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QUAND RETOURNER A L’ACTIVITE APRES LIGAMENTOPLASTIE SCAPHO-LUNAIRE ?



INTRODUCTION
 
Les blessures à la main et au poignet représentent 3 à 9% de l’ensemble des blessures rapportées [1]. L’atteinte du complexe ligamentaire scapho-lunaire se produit généralement après une chute sur une main ouverte provoquant une hyperextension du poignet et une déviation ulnaire [1]. 
Cliniquement les patients  rapportent des douleurs, un gonflement de l’intervalle scapho-lunaire, une diminution de l’amplitude de mouvement et dans les cas les plus graves une déformation du poignet [2]. 
Le diagnostic et l’intervention précoces sont généralement recommandés, en particulier chez les jeunes patients avec un haut niveau d’exigence physique. La négligence de ces blessures peut conduire à l’apparition de processus dégénératifs progressifs et sévères [3].
 
Le diagnostic est vérifié par la suspicion clinique liée au mécanisme lésionnel, à l’examen clinique, à la positivité du test de Watson (test considéré comme le spécifique pour l’identification de l’instabilité [4]) ainsi que les examens complémentaires tels que l’échographie (en aigu pour rechercher une lésion ligamentaire après avoir éliminé une fracture), l’arthroscanner ou l’arthro-IRM (clichés dynamiques réalisés à distance pour rechercher une instabilité). 
 
 

Le test de Watson consiste à exercer une pression sur la face palmaire du pôle distal du scaphoïde en mettant la main en inclinaison radiale. En réalisant ce test, un ressaut douloureux pourra être reproduit car la flexion du scaphoïde se réalisera de façon brutale en fin de manœuvre.
 
 


Si un diagnostic aigu est effectué dans les 6 semaines post-traumatisme, une réparation ligamentaire directe peut être faite en utilisant des ancrages osseux et la stabilisation temporaire par une broche de Krischner.
Cependant de nombreuses blessures sont diagnostiquées après ces 6 semaines rendant impossible le potentiel de guérison direct. Une reconstruction ligamentaire indirecte pourra être alors nécessaire. Des résultats satisfaisants ont été rapportés suite à la reconstruction ligamentaire utilisant une greffe du tendon du fléchisseur radial du carpe (intervention de Bruneli modifiée) [5]. Cependant il y a un manque de publications concernant les populations de sportifs professionnels. 
 
L’objectif de l’étude présentée aujourd’hui et publiée en septembre 2013 dans le BJSM est de déterminer précisément les éléments permettant le retour à l’activité chez des athlètes professionnels ayant subi l’intervention de Bruneli modifiée [6].
 
METHODES
Après recherche dans la base de données des auteurs, 14 athlètes professionnels ayant subi une ligamentoplastie du ligament scapho-lunaire selon la procédure de Bruneli modifiée ont été identifiés. Sur les 14 athlètes, 11 étaient des joueurs de rugby, 2 des boxeurs et 1 golfeur.
 
Les athlètes professionnels ont été définis comme des athlètes en concurrence dans leurs pays respectifs à un niveau national ou international et qui ont été rémunérés pour la pratique de leur sport. 
Les patients ont ensuite été contactés et invités à répondre à un questionnaire. Les informations suivantes ont été obtenues : âge, sexe, main dominante, côté opéré, sport pratiqué, position jouée, niveau en compétition en pré et post-opératoire, temps d’attente avant la chirurgie, intervalle entre l’opération et le retour à la compétition et la durée du suivi. 
 
Toutes les chirurgies ont été réalisées par l’auteur principal (Michael J Hayton) sur des patients présentant une instabilité confirmée par l’examen clinique et sur les imageries (radiologie et arthroscopie).
 
 

La technique opératoire est synthétisée par l’image ci-contre [7]. Deux modifications ont été apportées à la technique. La première est le changement de l’axe du tunnel (angle oblique antéro-postérieur suivant l’axe du scaphoïde) permettant d’éviter le potentiel risque d’atteintes vasculaires. La seconde modification est que dans la procédure originale, l’articulation radio-carpienne était traversée ce qui limitait la flexion du poignet. Dorénavant cette articulation est épargnée. 
 
Après l’opération, le poignet est immobilisé en attelle coude/poignet pour une durée de 6 semaines. Tous les athlètes ont été renvoyés auprès de leur physiothérapeute en club.  Une gamme d’exercices travaillant la mobilité articulaire ainsi que des exercices de lancer de fléchettes ont été débutés après le retrait de l’attelle. Au bout de 4 à 6 semaines, des exercices de renforcement sont introduits. 
Lorsque la force de préhension de la main atteinte atteint 75% (évaluée par le physiothérapeute à l’aide d’un dynanomètre) par rapport au côté sain et que les douleurs préopératoires ainsi que l’instabilité ont été résolues (évaluées de façon subjective par le patient), les athlètes sont autorisés à reprendre l’entraînement. 
 
RESULTATS 
11 des 14 athlètes ont repris l’activité sportive 4 mois après la chirurgie. Les trois autres (2 rugbymen et un boxeur) n’ont pu reprendre en partie en raison de la persistance des symptômes au niveau du poignet et en partie en raison de changements personnels. 
Lors de l’examen final, 9 des 11 athlètes ayant repris l’activité ont retrouvé leur niveau compétitif. Les 2 autres athlètes n’ont pas retrouvé leur niveau en raison de blessures au genou. 
 
DISCUSSION 
Les indications de la chirurgie lors de lésion ligamentaire chronique sont des douleurs intrusives persistantes et un sentiment d’instabilité du poignet. Ces symptômes qui n’interférent pas de façon significatives lors des entraînements ou des compétitions peuvent être gérés de manière prudente en première intention. 
Il n’existe pas de classification clinique permettant de déterminer s’il est nécessaire de procéder à une ligamentoplastie. La décision est généralement prise après échec des traitements conservateurs et en fonction des symptômes persistants. 
Le renforcement musculaire du fléchisseur radial du carpe peut stabiliser l’espace scapho-lunaire [8]. Les objectifs d’une telle plastie doivent être de soulager la douleur, restaurer la stabilité du poignet lésé tout en préservant autant que possible la mobilité. En fin de compte, la finalité est de restaurer la fonctionnalité du poignet afin d’obtenir un retour rapide à l’activité. Ceci est particulièrement pertinent pour des athlètes professionnels dont la période de convalescence peut avoir un retentissement sur leur carrière. 
 
Peu d’études s’intéressent au retour à l’activité après ce type de chirurgie :
- Une étude sur la procédure originale de Bruneli, a montré chez 13 patients une période de suivi allant de 6 mois à 2 ans. Tous les patients ont repris leur activité professionnelle en moyenne 100 jours après l’intervention [9]. 
- Dans une précédente étude [5], s’intéressant rétrospectivement à une population de 117 patients ayant subie l’intervention modifiée de Bruneli, les résultats ont montré :
EVA = 3,7/10
Perte de 33° d’arc de flexion-extension
Perte de force de préhension de 20%
- Garcia Elias et col. [7] ont examiné 38 patients opérés par l’intervention modifiée de Brunelli après une période de suivi de 46 mois. 76% des patients ont repris leur activité professionnelle normalement, 18% ont du diminuer le niveau de force de leurs activités habituelles et 5% ont du arrêter leur activité. Les auteurs ont recommandé d’éviter les sports de contact pendant une période de 6 mois post-opératoire. 
- Chabas et col. [10] ont rapporté leurs résultats chez 19 patients après un suivi moyen de 37 mois. 12 sont retournés dans leurs activités y compris pour le travail lourd après une coupure moyenne de 9 mois, 4 sont retournés à un niveau de travail allégé et 2 ont été libérés de leur emploi et 1 s’est arrêté. 
Les études mentionnées ci-dessus  ne considèrent pas une population spécifique d’athlètes professionnels. Même si la taille de l’effet est  relativement faible, les auteurs relèvent qu’elle présente une population spécifique de sportifs professionnels, ayant tous subis l’intervention modifiée de Bruneli par le même chirurgien.
 
En conclusion, la majorité des athlètes (environ 80%) retournent à l’activité sportive dans les 4 mois et 2/3 retrouvent leur niveau de jeu antérieur. 
 
Texte écrit par Erwann Le Corre
 
BIBLIOGRAPHIE 
[1] Rettig AC. Athletic injuries of the wrist and hand. Part I: traumatic injuries of the wrist. Am J Sports Med 2003; 31:1038–48.
[2] Watson HK, Ashmead Dt, Makhlouf MV. Examination of the scaphoid. J Hand Surg Am 1988;13:657–60.
[3] Watson HK, Ballet FL. The SLAC wrist: scapholunate advanced collapse pattern of degenerative arthritis. J Hand Surg Am 1984; 9:358–65.
[4] Lee SK, Desai H, Silver B. Comparison of radiographic stress views for scapholunate dynamic instability in a Cadaver model. J Hand Surg Am 2011; 36:1149–57.
 [5] Talwalkar SC, Edwards AT, Hayton MJ, et al. Results of tri-ligament tenodesis: amodified Brunelli procedure in the management of scapholunate instability. J Hand Surg Br 2006; 31:110–17.
[6] Williams A, et al. When can a professional athlete return to play following scapholunate ligament delayed reconstruction? Br J Sports Med 2013; 47:1071–1074. Doi: 10.1136/bjsports-2013-092795
[7] Garcia-Elias M, Lluch AL, Stanley JK. Three-ligament tenodesis for the treatment of scapholunate dissociation: indications and surgical technique. J Hand Surg Am 2006; 31:125–34.
[8] 14 Salvà Coll G, Garcia-Elias M, Lluch Bergadà Á, et al. Carpal dynamic stability mechanisms. Experimental study. Rev Esp Cir Ortop Traumatol 2013; 57.
[9] Brunelli GA, Brunelli GR. A new technique to correct carpal instability with scaphoid rotary subluxation: a preliminary report. J Hand Surg Am 1995;20:S82–5.
[10] Chabas JF, Gay A, Valenti D, et al. Results of the modified Brunelli tenodesis for treatment of scapholunate instability: a retrospective study of 19 patients. J Hand Surg Am 2008; 33:1469–77.