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RETARD DE L’ACTIVATION MUSCULAIRE DU VASTE MEDIAL EN REPONSE A UNE PERTURBATION POSTURALE SUITE A UN EXERCICE EXCENTRIQUE : MECANISME SOUS TENDANT LES DOULEURS AU GENOU ?



INTRODUCTION
 
La capacité du quadriceps à stabiliser rapidement la patella lors d’une perturbation inattendue du genou est dépendante de l’apparition et de l’amplitude de l’activation musculaire. L’activation musculaire du vaste médial (VM) se produit généralement plus tôt que celle du vaste latéral (VL), ou au moins de manière synchrone pendant des perturbations posturales [2], une montée de marches [3] ou lors du réflexe ostéo-tendineux par percussion du tendon patellaire [4]. Par conséquent, l’apparition retardée de l’activité du VM par rapport au VL a souvent été signalée comme une cause potentielle de syndrome fémoro-patellaire et du développement des douleurs en résultant [5]. 
 
D’un point de vue anatomique, un timing approprié de l’activation du VM par rapport au VL est nécessaire pour compenser la forte traction latérale du VL lors de l’extension du genou. Il a été émis l’hypothèse que ces modifications dans l’activation du VM peuvent contribuer à un déséquilibre musculaire, facteur du SFP [6]. Une traction latérale excessive de la patella pourrait induire des contraintes localisées transmises à travers le cartilage pouvant stimuler les nocicepteurs de l’os sous-chondral, pouvant également entraîner  des SFP [7]. 
 
Le SFP est une plainte fréquente tant dans le milieu du sport que dans l’ensemble de la population, particulièrement en raison d’efforts excentriques répétés des membres inférieurs. Les muscles soumis à ces contraintes excentriques deviennent raides et douloureux 24h après les exercices en raison des changements physiopathologiques et de l’inflammation de la zone lésionnelle [8]. Par ailleurs, les réponses neuromusculaires du muscle lésé peuvent être altérées en raison des douleurs [9], du remodelage de la jonction neuromusculaire [10], des modifications sur les récepteurs proprioceptifs et des propriétés de la membrane de la fibre musculaire [9]. Ainsi, on peut s’attendre à ce que les exercices excentriques des quadriceps contribuent à des changements dans l’activation initiale des VM et VL pour stabiliser la patella lors de perturbations du genou. 
 
Dans l’étude présentée aujourd’hui et publiée en 2013 dans le British Journal of Sports Medicine, les auteurs ont analysé la synchronisation relative de l’activation du VM et du VL pendant une perturbation inattendue du genou avant et après un exercice excentrique. Le type de perturbations utilisées était proche de celles rencontrées communément pendant les activités sportives. 
METHODES
 
Sujets
11 hommes en bonne santé, sans antécédent de blessures au genou ont participé à l’étude. Tous les participants avaient la jambe droite comme jambe dominante et n’ont pas été impliqués dans un travail excentrique régulier des extenseurs du genou dans les 6 mois précédant l’expérience. 
 
Exercice excentrique
Les participants ont réalisés un exercice excentrique sur dynanomètre isocinétique (KinCom). Le protocole d’exercices a consisté à 4 séries de 25 contractions maximales volontaires (CMV) excentriques des extenseurs de la jambe à une vitesse entre 60°/s et 90°/s et à 170°/s, avec 3 minutes de repos entre chaque série. Au cours de l’exercice, un feedback visuel a été installé et le sujet a été encouragé verbalement à maintenir une force maximale. 
La CMV des extenseurs du genou, l’intensité de la douleur ressentie, la circonférence musculaire, le temps pour obtenir l’échec à 50% de la CMV isométrique des extenseurs du genou, apparition et amplitude EMG du VM et du VL pendant des perturbations posturales rapides ont été enregistrées avant, immédiatement après, à 24h et 48h après l’exercice excentrique.
 
Evaluation de l’intensité de la douleur musculaire et de la circonférence de la cuisse
Une échelle visuelle analogique (EVA) a été utilisée pour évaluer l’intensité de la douleur perçue 24h et 48h après l’exercice. Si une douleur était indiquée, il a été demandé au sujet de préciser la région atteinte. 
La circonférence de la cuisse a été  mesurée avec un mètre ruban à la partie distale de la cuisse (10% de la distance entre le bord supérieur de la patella et de l’épine iliaque antéro-supérieure.
Contraction maximale et temps de maintien des extenseurs du genou
Les participants devaient effectuer trois contractions isométriques des extenseurs du genou (3 à 5 secondes) à l’aide du dynanomètre isocinétique (hanche à 90° de flexion) avec 2 minutes de repos entre chaque répétition. 
Les participants ont également effectué, sur le dynanomètre isocinétique, une contraction isométrique à 50% de la CMV maintenue jusqu’à l’échec.
 
Perturbations posturales
Les participants se tenaient debout, pieds écartés de la largeur des épaules, membre inférieur droit sur une plate-forme de force mobile et pied gauche au sol. Un oscilloscope connecté à la plate-forme de force a été positionné face au participant pour contrôler la mise en charge (répartition égale sur les pieds). La plate-forme a été positionnée soit en avant soit en arrière (8cm). Dans chaque direction, 4 essais de 3 secondes ont été recueillis. Les participants n’étaient pas au courant de la direction du déplacement de la plate-forme. Les données EMG de surface ont été collectées à partir du VL et du VM au cours des perturbations. Les postions des électrodes ont été marquées sur la peau au cours de la première session de sorte que les emplacements puissent être reproduits 24h et 48h après l’exercice. Pour chaque direction de perturbation et pour les 4 essais, le délai d’activation des vastes a été mesuré et moyenné afin d’obtenir une valeur représentative. 
 
RESULTATS
 
Les mesures ont révélé une réduction significative de la force maximale volontaire et du temps jusqu’à échec après un exercice excentrique. Les mesures ne sont pas significativement différentes entre les trois sessions post-exercices (immédiate, +24h, +48h).
 
L’intensité de la douleur augmente et devient plus prononcée dans la région médiale de la cuisse (muscle vaste médial), 24h et 48h après l’exercice. 
 
La circonférence de la cuisse durant les séances post-exercices était également significativement plus grande en comparaison à la mesure de la session pré-exercice. L’analyse statistique a montré lors du soutien maintien isométrique un pourcentage plus élevé de diminution des valeurs moyennes corrigées de l’EMG en post-exercice en comparaison aux mesures pré-exercice. A chaque session, le muscle VM a montré une réduction importante de valeurs EMG par rapport au VL. 
 

Une interaction entre le muscle et le temps a été relevée, montrant le début de l’activation du VM significativement plus précoce que pour la réponse du VL lors des perturbations pour la session initiale. Cependant, le début de l’activation du VM immédiatement après, 24h et 48h après l’exercice excentrique était significativement plus tard que l’activation du VL. Cette observation a été faite tant pour les perturbations antérieures que postérieures.
 
DISCUSSION 
Une activation précoce du muscle VM par rapport au VL a été observée pour des individus en bonne santé dans des conditions normales. Cette priorité de l’activation du VM est particulièrement importante, le VM présentant une surface de section inférieure au VL et en raison des forces de traction appliquées à la patella par le VL. Cette étude démontre que l’activation du VM était plus tardive  que celle du VL lors de déstabilisations du genou immédiatement après, 24h et 48h après un exercice excentrique. Les résultats indiquent que l’exercice excentrique modifie la séquence d’activation des vastes ce qui peut entraîner un déséquilibre des forces de traction des vastes qui contribuent à la stabilisation de la rotule. 

CONCLUSION
L’activation du VM est significativement plus tardive que celle du VL après exercice excentrique, pendant des déstabilisations rapides. Cette différence est probablement liée aux douleurs et dommages musculaires. Ces résultats suggèrent que l’exercice excentrique du quadriceps peut retarder l’activité reflexe des vastes et pourrait compromettre la stabilisation patellaire laissant ainsi le complexe articulaire du genou plus vulnérable aux blessures. 
D’autres études seront nécessaires pour déterminer combien de temps après l’exercice excentrique, les temps d’activation seront de retour à la normale. 
Cette connaissance pourrait être utile afin de prévenir les troubles fémoro-patellaires après exercices excentriques à haute intensité. 
PAR ERWANN LE CORRE
 
BIBLIOGRAPHIE
[1] Hedayatpour N,Falla D. . Delayed onset of vastii muscle activity in response to rapid postural perturbations following eccentric exercise: a mechanism that underpins knee pain after eccentric exercise?Br J Sports Med Published Online First: [19 August 2013]  doi:10.1136/bjsports-2012-092015
[2] Ng EC, Chui MP, Siu AY, et al. Ankle positioning and knee perturbation affect temporal recruitment of the vastii muscles in people with patellofemoral pain. Physiotherapy 2011;97:65–70.
[3] Cavazzuti L, Merlo A, Orlandi F, et al. Delayed onset of electromyographic activity of vastus medialis obliquus relative to vastus lateralis in subjects with patellofemoral pain syndrome. Gait Posture 2010;32:290–5.
[4] Grabiner MD, Koh TJ, Draganich LF. Neuromechanics of the patellofemoral joint. Med Sci Sports Exerc 1994;26:10–21.
[5] Fulkerson JP, Shea KP. Current concepts review: disorder of patellofemoral alignment. J Bone Joint Surg Am 1990;72:1424–9.
[6] Insall J. Current concepts review: patellar pain. J Bone Joint Surg Am 1982;64:147–52.
[7] Fulkerson JP, Shea KP. Mechanical basis for patellofemoral pain and cartilage breakdown. In: Ewing JW, ed. Articular cartilage and knee joint function
[8] Hedayatpour N, Falla D, Arendt-Nielsen L, et al. Sensory and electromyographic mapping during delayed-onset muscle soreness. Med Sci Sports Exerc 2008;40:326–34.
[9] Hedayatpour N, Falla D, Arendt-Nielsen L, et al. Motor unit conduction velocity during sustained contraction after eccentric exercise. Med Sci Sports Exer 2009;41:1927–33.
[10] Chen YW, Hubal MJ, Hoffman EP, et al. Molecular responses of human muscle to eccentric exercise. J Appl Physiol 2003;95:2485–94.