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Prise en charge actuelle et facteurs pronostiques de la pratique de la kinésithérapie chez des patients avec douleurs d'épaule : schéma d'une étude de cohorte prospective



Contexte
 
Cet article décrit une étude de cohorte intitulée ShoCoDiP (Shoulder Complaints ans the use of Diagnostic Ultrasound in Physiotherapy practice = plaintes au niveau de l'épaule et utilisation du diagnostic échographique en pratique kinésithérapique).
Publier le schéma d'une étude permet de mettre au clair les objectifs et la procédure avant de publier les résultats. Cela peut aussi permettre d'éviter de rapporter inconsciemment les résultats de manière sélective.
Les pathologies d'épaule sont la 2e plainte musculo-squelettique la plus commune au sein de la population générale, avec un point de prévalence de 20,6 % [1], et causent une incapacité fonctionnelle considérable, des douleurs, ainsi que d'importants coûts de soins [2]. La prévalence rapportée à 12 mois pour les problèmes d'épaule est compris entre 6,7 et 66,7 %. Aux Pays-Bas, l'incidence annuelle dans la pratique générale est de 15-16/1000 personnes par an. La chronicité et la récurrence des problèmes d'épaule sont communes [5-7]. Environ 40 %  des patients présentent encore des douleurs après 12 mois [6] et 40 % retournent consulter leur médecin [2]. Il existe une forte preuve que les facteurs pronostiques pour les douleurs d'épaule tels que l'âge, des scores d'incapacité élevés, la durée des douleurs et l'intensité de la douleur sont associés à des résultats faibles [4,8,9]. Avoir un diagnostic spécifique comme une bursite, une rupture de la coiffe des rotateurs ou une épaule gelée est rapporté comme étant un prédicateur pour une récupération améliorée chez les patients avec des désordres du membre supérieur comparés aux patients avec un diagnostic non spécifique dans la pratique générale [8].
 
Lors de la 1ère consultation, les praticiens recommandent une attitude "wait and see" à environ 40 % des patients, 39 % reçoivent un traitement médicamenteux par anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et 16 % sont envoyés vers un kinésithérapeute [10].
Un traitement précoce en pratique générale consiste principalement en des médicaments pour la douleur accompagnés de conseils [2].

En soins de première intention, les informations recueillies pendant l'interrogatoire et l'examen clinique sont utilisées pour poser un diagnostic et pour décider des options de traitement. Malheureusement, l'examen clinique n'est pas toujours un outil diagnostique fiable ou valide [12-14]. De ce fait, la plupart des plaintes sont considérées comme non spécifiques vu qu'aucune pathologie spécifique ne peut être diagnostiquée. Lorsque des informations diagnostiques supplémentaires sont nécessaires, les médecins peuvent adresser les patients à des radiologues pour des diagnostics par imagerie, tel que l'échographie musculo-squelettique (EMS).
 
A l'heure actuelle, aux Pays-Bas, de nombreux physiothérapeutes assistent à des cours additionnels sur l'EMS, qui peut être un outil fiable et relativement peu coûteux pour le diagnostic des patients avec douleur d'épaule [15,16]. Une revue systématique récente a montré que l'EMS a une sensibilité de 95 % et une spécificité de  96 % pour les ruptures complètes de la coiffe des rotateurs, et une sensibilité de 72 % et une spécificité de 93 % pour les ruptures partielles lorsque cette EMS est réalisée par un radiologue expérimenté [17]. L'EMS réalisée par un radiologue expérimenté peut donc aider au diagnostic précis des ruptures de coiffe. Sachant cela, il reste à savoir si les patients répondraient mieux ou pas au traitement une fois que la pathologie a été identifiée en soins de première intention. Un diagnostic précis est essentiel pour s'assurer que les patients reçoivent un traitement approprié et  des informations correctes à propos de leur pronostic. Hormis par le traitement proposé, le pronostic peut être influencé par l'expérience du patient. Cela implique une rencontre thérapeutique entre le patient et le kinésithérapeute, ci-après cité comme une "alliance de travail".
La présente étude va évaluer si l'alliance de travail et la pathologie détectée par EMS sont de possibles facteurs pronostiques dans les soins de première intention chez les patients avec douleurs d'épaule.
 
L'EMS utilisée par les kinésithérapeutes pourrait probablement aider à identifier les sous-groupes de patients qui pourraient le mieux répondre au traitement kinésithérapique. Les auteurs supposent qu'un diagnostic plus spécifique mènerait à des choix de traitement plus spécifiques et à un meilleur pronostic.
 
L'objectif principal de l'étude ShoCoDiP est d'évaluer les soins de kinésithérapie et les facteurs pronostiques chez des patients avec douleur d'épaule et d'étudier si l'EMS et l'alliance thérapeutique sont liées à la récupération du patient. Les objectifs secondaires sont d'évaluer la fiabilité inter-examinateurs de l'EMS entre les kinésithérapeutes et les radiologues, et si les caractéristiques patients de ceux ayant reçu une EMS diffèrent de ceux n'en ayant pas eu.
 
Méthodes

Schéma
 
Une étude de cohorte prospective incluant des patients avec des douleurs d'épaule recevant de la kinésithérapie en première intention. De plus, un autre schéma sera utilisé pour évaluer si les caractéristiques des patients diffèrent entre les patients recevant ou ne recevant pas d'EMS. Le groupe contrôle sera randomisé. Les patients bénéficiant d'une EMS par un kinésithérapeute bénéficieront également d'une EMS par un radiologue pour évaluer la fiabilité inter-examinateurs.
 
Recrutement des kinésithérapeutes, radiologues et patients
 
Kinésithérapeutes : au moins un an d'expérience après leur formation à l'EMS, au moins 100 EMS d'épaules réalisées, tranducteur avec une fréquence minimum de 7,5 MHz et avec logiciel approprié. Ces kinésithérapeutes ont été entrainés à l'utilisation du protocole d'EMS par Jacobson [20] pendant un rendez-vous spécialement dédié à cela.
 
Radiologues : spécialisés dans la radiologie musculo-squelettique et réalisant des EMS.
 
Patients : souffrant de douleurs d'épaule, âgés de plus de 18 ans et parlant le Néerlandais. Exclusion si pathologies sérieuses (cancer, infection, fracture), chirurgie de l'épaule au cours des 12 derniers mois ou si pose d'un diagnostic par imagerie dans les 3 mois précédant l'étude.
 
Recueil des données
 
Les données seront collectées grâce à un logiciel. Les patients recevront un questionnaire au départ et à 6, 12 et 26 semaines après inclusion. Les kinésithérapeutes ont reçu un questionnaire au départ et à 3, 6 et 12 semaines de suivi. Lorsqu'un kinésithérapeute a réalisé une EMS, le patient concerné a eu une seconde EMS dans la semaine suivante par un radiologue en aveugle.
 
Evaluation à la base
 
Les caractéristiques des patients, les facteurs de pronostic et les informations spécifiques par rapport à la pathologie seront collectées au départ. Les kinésithérapeutes rapporteront les données de leur examen clinique ainsi que leur interprétation après interrogatoire et examen clinique.
 
Facteurs pronostiques
 
Les facteurs pronostiques possibles de récupération des patients avec douleurs d'épaule sont tirés de la littérature [4,21-24] et consistent en l'intensité de la douleur, la durée des plaintes, l'âge, le genre, l'incapacité, le plus haut niveau d'éducation, la description du travail (travail physiquement éprouvant, travail statique répétitif ou travail avec postures inconfortables), arrêt maladie à cause de douleurs d'épaule, et plaintes plus importantes au travail.
 
Prise en charge kinésithérapique
 
Des facteurs descriptifs comme la fréquence des hypothèses diagnostiques, la période de traitement, les coûts et les objectifs et choix de traitement kinésithérapiques seront évalués par le questionnaire destiné aux kinésithérapeutes.
 
Taille de l'échantillon
 
Basé sur la littérature, environ 40 % des patients avec douleurs d'épaule récupèreront dans les 6 mois [4]. La population devra inclure environ 300 sujets. En supposant une perte de 20 % environ, il faudrait dans l'idéal 400 sujets minimum.
 
Critères de jugement
 
Principal : récupération, mesurée par l'échelle d'Effet Global Perçu (EGP) (ou Global Perceived Effect)
 
Secondaires : incapacité fonctionnelle, mesurée par la version néerlandaise du Shoulder Disability Questionnaire (16 items, avec un score allant de 0 à 100, un haut score indiquant une incapacité fonctionnelle importante). Ce questionnaire a une bonne validité de construction [23] et apparaît être un instrument discriminatif utile en première intention [26].
La sévérité de la douleur sera évaluée par le Shoulder Pain Score  (6 questions sur les symptômes perçus lors des dernières 24 heures, sur  une échelle de 4 points).
La qualité de vie relative à la santé sera mesurée grâce au questionnaire Euroquol en 5 items.
L'alliance de travail sera mesurée par une version néerlandaise du Working Alliance Inventory (WAV-12), évaluée au bout de 6 semaines.
L'EMS sera standardisée en 11 catégories : 1) tendinopathie, 2) calcification, 3) rupture de coiffe complète, 4) rupture de coiffe partielle, 5) rupture du tendon du biceps, 6) bursite sub-acromiale / sub-deltoïdienne, 7) conflit sois-acromial, 8) arthrose de l'articulation acromio-claviculaire, 9) discontinuité corticale de l'aspect supérieur de l'acromion, 10) pas de pathologie spécifique ou 11) autre.
Pour 1) à 4), il peut être spécifié : supra-épineux, infra-épineux, petit rond ou subscapulaire (avec en plus tendon du biceps pour 1) et 2)) [17].
 
Analyse statistique
 
Des statistiques descriptives, incluant les fréquences des variables de catégories ainsi que les moyennes et les écarts-types pour les variables continues, ont été utilisées pour décrire les caractéristiques des patients, des kinésithérapeutes et des radiologues.
La fiabilité inter-examinateurs sera évaluée par un coefficient Kappa. Une valeur de p < 0,05 sera considérée comme statistiquement significative.
 
Discussion
 
L'étude proposée décrira la prise en charge actuelle des douleurs d'épaule en première intention et aidera à déterminer quels facteurs peuvent prédire la récupération des patients en pratique kinésithérapique. Cette étude est conçue de manière à inclure des caractéristiques méthodologiques clés afin de minimiser les biais.
 
Les facteurs pronostiques possibles et les facteurs de confusion sont sélectionnés par rapport à de précédentes recherches [4].
Bien qu'il y aura sélection d'un groupe hétérogène de patients avec des plaintes à l'épaule, les auteurs considèrent deux critères d'exclusion importants. Le premier est que les patients ayant eu une opération de l'épaule dans les 12 mois précédents sont exclus. Le second est que les auteurs postulent que les kinésithérapeutes basent leur diagnostic et leurs interventions sur les techniques d'imagerie réalisées précédemment.
Les radiologues et les kinésithérapeutes seront en aveugle des résultats des uns et des autres. De plus, ils seront en aveugle des informations cliniques ne faisant pas partie de l'évaluation par EMS. Les radiologues devront conserver les patients en aveugle par rapport aux résultats de l'EMS.
 
Les auteurs n'omettent pas que la fiabilité inter-examinateurs entre les kinésithérapeutes et les radiologues peut être influencée par la qualité de l'équipement d'échographie et par l'expérience. De plus, seuls les conducteurs avec fréquences de transducteur d'au moins 7,5 MHz seront utilisés en pratique kinésithérapique et les kinésithérapeutes devront avoir au moins 1 an d'expérience avec plus de 100 examens de l'épaule à leur actif.
 
Jusqu'à maintenant, les études de fiabilité évaluaient généralement la fiabilité inter-examinateurs entre les radiologues. Cependant, les kinésithérapeutes utilisent de plus en plus l'EMS dans leur pratique quotidienne et la fiabilité entre les différentes professions n'a pas été encore réellement évaluée.
 
 
Article de référence : Karel et al.: Current management and prognostic factors in physiotherapy practice for patients with shoulder pain: design of a prospective cohort study. BMC Musculoskeletal Disorders 2013 14:62.

Lien article ici ;
http://www.biomedcentral.com/content/pdf/1471-2474-14-62.pdf
 
 
Références
 
 
 
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