et Johnson et al. (2015), 15-30miles (24-48km) ont prescrit des volumes hebdomadaires beaucoup plus faibles, réduisant ainsi la validité de leurs résultats. Les études ont cependant montré des résultats prometteurs en ce qui concerne l'hypertrophie de l’abducteur de l’Hallux (Johnson et al., 2015), du muscle court fléchisseur des orteils, de l’abducteur du V et une augmentation significative de la rigidité longitudinale de l'arcade (Miller et al., 2014). Il faut également reconnaître que Johnson et al., 2015 ont documenté le fait que la force des muscles intrinsèques du pied constituait un facteur de transition sécuritaire vers l’utilisation de chaussures de course minimalistes, certains participants (principalement des femmes avec des IFM plus faibles) développant un œdème osseux en réponse à l'utilisation de ce type de chaussures.
L'article de McKeon et al. (2014) propose un nouveau paradigme permettant de considérer la fonction du pied, l'évaluation et le traitement comme un ensemble. Les méthodes d'évaluation de la résistance à la flexion des orteils sont limitées par l’incapacité à séparer de manière concluante les contributions des muscles fléchisseurs intrinsèques et extrinsèques.
Il y a un besoin important d’études concernant l'intérêt du renforcement dans le traitement de la fasciite plantaire et l'amélioration de la force des muscles intrinsèques du pied afin d’utiliser des mesures cohérentes et permettant d’examiner les populations à risque.
Conclusion
Sur la base des études examinées, il n'a pas été possible de mettre en évidence que le renforcement améliore la musculature intrinsèque du pied et peut être bénéfique aux populations symptomatiques ou à risque dans le cadre de la fasciite plantaire.
Les preuves indiquant que les exercices de « Short foot » et de flexion des articulations inter-phalangiennes et métatarso-phalangiennes contre résistance contribuent à améliorer les performances fonctionnelles musculaires sans faibles chez les jeunes adultes sains asymptomatiques.
Les chaussures de course minimales ont également montré des modifications hypertrophiques des IFM dans les populations asymptomatiques mais des recherches supplémentaires sont nécessaires afin de valider leur efficacité et la sécurité de leur prescription dans les populations symptomatiques avec des pathologies liées à la faiblesse du pied telles que la fasciite plantaire.
Malgré l'absence de changement d'épaisseur du fascia plantaire lors du travail de renforcement par augmentation de la charge appliquée, on assiste cependant à la diminution des douleurs et à l’amélioration de la fonction.
Les études futures devraient utiliser des mesures standardisées afin évaluer la force intrinsèque des muscles du pied et les symptômes de la fasciite plantaire.
Articles original
Strenght training for plantar fasciitis and the intrinsic foot musculature : a systematic review, Dean Huffer et Al. Physical Therapy in Sport 2016, DOI : 10.1016/j.ptsp.2016.08.008
Bibliographie
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Lynn, S. K., Padilla, R.A., & Tsang, K. K., (2012). Differences in static- and dynamic- balance task performance after 4 weeks of intrinsic-foot-muscle training: the short-foot exercise versus the towel-curl exercise. Journal of Sport Rehabilitation, Nov; 21(4): 327-33.
Miller, E., Whitcome, K., Lieberman, D., Norton, H., & Dyer, R. (2014). The effect of minimal shoes on arch structure and intrinsic foot muscle strength. Journal of Sport and Health Science, 3(2): 74-85.
Mulligan, E. P., & Cook, P. G. (2013). Effect of plantar intrinsic muscle training on medial longitudinal arch morphology and dynamic function. Manual Therapy, 18(5): 425-430.
Rathleff, M., Mølgaard, C., Fredberg, U., Kaalund, S., Andersen, K., & Jensen, T. et al. (2014). High-load strength training improves outcome in patients with plantar fasciitis: A randomized controlled trial with 12-month follow-up. Scandinavian Journal of Medicine & Science in Sports, 25(3), e292-e300.
Skou, S. T., Rathleff, M. S., Moelgaard, C. M., Rasmussen, S., & Olesen, J. L. (2012). The influence of time-of-day variation and loading on the aponeurosis plantaris pedis: an ultrasonographic study. Journal of Sports Medicine and Physical Fitness. Oct; 52 (5): 506-12.