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Reconstruction anatomique du Ligament Latéral de la cheville avec une autogreffe du gracile par arthroscopie.



Résumé :
L’entorse externe de cheville est une pathologie très commune ; et si le traitement conservateur échoue et le sujet développe une instabilité chronique, l’intervention chirurgicale sera indiquée. Plusieurs techniques ont été décrites mais celle qui reproduit le mieux l’anatomie normale du ligament externe et sa cinématique aura les meilleurs résultats. L’arthroscopie permet également d’atteindre le ligament mais surtout d’apporter un diagnostic plus précis ainsi que de prendre en charge les lésions intra-articulaires associées. La stabilisation est effectuée à ciel ouvert car l’arthroscopie antérieure ne permet qu’une vue partielle du faisceau antérieur et on ne peut pas voir les différents faisceaux du ligament calcanéo-fibulaire. Cependant, l’endoscopie latérale de la cheville permet un meilleur aperçu que la chirurgie ouverte. Nous avons développé une technique endoscopique de la cheville permettant de positionner et de permettre la régénération et la fixation de la greffe. Dans cet article, nous décrivons une reconstruction anatomique sûre et reproductible des faisceaux du ligament latéral de la cheville en utilisant un prélèvement du gracile. L’objectif de cette technique est d’obtenir une reconstruction beaucoup plus physiologique en gardant les avantages de l’arthroscopie. 


Les entorses du ligament externe de la cheville, et plus particulièrement du faisceau antérieur (talo-fibulaire antérieur TFA) et du calcanéo-fibulaire (CFL) sont très fréquentes. La plupart des patients ont recourt au traitement conservateur, sachant que 10% à 40% auront une instabilité chronique par la suite, obligeant la chirurgie.1 Historiquement, la technique Broström-Gould qui a été considérée comme la technique d’élection, consiste à réparer et renforcer le TFA et CFL. 2 Cependant, la reconstruction anatomique en utilisant un greffon du gracile devient de plus en plus populaire. 3Malgré les bons résultats obtenus grâce aux techniques chirurgicales énoncées précédemment, l’arthroscopie présente un intérêt supplémentaire par rapport à l’intervention à ciel ouverte5 . Le but de l’arthroscopie n’est pas seulement d’améliorer le diagnostic et la prise en charge des lésions intra-articulaires mais également de surveiller le positionnement anatomique du greffon. Un mauvais positionnement du greffon pourrait générer des contraintes sur les articulations de la cheville ou de la sous-talienne et altérer leur biomécanique entrainant au bout d’un certain temps, une lésion dégénérative de l’articulation. 6 

Technique chirurgicale
Quatres points arthroscopiques sont nécessaires : un point habituel antéro-médial (1) et un point antéro-latéral (2), un point au niveau du sinus du tarse (3) et un point tendoscopique rétromalléolaire (4) (voir Image 1). Le point 3  est positionné au niveau de la face supérieure du court fibulaire et postérieur au rétinaculum des extenseurs. 
 

L’entrée de l’arthroscope se fait par le point 1 avec la cheville en dorsiflexion maximale afin d’obtenir une vue optimale de la gouttière latérale (voir image 2). 

Image 2 : vue arthroscopique de la gouttière latérale avant dissection (M, malléole; T, bord latéral du thalus). 
 

Endoscopie latérale de cheville et dissection latérale 
Image  3 : vue rétromalléolaire du tendon du court fibulaire. 

Fixation et insertion de la greffe

Image 4 : Dissection arthroscopique et endoscopique de l’arrière-pied : dissection à partir de l’arthroscopie antéro-latérale (1) et dissection par tendoscopie et endoscopie latérale (2).
 

Image 5 : préparation de la greffe : gracile. 

Reconstruction anatomique du Ligament Latéral de la cheville avec une autogreffe du gracile par arthroscopie.

Discussion

Beaucoup de techniques chirurgicales ont été mises au point pour éviter l’instabilité latérale de cheville. Elles sont classées en techniques anatomiques ou non-anatomiques. Les techniques non-anatomiques ont été énormément étudiées et ont montré une grande efficacité en restaurant la stabilité de l’arrière-pied et la fonction. 8 Cependant, les résultats à long-terme ont montré une perte d’amplitude articulaire, instabilité, et une augmentation des lésions dégénératives de l’arrière-pied en phase post-opératoire. 9 Le maintien des amplitudes articulaires de l’arrière-pied a démontré que cela permet de réduire le risque d’ostéoarthrite et/ou la douleur chronique sur le long terme.10 En considérant ces dernières données, la reconstruction chirurgicale anatomique sera privilégiée afin de rétablir la cinématique normal de l’arrière-pied et maintenir des résultats satisfaisants à long-terme.3,11
L’instabilité de la cheville est souvent associée à des symptômes intra-articulaires. L’instabilité mécanique de l’articulation est le résultat de la fragilité des ligaments TFA et/ou CFL, tandis que l’instabilité fonctionnelle est causée par un manque de proprioception. Lorsque l’on retrouve  une lésion intra-articulaire importante, il est recommandé d’effectuer une arthroscopie au moment de l’intervention, permettant ainsi au chirurgien de traiter les lésions intra-articulaires mais également l’instabilité latérale. Elle permet également d’accélérer la récupération, provoque moins de douleur, et moins d’atteinte des tissus mous, en améliorant la cicatrisation à travers la préservation du réseau capillaire sanguin. 

L’arthroscopie améliore la prise en charge des lésions intra-articulaires t permet de positionner anatomiqueent le greffon. Récemment, plusieurs techniques arthroscopiques assistées ont été décrites pour la reconstruction du ligament externe de cheville. 6,15-18
Dans une étude récente sur des cadavres, Drakos et al.18 ont montré la présence de plusieurs structures à proximité des sutures du TFA et CFL pendant l’arthroscopie. La proximité des fibulaires et des tendons des extenseurs dans la zone du TFA présente un grand risque de névralgie par occlusion, en théorie, et la proximité de la portion intermédiaire du nerf fibulaire superficiel, un grand risque de morbidité. De plus, nous pensons que l’association de l’arthroscopie et de la technique percutané peut provoquer des complications. Notre technique, qui démarre par une exploration arthroscopique intra-articulaire suivie par un nettoyage progressif extra-articulaire de la gouttière latérale, permet d’identifier et de préserver les structures latérales ainsi que la couche superficielle. En utilisant un point d’entrée bien établie pour l’arthroscopie en dehors des structures anatomiques, nous n’avons observé aucune complication neurologique sur nos quarante premiers cas.  Les complications tissulaires (infection, ulcère etc…) étaient plus fréquentes au niveau du pied et cheville comparées aux autres interventions orthopédiques. 19  
L’intervention chirurgicale décrite est techniquement exigeante, mais l’étape la plus difficile la dissection endoscopique de la zone latérale de la cheville, donc nous conseillons un entrainement sur des cadavres. Il y a peu de structures à risque, seulement les tendons fibulaires. Le nerf fibulaire superficiel est également un risque, comme lors de l’insertion de l’arthroscope par le point antéro-latéral de la cheville. Cependant, il est conseillé que ce point soit le plus latéral possible et inférieur. Nous pensons qu’il sera nécessaire rechercher et établir des résultats sur la technique décrite avant de l’adopter comme une technique chirurgicale standard. Cependant, elle reste très prometteuse, et permettra de réduire le temps d’immobilisation et d’améliorer la rééducation.
 
Traduit par Jérémy Da Silva .

BIBLIOGRAPHIE

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