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Pubalgie et football



La pubalgie est l'une des blessures les plus courantes dans le football [1-3]. Elle représente un problème majeur en raison de l'incidence élevée, de la durée des symptômes et de son fort risque de récurrence [4, 5]. Dans la majorité de la littérature, la pubalgie est le plus souvent décrite comme une entité anatomique isolée ne tenant pas compte du fait qu'un grand nombre de structures peut être atteint et, à ce titre, causer une douleur dans la région de l’aine. 
 
Une étude danoise [6] parue en août dernier dans le BJSM s’est penché sur le problème et a suivi 44 clubs de football semi-professionnels (cohorte de 998 joueurs de football masculins) sur une saison complète de 10 mois. L'objectif principal était de décrire l’occurrence de la pubalgie et sa présentation clinique et l'objectif secondaire était d'examiner les caractéristiques de ces blessures. Tous les joueurs avec une suspicion de pubalgie ont été examinés en utilisant un examen normalisé reproductible (tableau) afin d'identifier les structures anatomiques potentiellement blessés. Celles-ci étaient au nombre de trois : les adducteurs, la région abdominale et l’ilio-psoas. Pour être identifié comme « pubalgie », au moins deux tests devaient être positif.
 
Pubalgie et football

Pubalgie et football
La pathologie des adducteurs est l'entité la plus commune suivie par les blessures liées au psoas et à la région abdominale. La jambe dominante (libre) était significativement plus souvent blessée (68%). L'âge (modification collagénique des tissus de l'organisme, diminution force musculaire) et les antécédents de pubalgie étaient des facteurs de risque importants et la récidive de pubalgie est généralement située du même côté que l’atteinte initiale. La pathologie des adducteur sans atteinte abdominale a un temps d’arrêt beaucoup plus long (x2) que l’atteinte isolée de la symphyse pubienne (p = 0,0096). Le temps d’arrêt est quadruplé si, associée aux adducteurs, une atteinte de la région abdominale est présente (p = 0,001).
Ces résultats sont en corrélation avec l'étude UEFA menée par Werner et al [7] qui constatent que la pubalgie liée aux adducteurs est l’atteinte la plus commune au niveau de l'élite. L'incidence de la pubalgie dans l’étude danoise ci-dessus (0,40/1000 h de pratique) est plus faible que dans l'étude de l'UEFA (1.1/1000 h). D'autres études sur des cohortes comparatives réalisées dans les pays nordiques et jouant à des niveaux semblables à ceux de la présente étude, ont montré une incidence des blessures allant de 0,6 à 0.8/1000 h, ce qui suggère que les joueurs des niveaux inférieurs pourraient moins souffrir de la pubalgie que ceux de l'élite [5, 8]. L’'incidence totale de toutes les atteintes anatomiques de la pubalgie dans cette étude (3,41 /1000 h), est également inférieure à celle de l'étude de l'UEFA sur les joueurs d’élite de la ligue des Champions (8/1000h).
 
Le temps d’arrêt dans 43% des cas a été modéré (8-28 jours) et sévère dans 33% (> 28 jours) : il était significativement lié à l’atteinte isolée des adducteurs et de la paroi abdominale (délai plus court) ou de leur présence conjointe (délai plus long). 
 
Des antécédents d’atteinte à la cheville, au genou ou des lésions myo-aponévrotiques au niveau des membres inférieurs ne pouvaient prédire un risque accru de blessure à l'aine.  Le poste du footballeur ne semble pas affecter non plus le risque de pubalgie. Aucune différence significative n'a été observée entre les gardiens et les joueurs sur le terrain (p = 0,85)
 
Les adducteurs étant des muscles très importants pour le joueur de football, la littérature souligne que l'équilibre des forces entre les muscles adducteurs et abducteurs est un facteur de risque possible dans la survenue d’une pubalgie [5, 9, 10]. Alors que le football semble être un renforcement concentrique et excentrique des abducteurs de hanche, les adaptations excentriques des adducteurs ne semblent pas être présents dans la même mesure, ce qui suggère une capacité limitée des adducteurs pour s'adapter à ces charges élevées et répétitives [11]. Comme le football est un sport où les coups de pieds et les changements de directions sont permanents, les muscles adducteurs semblent être à risque d'être blessés. L’étude a trouvé une fréquence relativement élevée de joueurs (39%) à qui un événement traumatique a conduit à une pubalgie mais dont seulement 20% par contact. Cela implique que la majorité (80 %) des blessures traumatiques sont probablement dû à un coup de pied, un sprint ou un changement soudain de direction ; mouvements qui impliquent des grandes vitesses avec une composante excentrique importante. La forte proportion de blessures situées sur le côté dominant (68%) trouvée dans l’étude danoise ci-dessus pourrait également être liée à ce que le long adducteur semble être plus à même d’être exposé aux microtraumatismes excentriques au cours de sa transition de l'extension à la flexion de hanche [12]. La forte proportion de pubalgie liée aux adducteurs et le temps d’arrêt long souligne l'importance de poursuivre les recherches de prévention en se concentrant sur l’amélioration de la force excentrique des adducteurs [13]. De même, la récidive d’une pubalgie du même côté souligne probablement une réduction de la force excentrique ou de la capacité d'endurance des adducteurs obtenue après la blessure. Ceci est en concordance avec les suggestions faites par Hägglund et al [14] qui supposent qu’un traitement et une réhabilitation insuffisante peut fournir une explication possible de récidive.
 
Texte écrit par A. Douville de franssu
 
[1] Ekstrand J, Hagglund M, Walden M. Injury incidence and injury patterns in professional football: the UEFA injury study. Br J Sports Med 2011; 45:553–8.
[2] Murphy JC, O'Malley E, Gissane C, et al. Incidence of injury in Gaelic football: a 4-year prospective study. Am J Sports Med 2012; 40:2113–20.
[3] Orchard JW, Seward H, Orchard JJ. Results of 2 decades of injury surveillance and public release of data in the Australian football league. Am J Sports Med 2013; 41:734–41.
[4] Holmich P, Larsen K, Krogsgaard K, et al. Exercise program for prevention of groin pain in football players: a cluster-randomized trial. Scand J Med Sci Sports 2010; 20: 814–21 
[5] Engebretsen AH, Myklebust G, Holme I, et al. Intrinsic risk factors for groin injuries among male soccer players: a prospective cohort study. Am J Sports Med 2010;38:2051–7.
[6] Per Hölmich, Kristian Thorborg, Christian Dehlendorff, et al. Incidence and clinical presentation of groin injuries in sub-elite male soccer. Br J Sports Med doi:10.1136/bjsports-2013-092627 
[7] Werner J, Hagglund M, Walden M, et al. UEFA injury study: a prospective study of hip and groin injuries in professional football over seven consecutive seasons. Br J Sports Med 2009; 43:1036–40.
[8] Ekstrand J, Hilding J. The incidence and differential diagnosis of acute groin injuries in male soccer players. Scand J Med Sci Sports 1999; 9:98–103.
[9] Emery CA, Meeuwisse WH. Risk factors for groin injuries in hockey. Med Sci Sports Exerc 2001; 33:1423–33.
[10] Tyler TF, Nicholas SJ, Campbell RJ, et al. The effectiveness of a preseason exercise program to prevent adductor muscle strains in professional ice hockey players. Am J Sports Med 2002;30:680–3.
[11] Thorborg K, Couppe C, Petersen J, et al. Eccentric hip adduction and abduction strength in elite soccer players and matched controls: a cross-sectional study. Br J Sports Med 2011;45:10–13.
[12] Charnock BL, Lewis CL, Garrett WE Jr., et al. Adductor longus mechanics during the maximal effort soccer kick. Sports Biomech2009; 8:223–34.
[13] Jensen J, Holmich P, Bandholm T, et al. Eccentric strengthening effect of hip-adductor training with elastic bands in soccer players: a randomised controlled trial. Br J Sports Med 2012. Published Online First: Epub Date. doi:10.1136/bjsports-2012-091095
[14] Hagglund M, Walden M, Ekstrand J. Previous injury as a risk factor for injury in elite football: a prospective study over two consecutive seasons. Br J Sports Med 2006;40:767–72.