On a tous constaté qu’un patient atteint d’un conflit sous-acromial (souffrance réelle du supra-épineux ou bursite sous acromiale dans les premiers temps), éprouve de grandes difficultés à réaliser une élévation du bras harmonieuse. Le fameux rythme scapulo-huméral en 3 temps cher à Kapandji est perturbé et le supra-épineux ne joue plus son rôle de starter du mouvement en démarrant l’abaissement et l’abduction de la tête humérale par point fixe scapulaire. Car qui aurait envie de lever le bras « normalement » quand chaque début de mouvement est douloureux ? Quand chaque tentative réalise un conflit sous-acromial et une inflammation mécanique réactionnelle par l’irritation du tendon et de la bourse sur les structures ostéo-ligamentaires voisines (acromion, ligament coraco-acromial) ? Réponse : personne ! Et nos patients ne dérogent pas à la règle.
Alors comment réaliser une élévation du bras sans pour autant pérenniser le conflit sous-acromial et ses fâcheuses conséquences?
Pour résoudre ce problème, certains thérapeutes avaient préconisés de solliciter les abaisseurs longs (grand pectoral, grand rond et grand dorsal) afin de réaliser un abaissement préalable de la gléno-humérale à l’abduction ce qui ouvrirait théoriquement l’espace sous-acromial. Sauf que, à part en chaine fermée, avant-bras posé sur la table, cette solution ne marche pas en chaine ouverte et constitue un apprentissage moteur plus que ridicule, anti-physiologique !
Alors d’autres thérapeutes ont essayé de réfléchir et de trouver d’autres solutions plus pertinentes comme T. Marc qui nous a proposé son concept global de l’épaule (CGE) ou récemment D. Bennetot. Ce dernier nous a proposé une solution complémentaire très intéressante dans un article paru dans le numéro 32 de Profession kinésithérapeute [1].
La problématique était la suivante : comment soigner une inflammation, associée ou non à une déchirure, voire rupture du supra-épineux, sans solliciter ce même muscle ?
Le but de la rééducation étant d’offrir un « environnement cicatriciel favorable » au tendon sans relancer de phénomènes inflammatoires et en optimisant le travail musculaire de la coiffe des rotateurs comme élément de recentrage de la tête humérale, il a constaté, électromyogramme à l’appui, que la meilleure solution était de réaliser un travail en chaine croisée, soit un mouvement de « direct » du boxeur.
Et pourquoi ce mouvement précisément ? Réponse : pour obtenir un bâillement entre l’acromion et le tubercule majeur ce qui ouvre l’espace sous-acromial et laisse libre de ses mouvements le tendon enflammé responsable de toutes ces douleurs et impotences.
En effet, la plupart des études démontrant le rôle starter du supra-épineux dans l’abduction ont été réalisées sur des personnes exempts de pathologie. Ainsi, la contraction du supra-épineux chez le patient « sain » mobilise l’humérus par rapport à un point fixe : la scapula. A l’inverse, lorsque notre patient douloureux vient nous demander de l’aide, ces mouvements primaires ont changé et des compensations se sont mises en place. Et comme nous le rappelle justement D. Bennetot : « lors d’une élévation antérieure du bras, le patient sait qu’il va déclencher une douleur, il essaie alors de bouger son bras en le maintenant collé au thorax : ce n’est plus l’omoplate mais l’humérus qui devient le point fixe du départ du mouvement !!! C’est pourquoi la contraction du supra-épineux a tendance à renforcer le conflit sous-acromial, car l’omoplate part en légère sonnette interne et l’acromion s’abaisse sur la tête humérale. Etant donné que le trajet du muscle supra-épineux passe au-dessus du centre de rotation de l’omoplate, il entraîne donc un mouvement de sonnette interne avec un point fixe huméral ».
Les autres muscles de la coiffe des rotateurs, eux, passent en dessous : infra-épineux, petit rond, sous-scapulaire. Ils ne sont pas les starters proprement dits du mouvement mais travaillent en association avec le supra-épineux.
Alors que restent-ils comme muscles qui passeraient en dessous du centre de rotation de la scapula et qui pourrait réaliser une ouverture de l’espace acromial ? Etant donné qu’on a vu que les 3 grands étaient hors-jeu, il nous reste un muscle : la longue portion du triceps brachial.
D. Bennetot nous éclaire : « nous avons dit qu’il existait par la douleur un changement de point fixe : l’humérus. Ainsi, la contraction de la longue portion, renforcée par ses vastes, entraîne une légère sonnette externe qui est suffisante pour provoquer un bâillement en ouverture de l’espace conflictuel. Ensuite, les stabilisateurs : angulaire, rhomboïdes, trapèze vont maintenir l’omoplate et ainsi récupérer le point fixe pour mobiliser l’humérus, et tout cela sans solliciter le tendon lésé ! »
Et pour vérifier cela de façon plus scientifique qu’empirique, D. Bennetot a réalisé un électromyogramme du supra-épineux en condition d’élévation/rotation latérale classique et lors du geste du boxeur, type coup de poing contre résistance. Le résultat est sans appel : il existe une contraction significative du supra-épineux lors du geste d’élévation/rotation latérale et uniquement une micro-contraction dite de maintien de tonus musculaire lors de l’élévation du bras par le geste du coup de poing.
Face à ce constat, D. Bennetot, loin de crier à la panacée de sa découverte, suggère d’ajouter à toutes les techniques existantes de traitement du conflit sous-acromial (physiothérapie, méthode CGE, taping, mobilisations cervicales…), ce geste salvateur du coup de poing du boxeur. Bien réalisé et intégré dans une prise en charge intelligente, il va à coup sûr, vous mettre « direct » sur la bonne voie !
Texte écrit par A. Douville de franssu
[1] D. Bennetot. Comment rééduquer une épaule sans solliciter le supra-épineux. Profession kiné, n°32, p21-26.